L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
L’homme est un animal sociable, un zoon politikon dans la langue d’Aristote. Les individus de cette espèce se rassemblent spontanément en une communauté, un tissu social les unit, tissu analogue à celui des organes de leur corps. Le droit viendra ensuite peaufiner ce tissu, au risque toutefois de se substituer à lui. On fera alors le projet de construire des communautés. La sécurité étatique remplacera la sécurité sociale. Nous en sommes là dans de nombreux pays en ce moment.
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié,
ils n'auraient nullement besoin de la justice;
mais, même en les supposant justes,
ils auraient encore besoin de l'amitié.»
ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
La force du principe de réciprocité
Une des façons de mettre en évidence cette logique du don, ce que j’ai appelée l’appât du don, par opposition à l’appât du gain, c’est de montrer la force de la réciprocité. Qu’est-ce que la réciprocité? C’est la tendance à donner quand on a reçu un don. Le fait de recevoir quelque chose sous forme de don provoque chez celui qui reçoit une envie de donner à son tour, et non de se dire: «Ah, quelle bonne affaire!», comme le prévoit la théorie de l’intérêt. Le don transporte avec lui une impulsion à donner chez celui qui reçoit. Tel est le principe de réciprocité.
Il est très important. Il constitue une force sociale élémentaire. La norme de réciprocité est aussi forte que le tabou de l’inceste, a écrit Gouldner, et aussi présente aujourd’hui qu’hier, et chez nous que dans les sociétés exotiques.[…]
Entendu de cette façon, la réciprocité est beaucoup plus importante. De nombreux auteurs s’y sont attardés. C’est la grande question de départ de l’essai de Marcel Mauss sur le don : quelle est la force qui pousse à donner quand on a reçu? Mauss a analysé la force de cette loi qui oblige l’autre à donner surtout dans les sociétés archaïques. Mais la force du principe de réciprocité s’étend bien au-delà du don agonistique décrit par les ethnologues. Sa généralité dans le don peut être mise en évidence en observant sa présence dans le type de don où on l’attend le moins : le don défini a priori dans notre société comme unilatéral, -et donc non réciproque-, le don à des inconnus : philanthropie, don humanitaire, etc Donnons-en quelques illustrations dans les cas les plus extrêmes.
L’œuvre d’Aristote qui nous est parvenue est vaste en mots et immense en pensée. Eu égard à l’espace qui nous est permis dans cette chronique, je ne vais pas analyser son traité qui m’a impressionné le plus : La politique. Je vais le reprendre sans commentaires en citant quelques passages et en mettant les mots clés en caractères gras.
« Une conclusion évidente : l'État est un fait de nature, et par nature seul l'homme est un être sociable (animal politique : "zoon politikon"); celui qui reste sauvage par choix, et non par l'effet du hasard, est certainement, ou un être dégradé, ou un être supérieur à l'espèce humaine.
La nature ne fait rien en vain. C’est ainsi que les hommes désirent la vie sociale invinciblement, ce qui n'empêche pas chacun d'eux d’y être poussé par son utilité particulière, et par le désir de trouver la part individuelle de bonheur qui lui doit revenir. Les hommes se réunissent ne serait-ce que pour le bonheur seul de vivre ; et cet amour de la vie est sans doute une des perfections de l'humanité.
'association naturelle de tous les instants, c'est la famille. L'association première de plusieurs familles, c'est le village. L'association de plusieurs villages forme un État complet, arrivant, l'on peut dire, au point de se suffire absolument à lui-même. Ainsi l'État vient toujours de la nature. La cité est une association d'êtres égaux, recherchant en commun une existence heureuse et facile. Une chose que je cherche, parmi d’autres, c'est l'idée absolue du citoyen, dégagée de toutes les imperfections que nous avons signalées. De cette réunion arrivent trois formes de gouvernement : la royauté, l'aristocratie, la république.
Exemple d'une assurance véritablement sociale, plutôt qu'étatique.
«Dans les rapports du voisinage à Saint-Justin, il y avait lieu de distinguer trois degrés: le premier voisin, le rang, la paroisse. (...) Entre voisins, on se rend force services, on se prête des instruments de travail, des voitures, des chevaux. On va chez lui veiller au chevet des malades; pour le voisin, on attelle son meilleur cheval et on va chercher le prêtre dont la présence est requise auprès d'un mourant ou d'un malade. (...)»
Tiré du livre de Léon Gérin, Le type économique et social des Canadiens, Éditions de l'A.C.F., 1937.Version PDF
En 1954, Rome demande aux prêtres-ouvriers de cesser le travail. Loew cesse d’être docker et fonde l’année suivante la Mission ouvrière Saint-Pierre-et-Paul pour l’évangélisation du monde ouvrier. On le retrouve successivement à Port-de-Bouc, Toulouse, sur les chantiers de forage au Sahara, puis dans la banlieue de Sao Paulo au Brésil. En 1969, il fonde l’École de la Foi à Fribourg en Suisse, non pour former des spécialistes de la pastorale ou de la catéchèse, mais pour initier des formateurs de communautés, des hommes et des femmes qui soient des disciples du Christ en partageant la rude existence humaine.
