L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique. Voici à ce propos une anecdote significative:
Michael Jackson, le nègre blanc d’Amérique. Sous ce titre qui me vaudrait aujourd’hui l’ostracisation, j’ai, le 9 mars 1984, dans le journal La PRESSE de Montréal, publié un article sur un sujet qui allait un jour s’imposer au cœur du débat public mondial. J’y posais sur un ton satyrique la question suivante : Michael Jackson (chanteur alors au sommet de sa gloire) est-il noir ou blanc, homme ou femme ? Peu de temps auparavant, j'avais pris fait et cause pour un livre choc, Le genre vernaculaire, où Ivan Illich défendait brillamment une thèse selon laquelle la neutralité sexuelle est liée au progrès technique. Dans les sociétés traditionnelles, les outils et les rôles étaient sexués. Quand il arrivait à l'homme et à la femme d'utiliser les mêmes outils, le couteau à pain, par exemple, ils ne le faisaient pas de la même manière. Les machines à écrire, les voitures, le matériel de laboratoire, tous ces produits de la technique moderne sont devenus peu à peu indifféremment accessibles aux hommes et aux femmes. Ces dernières désormais réussissent aussi bien, sinon mieux que les hommes, même dans les facultés de sciences? Critiquer la technique, comme le faisait Illich, n’était-ce pas briser les ailes des féministes de l’époque ?
Non seulement son livre, en dépit d'une critique bienveillante de la New York Review of Books, a-t-il eu une carrière brève, mais encore il a valu à son auteur d'être rejeté par la même gauche intellectuelle qui, au cours de la décennie 1970, l’avait porté aux nues pour sa critique du développement. Un tel rejet ne signifiait-il pas qu’une grande vérité cachée venait de triompher sur la place publique? Mon article de La Presse m’en a convaincu. J'avais fait l'hypothèse que s’il provoquait un tollé, ce serait la preuve qu'Illich avait vu juste Or, j'ai été inondé de lettres de protestation, parfois signées par des classes entières d’adolescents.
La neutralité semble être une chose positive dans le cas de l'État et de la science et négative dans le cas de la littérature, de la philosophie et des Beaux-Arts. Bayle, cité par Littré, rappelle «que les premiers [aristotéliciens, stoïciens et épicuriens] étaient des gens fort décisifs; ils fuyaient la neutralité et l'équilibre entre deux opinions probables, et ne manquaient jamais de prendre parti.» La neutralité est le propre d'une pensée épuisée. Et le simple mot neutre appliqué à un tableau, une musique, un film en détourne à jamais. L'institution la plus neutre est heureusement remplie de personnes qui ne le sont pas toutes au même degré, ce qui explique pourquoi l'État neutre ne neutralise pas complètement tout ce qu'il touche. L'Encyclopédie de l'éducation, cité par le TLF précise que «le maître peut montrer sa personnalité, mais en s'efforçant de ne pas troubler l'esprit de ses élèves en ce qui touche leur vie confessionnelle, au respect qu'ils doivent à leurs parents, à leur patrie, aux lois.»
1985. C'est le sexe incertain qui constitue le principal problème pour la jeunesse actuelle. À commencer par les idoles de l'heure, Michael Jackson et Boy George, tout, le travail, le sport, le vêtement, la religion elle-même, pousse garçons et filles vers l'indifférenciation, vers la neutralité sexuelle, laquelle semble s'inscrire peu à peu jusque dans la conformation physique, au moyen de la chirurgie, le cas échéant.
[…]
Je sors de la lecture de Vanity Fair, de Thackeray. Dans ce roman, le gentleman anglais a été présenté avec cette lucidité qui confère une parfaite authenticité à l'idéal qui lui survit. Il est vraiment le guerrier. Après en avoir été le repos, la femme, la gentlewoman, n'a qu'un souci: aimer le fils né de ce repos au point d'en faire un être encore plus courageux et plus généreux que son père.
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Les jeunes se trouvent donc à une étrange croisée de chemins. D'un côté un monde où la technique continue d'accroître la neutralité sexuelle, où l'indifférenciation ainsi créée provoque l'indifférence, où les liaisons se font et se défont de plus en plus rapidement, où comme dans les dialogues informatisés, la distance physique et affective entre les êtres tend vers l'uniformité. Mais si les choses se passent ainsi entre les sexes, comment pourrait-il en être autrement entre les cultures, et comment à la limite la variété qui constitue la définition même de la vie pourrait-elle échapper à la contagion de l'indifférenciation?
