«Julien Green rend à la Mort ce qui est à la Mort: cet avertissement, cette flétrissure; dans le récit de Manuel, la Mort se présente avec toutes ses vertus d'imminence et c'est elle qui dicte par exemple au compte de Négreterre la constatation de l'aggravation de son mal. [...] Ce doigt de la Mort est donc une réponse à une attente, à un appel [...] et la voix intérieure qui semble venir remercier cette Mort est celle du Double, l'un des événements majeurs du Seuil de l'Au-delà.» (M. Guiomar, Principes de l'esthétique de la mort, Paris, José Corti, 1988, p. 18)
Un matin d'automne qu'il rentrait d'une promenade, il sentit la mort poser le doigt sur un point de son estomac; elle appuya et il eut mal. Il avait alors cinquante-deux ans et depuis sa trentième année il attendait ce signal. Son premier sentiment fut celui d'une peur violente mais en même temps une voix en lui s'écria: «Enfin». [...Il] s'était cru en garde contre la souffrance, mais lorsqu'elle fut devant lui, il se trouva aussi démuni qu'un enfant. Il savait bien qu'elle devait venir et il lui avait préparé une place dans sa vie [...] il s'aperçut que vivre désormais c'était apprendre à ne pas gémir.
Source: Julien Green, Le Visionnaire, Paris, Plon, 1934, p. 193-194.
Source: Julien Green, Le Visionnaire, Paris, Plon, 1934, p. 193-194.