La libéralité des Anciens
L’évergétisme avait chez les Anciens une ampleur sans commune mesure avec ce que nous les Modernes connaissons de la générosité et de la philanthropie. Imaginons ce qu’il adviendrait de nos notables, sénateurs et empereurs à nous s’ils se mettaient à faire à qui mieux mieux des évergésies. On les verrait s’agiter soudain, s’inquiéter de leur honneur et de leur immortalité, répandant autour d’eux largesses et dons splendides.
Ainsi, M. Pierre Elliott Trudeau, en guise de célébration du quinzième anniversaire de sa constitution qui doit durer mille ans, ouvrirait les portes de sa superbe maison signée Ernest Cormier au peuple de Montréal, l’accueillant avec une dégustation de champagne et de fraises importées d’Espagne.
Le mot convivial n'est pas un vague synonyme du mot sociabilité. Il désigne la qualité des rapports humains dans un contexte où l'on utilise des outils qui prolongent l'homme au lieu de se substituer à lui.
« L’homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l’entourent, de leur donner forme à son goût, de s’en servir avec et pour les autres. Dans les pays riches, les prisonniers disposent souvent de plus de biens et de services que leur propre famille, mais ils n’ont pas voix au chapitre sur la façon dont les choses sont faites, ni droit de regard sur ce qu’on en fait. Dégradés au rang de consommateurs-usagers à l’état pur, ils sont privés de convivialité. J’entends par convivialité l’inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par sa relation à autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu’il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l’outil dominant et l’outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné, réponse stéréotypée de l’individu aux messages émis par un autre usager, qu’il ne connaîtra jamais, ou par un milieu artificiel, qu’il ne comprendra jamais. La relation conviviale, toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer de la productivité à la convivialité, c’est substituer à une valeur technique une valeur éthique, à une valeur matérialisée une valeur réalisée. La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d ’une société dotée d’outils efficaces. Lorsqu’une société, n’importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d’un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l’envie.».
Aussi, pour amener une conversion qui nous éviterait les confusions nées de la multiplicité des mots et de leurs sens, nous a-t-il paru essentiel, au départ, de replacer les phénomènes dits de pauvreté et de misère dans leur contexte archéologique et historique. En d'autres termes, d'aller au-delà des mots et de leurs interprétations pour essayer de retrouver leur place – souvent fondamentale – dans la lutte des sociétés humaines contre la nécessité et pour une vie meilleure. Une lutte dont le but n'était d'ailleurs pas circonscrit à la simple survie, mais qui, selon un sage Borana, devait déboucher pour tous les membres d'une communauté sur ce qu'il appelait, dans la langue de ses ancêtres, fidnaa ou gabbina, ou "le rayonnement d'une personne bien nourrie et libérée de tout souci.4
C'est dans cet esprit que nous avons été amenés à régénérer une bien vieille distinction entre la pauvreté et la misère: une distinction attribuée à saint Thomas, pour qui la pauvreté représentait le manque du superflu, alors que la misère signifiait le manque du nécessaire. C'est dans ce sens que, bien plus tard, Proudhon parlera de la pauvreté comme " la condition normale de l'homme en civilisation" 5que Péguy comparera la pauvreté à un réduit, un asile sacré, permettant à celui qui s'y bornait de ne courir aucun risque de tomber dans la misère 6, et que l'historien Michel Mollat, enfin, a conclu que la misère était, jusqu'à la Révolution industrielle, un accident plutôt qu'un phénomène sociologique.
Partant de cette distinction, la pauvreté serait ainsi un mode de vie, une condition essentiellement fondée sur les principes de simplicité, de frugalité et de considération pour ses prochains. Ce serait un mode de vie imprégné des concepts de qana'at (ce mot voulant dire, en persan et en arabe, contentement de ce qu'on a et de ce qui est perçu comme la part de chacun dans l'ordre cosmique), de convivialité et de partage avec d'autres membres de sa communauté.
Le drame, c'est que l'hyperspécialisation généralisée entraîne le règne des idées générales les plus pauvres concernant le monde physique, la société, l'homme et la vie. Et, en quelque sorte, le règne de l'hyperspécialisation généralisée, c'est celui des idéologies. Les idéologies planent sur la réalité et ne peuvent la transformer qu'en la brutalisant. Autrement dit, l'hyperspécialisation généralisée entraîne le crétinisme idéologique généralisé. Le problème n'est pas en fait celui des idées générales, mais celui des idées génériques. Seules les idées génériques peuvent inspirer une stratégie et un art de penser le réel, c’est-à-dire une méthode qui puisse s'articuler sur la complexité du réel au lieu de la nier et de s'arrêter dès que surgissent une incertitude, une contradiction et une spécialisation.
L’idée derrière la conception des médias sociaux est la même que celle qui préside à celle des jeux vidéos en ligne : « Comment faire en sorte de consommer autant de votre temps et de votre attention que possible ».