Voici le message que Heidegger destine aux naïfs qui, comme vous et moi, pensent que la technique est une chose neutre qui produira de bons ou de mauvais effets selon l’usage qui en sera fait, après consultation des éthiciens.
"Nous demeurons partout enchaînés à la technique et privés de liberté, que nous l’affirmions avec passion ou que nous la niions pareillement. Quand cependant nous considérons la technique comme quelque chose de neutre, c’est alors que nous lui sommes livrés de la pire façon: car cette conception, qui jouit aujourd’hui d’une faveur toute particulière, nous rend complètement aveugles en face de l’essence de la technique".
Les deux dernières lignes de ce passage sont cruciales. Nous sommes esclaves de la technique, incapables donc de la penser dans la mesure même où nous entretenons en nous l’illusion de pouvoir la contrôler.
Voici un peuple, le Québec, qui a pris son propre passé dans une horreur telle qu'il veut en effacer toute trace. Ce passé a été marqué par un lien étroit entre l'État et l'Église catholique laquelle assumait aussi la responsabilité de l'éducation. Il en est résulté des excès qui permettent de comprendre que le balancier se soit porté à l'autre extrême. Mais il semble hélas! que ledit balancier se soit arrêté à cet autre extrême et qu'au lieu de se donner une vision du monde inspirante, les Québécois, obsédés par le consensus, se soient résignés à faire de la neutralité leur plus haute inspiration.
Cette neutralité, leurs intellectuels l'ont sacralisée. Si une telle sacralisation était un phénomène exclusivement québécois, il n'y aurait pas lieu de s'en inquiéter outre mesure, mais il s'agit d'un phénomène universel. Dans le contexte pluraliste actuel, derrière le louable désir d'éviter les conflits en taisant ses convictions, se cache le renoncement, moins avouable, à toute conviction. À force de reconnaître à chacun le droit à son opinion et de s'interdire de la critiquer, on en vient à mépriser toute opinion. Au lieu de créer des communautés vivantes parce qu'on n'y craint pas la contradiction, on tente de faire la paix avec tout le monde en évitant les sujets qui prêtent à controverse.
Le jeune Vadeboncoeur a entretenu de grands espoirs en la modernité. Il croyait, dans sa jeunesse, que la révolution était en marche et que la démocratie produirait un type d’homme libre, autonome, ouvert à la culture. Il dut déchanter assez rapidement, et c’est cette déception qu’il décrivit dans son livre Les deux royaumes qui déçut certains de ses lecteurs qui n’avaient pas compris l’orientation de sa méditation. Dans ce livre, en effet, publié en 1978, il décrit le malaise qu’il ressent face à la modernité. Être moderne, croit-il, c’est vivre dans une actualité folle, privée de mémoire, sans attache à ce qui se passait hier. C’est vivre dans l’instant, dans un instant sans cesse happé par le futur, façonné par lui. «C’est n’être rien» puisque tout ce que le processus historique a fait de nous ne compte plus. Dans ce capharnaüm qu’est la modernité, l’âme est bafouée, niée, reléguée aux oubliettes. Elle n’a plus droit de cité. Les contemporains sont des «taupes». Il n’existe plus d’espace spirituel, le mystère est aboli, l’ineffable est touché, «frappé d’excommunication». On ne peut plus parler de hauteur, d’altitude. «Le sacré qu’on porte en soi» est bafoué, l’âme est «livrée à plus bas qu’elle».
"L'indifférence, c'est un état sans douleur ni plaisir, sans crainte ni désir vis-à-vis de tous ou vis-à-vis d'une ou de plusieurs choses en particulier. L'indifférence, si elle n'est pas une pose, une affectation, n'a évidemment rien à voir avec la tolérance. Dans la mesure où la tolérance, c'est l'acceptation de la différence, celui qui affiche l'indifférence n'a aucunement besoin de pratiquer la tolérance envers qui que ce soit ou quoi que ce soit. Si tant est que l'indifférence soit un trait de la vieillesse Maurois pouvait écrire: «Le vrai mal de la vieillesse n'est pas l'affaiblissement du corps c'est l'indifférence de l'âme.» Jean-Paul Desbiens
L’indifférence. Sujet crucial et pourtant tabou, comme la vitalité, à laquelle il faut d’ailleurs l’associer : l’indifférence c’est l’inaptitude à participer au festin de la vie, lacune toujours déniée tant il est difficile de se l’avouer. Ce déni, quelques génies ont su le surmonter, dont Tchékhov dans Une banale histoire, celle d’un savant vieillissant qui semble avoir été condamné à frôler la vie sans pouvoir y participer.
