L'Encyclopédie sur la mort


Finitude et nostalgie de l'au-delà

Thomas De Koninck

Dans «Dieu premier aimable», seconde partie de la conclusion à Aristote, l'intelligence et Dieu (PUF, , 2008), Thomas De Koninck distingue trois formes de finitude. Il introduit cette distinction par un rappel du sentiment de finitude développé par Hegel dans ses Leçons sur la philosophie de la religion.
Hegel poursuit en expliquant plus loin que cet autre encore «que l'on appelle Dieu», nous ne pouvons que «soupirer après lui dans le sentiment de notre finitude - rien de plus pour nous, car nous sommes fixés absolument dans notre finitude». Le désir ardent de cet autre, notre aspiration à lui, «ne doit être qu'une tentative, une simple nostalgie qui ne peut atteindre ce qu'elle cherche». Il importe de bien voir que «cette orientation vers un au-delà, la nostalgie, est exclusivement ma nostalgie, mon action, mon orientation, mon émotion». De sorte que les prédicats que j'assignerai à cet au-delà n'ont de sens qu'en moi. Ma finitude m'empêche d'atteindre l'au-delà; même si reconnaître un au-delà est ma tendance, mon aspiration et mon vouloir, ces deux déterminations - ma finitude et cet au-delà - tombent entièrement en moi. «Il existe donc une scission à l'intérieur de moi-même.»

Il faut toutefois distinguer trois formes de finitude, dont la première est la finitude naturelle, sensible, où l'on n'a affaire qu'à du singulier. «La manifestation universelle en est la mort; le fini passé.» Deux contraires ne peuvent exister de manière effective dans le même sujet individuel: je ne puis être aveugle stricto sensu et voir en même temps, même si, étant aveugle, j'aspire à voir. Dans la seconde forme de finitude, celle de la réflexion, la finitude en revanche se conserve, puisque dans la réflexion les contraires sont ensemble: la finitude et l'infinité s'y «perpétuent dans leur opposition». Leur unité est ainsi posée dans la réflexion, en ce sens que l'un ne peut être pensé sans l'autre. [...] Reste le point de vue supérieur, le troisième rapport du fini à l'infini dans la raison, où cette fois le rapport est inversé et la réalité enfin saisie: «Le fini est contenu dans l'infini lui-même.» La raison va bien que c'est le parfait qui permet de définir l'imparfait. «La véritable détermination du fini dans son rapport à l'infini est l'unité immédiate des deux.» La définition de la cécité, c'est la vue qui la donne. Sans cette dernière il n'y aurait pas de cécité. Voici que la raison pensante, la philosophie, confirme l'implication du fini dans l'infini, perçue d'abord sous forme de manque et d'aspiration vitale.

Mais nous retrouvons aussi, du même coup, en conclusion, ce que nous pressentions au départ - à savoir, la grandeur de l'interrogation issue de l'étonnement, donnant voix et parole à l'inquiétude et à l'anxiété, le plus souvent inexprimables, qui se trouvent au fond de notre être. Ramenant l'être humain aux profondeurs de ce qui existe réellement, l'entraînant à prendre conscience de cette inquiétude et le rendant ainsi plus conscient et plus humain, elle quête une parole sur l'origine, et scrute au-delà de l'immédiat le sens de notre finitude.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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