La sociabilité naturelle de l’humain
Selon l’anthropologue Sara Hrdy, la vie moderne met en danger une partie du bagage génétique qui définit notre humanité. Selon elle, l’humain possède un potentiel inné d’habileté de communication et d’interactions sociales: l’empathie, la capacité de comprendre la pensée des autres, la collaboration, entre autres auraient des racines génétiques (9). Ces habiletés de communication sont inscrites dans notre bagage génétique, mais nous ne pouvons pas pour autant les tenir pour acquises. En effet, selon Hrdy, ces gènes ne s’activent que par des stimuli appropriés. Un environnement riche en contact humain, en interactions langagières et même en contacts physiques serait nécessaire au développement des capacités de communication des petits humains.
L’individualisme et la dépersonnalisation de la vie causés par le capitalisme et l’État providence font que les contacts humains sont plus rares et moins riches. Une grande proportion des enfants maltraités vivront ce qu’on appelle des troubles de l’attachement désorganisé: l’enfant traumatisé, mal-aimé éprouvera du mal à faire confiance et à comprendre ceux qui s’occupent de lui. Hrdy constate que ce genre de trouble est de plus en plus éprouvé par des enfants de familles dites «normales et de classe moyenne».
Hrdy s’inquiète du manque de contacts physiques de la vie moderne individualiste. Elle craint que les capacités de communication des générations futures diminues. Elle rejoint ainsi les craintes de Jürgen Habermas, qui craignait à la fin des années soixante que le substrat biologique nécessaire à la communication «se dessèche», à mesure que croissent les méthodes de contrôle technologique de l’être humain, et que décroissent les interactions médiatisées par le langage.
La socialisation des enfants via les écrans est incontestablement l’une des caractéristiques du temps présent. Mais ne serait-ce que pour pouvoir limiter les risques, il nous faut bien comprendre le phénomène dans son ensemble. Voici à ce propos une hypothèse que des auteurs plus éclairés que moi ont sans doute déjà formulée : la famille nucléaire et l’école qui la prolonge n’étaient-elles pas secrètement perçues par les enfants comme des cages dont il leur fallait s’échapper.
Philippe Ariès:m« L’historien qui parcourt les documents iconographiques avec le souci d’y retrouver ce frémissement de la vie qu’il éprouve lui-même dans sa propre existence, s’étonne de la rareté, au moins jusqu’au XVIe siècle, des scènes d’intérieur et de famille. Il doit les découvrir à la loupe, et les interpréter à renfort d’hypothèses. Au contraire il fait tout de suite connaissance avec le principal personnage de cette imagerie, aussi essentiel que le chœur dans le théâtre antique : la foule, non pas la foule massive et anonyme de nos villes surpeuplées, mais l’assemblée, dans la rue ou dans des lieux publics (comme les églises), des voisins, des bonnes femmes et enfants, nombreux mais pas étrangers l’un à l’autre — une bigarrure familière assez semblable à celle qui anime aujourd’hui les souks des villes arabes, ou encore les cours des villes méditerranéennes à l’heure de la promenade du soir. Tout se passe comme si chacun était dehors au lieu de rester à la maison : scènes de rues et de marchés, de jeux et de métiers, d’armes ou de cours, d’églises ou de supplices. Dans la rue, dans les champs, à l’extérieur, en public, au milieu d’une collectivité nombreuse, c’est là qu’on a tendance à situer naturellement les événements ou les personnes qu’on veut représenter. L’idée se dégagera, d’isoler des portraits individuels ou familiaux. Mais l’importance que nous avons accordée dans ces pages à ces essais ne doit pas nous masquer combien ils furent à l’origine rares et timides. L’essentiel restera longtemps, jusqu’au XVIIe siècle, époque où l’iconographie familiale deviendra très abondante, la représentation de la vie extérieure et publique. Cette impression très générale qui frappe l’historien dès son contact avec les documents iconographiques, correspond sans doute à une très profonde réalité. La vie d’autrefois, jusqu’au XVIIe siècle, se passait en public ; nous avons donné bien des exemples de l’emprise de la société. »
Certains appelle ça du neuro-piratage. Cette « introduction par effraction » dans les cerveaux n’est pourtant pas une nouvelle technique, les militaires la connaissent depuis longtemps. Aujourd’hui, même les religions et les partis politiques n’ont pas autant d’influence sur la pensée des gens que les manipulateurs de la Silicon Valley. Comme dirait Sean Parker, ils agissent consciemment et, pouvons-nous ajouter, avec avidité.
Mais comment les designers s’y prennent-ils pour exercer tant de pouvoir sur les gens ? Leurs moyens sortent tout droit de la théorie behavioriste de B. F. Skinner.
Cette préface a été numérisée en 2007 par les soins de Google. On peut trouver une version texte de meilleure qualité sur le site Gallica de la BNF.
Pour faciliter la lecture du la préface, nous divisons en trois. Voici la première partie: Tableau du monde gynécocratique.On trouvera les deux autres parties, Histoire du monde gynéocratique et Victoire du patriarcat sur la gynécocratie, dans des documents associés au présent dossiers.
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.