Un télégramme lui apprend un jour que sa fille, Lisa, vient de se marier. «Je lis, dit-il, ce télégramme et je ne m’en effraie pas longtemps. Ce qui m’effraie, ce n’est pas la conduite de Gnekker et de Lisa, c’est l’indifférence avec laquelle j’apprends la nouvelle de leur mariage. On dit que les philosophes et les vrais sages sont indifférents; c’est faux. L’indifférence est la paralysie de l’âme, une mort anticipée.»
Telle est l’indifférence essentielle : une anesthésie de l’être même, état insoutenable, «le seul enfer que je connaisse.» (K. Mansfield). En surface, dans l’ordre du faire, l’indifférence est un vice qui peut aussi être une vertu : il faut savoir être indifférent à bien des choses pour pouvoir s’intéresser pleinement à quelques-unes.
[…]Ne me quitte pas :
Point de peine au départ de l’être cher puisqu’on sait qu’il va revenir, point de joie à son retour parce qu’on en était assuré. Partir ce n’est pas mourir un peu, c’est oublier la mort une fois de plus et renoncer au miracle du retour. C’est ainsi que notre bonheur fait notre malheur : sous la forme d’une vie sans accidents de terrain, plate. L’angoisse devient une vertu dans ces conditions.
1) « État, sentiment de quelqu'un qui ne se sent pas concerné, touché par quelque chose, ou qui n'accorde aucune attention, aucun intérêt à quelqu'un, à quelque chose : Regarder un spectacle avec indifférence. »
2) « État d'esprit de quelqu'un qui ne se sent pas concerné par le problème religieux. »
3) « Absence d'amour chez quelqu'un qui ne répond pas au sentiment qu'il inspire. »
C’est véritablement le premier aspect qui nous intéressera, et plus précisément, dans la foulée de l’utilisation que fait du terme le pape François, l’indifférence envers autrui, le fait de ne pas être concerné, touché par quelqu’un, de ne lui accorder aucune attention, aucun intérêt. En somme, « … la neutralité affective. Là où d'autres personnes réagissent, je reste froid; je ne suis ni touché, ni ému. Ou mieux, je n'éprouve aucune émotion, ni positive, ni négative. Pas plus de répulsion que d'attrait. Je ne me sens pas concerné, je suis ailleurs. » (3)
Le mot indifférence fait partie d’une constellation de concepts, au sein de laquelle il nous faudra le distinguer. Mentionnons d’abord les mots de même racine : différence, non-différence et indifférenciation. Certains auteurs emploient par ailleurs de manière presque interchangeable les mots indifférence et insensibilité. Le pape François utilise pour sa part, comme synonyme d’indifférence, les expressions « dureté de cœur » ou « anesthésie du cœur ». Nous verrons que des nuances s’imposent ici. Évoquant l’aspect sociologique du phénomène et les catégories de personnes visées par l’indifférence, d’autres commentateurs vont parler d’invisibilité sociale. Nous préciserons brièvement ce qu’il en est.
L'indifférence est réputée gangrener notre société individualiste ; c'est pourquoi elle se voit démasquée et dénoncée par différents donneurs de morale, comme expression majeure de l'égoïsme, voire de l'hostilité envers l'humanité. Sous ce terme, devenu péjoratif, sont d'ailleurs souvent confondues deux attitudes à bien des égards différentes : la première, à caractère intellectuel, consiste surtout en une neutralité de jugement («ne-uter», ni l'un ni l'autre) par laquelle on reste « sans opinion » (catégorie toujours significative dans les enquêtes d'opinion), on ne veut pas prendre parti ; la seconde, à caractère affectif, fait qu'on se montre insensible, sans cœur, aux drames et souffrances d'autrui, ce qui entraîne l'inaction, qui peut devenir franchement inacceptable lorsqu'on ne porte pas assistance à une personne en danger, par exemple. Dans un cas, on se montre indifférent à l'égard de la vérité, dans l'autre, indifférent à autrui.
La progression contemporaine des deux attitudes d'indifférence n'est, à vrai dire, pas surprenante. La première est le résultat d'une hyper-médiatisation de la vie sociale, d'une saturation d'informations, qui égalisent les positions et émoussent les jugements de valeur. La seconde est l'expression de l'hédonisme ambiant, encouragé par une société de consommation où chacun ne cherche qu'à se replier sur soi et à se soucier de son bien-être. La situation a bien changé en quelques décennies. Les idéologies de l'après-guerre (existentialisme ou marxisme) encourageaient encore les hommes à des parti-pris dogmatiques, à des engagements conflictuels, à des espérances en de grands changements; aujourd'hui, nous sommes entrés dans l'ère des logiques molles, des credos consensuels, de la fin des grands récits historiques, bref d'une présumée post-modernité. L'indifférence reflète logiquement un déficit de valeurs individuelles claires et de normes collectives visibles.
On définit généralement la laïcité par deux éléments: la séparation de l'Église et de l'État, et la neutralité de l'État à l'égard des religions. Cette conception entraîne que l'État ne soit inféodé à aucune religion et les traite toutes de manière identique; quant à l'attitude à l'égard de la religion, elle peut aller de la simple indifférence (la religion ne concerne pas l'État) à l'hostilité (anti-cléricalisme, anti-religion), en passant par la tolérance et éventuellement un certain accueil.
Cette définition vaut particulièrement pour la France (et la Turquie) où, de toute manière, il existe divers accommodements: exception Alsace-Lorraine, présence des aumôneries dans certaines institutions publiques, subventions importantes à l'enseignement privé confessionnel, etc. Depuis quelques années, et en particulier sous l'influence du rapport Régis Debray 1, la France tente de passer d'une laïcité d'ignorance à une laïcité de compréhension et favorise l'enseignement du fait religieux et le développement de la culture religieuse.
Cette définition ne correspond pas à la pratique et à la vision de la plupart des pays d'Europe et d'Amérique du Nord, où les États maintiennent divers rapports privilégiés avec les grandes religions judéo-chrétiennes, – ce qu'on appelle les «religions historiques»: judaïsme, catholicisme, luthéranisme, calvinisme. À moins de dire que seule la France applique l'idéal de la laïcité et que les autres pays sont en manque ou en faute face à cet idéal, il faut donc trouver une autre définition de la laïcité.
Cette définition ne correspond pas à la pratique et à la vision de la plupart des pays d'Europe et d'Amérique du Nord, où les États maintiennent divers rapports privilégiés avec les grandes religions judéo-chrétiennes, – ce qu'on appelle les «religions historiques»: judaïsme, catholicisme, luthéranisme, calvinisme. À moins de dire que seule la France applique l'idéal de la laïcité et que les autres pays sont en manque ou en faute face à cet idéal, il faut donc trouver une autre définition de la laïcité.
Dans cette perspective, la laïcité évoque deux traits plus subtils: l'autonomie de l'État, jointe à la liberté de conscience et de religion. 2
Le premier trait désigne donc, non pas la séparation en tant que telle, mais l'autonomie des États face aux Églises et vice versa. L'État est conçu comme distinct, indépendant des religions, libre à l'égard des autorités et des organisations religieuses, seul responsable de la poursuite de ses fins propres. En contrepartie, les Églises sont libres face à l'État: libres notamment de nommer leurs dirigeants, de définir leurs doctrines, de déterminer leurs rites. Ce qui ne signifie pas que les religions soient exclues de la vie publique: simplement elles doivent faire leur place selon les règles du droit commun, l'état général des esprits, l'équilibre des groupes sociaux. Quiconque connaît l'histoire des relations entre les Églises chrétiennes et les États en Occident, comprend les assises de cette définition.
L'histoire et la sociologie enseignent aussi que la laïcité admet des modalités diverses, y compris la reconnaissance de droits historiques de certaines religions du moment que les libertés de conscience, de religion et de culte sont affirmées et appliquées. 3 C'est le second trait de la laïcité. Le rapport État-Église, en effet, peut être conçu et appliqué de diverses manières. Il tient compte et doit tenir compte des droits individuels, mais aussi de l'histoire et de la culture de la population. Et plus encore, de la responsabilité de l'État de chercher à maintenir un lien social, un sentiment d'identité nationale.
Une réponse rationnelle aux tenants de ce multiculturalisme que le politologue Marc Chevrier assimile à une religion fondée sur « l’évangile des droits »
Instaurant une réforme des études primaires et secondaires en 2000, y compris au niveau de l'éducation morale, religieuse et spirituelle, le gouvernement québécois a maintenu un enseignement moral et religieux catholique et protestant, et fait appel à la clause «nonobstant» afin de prévenir les contestations judiciaires en regard de la Chartre des droits et de préserver la paix sociale. La clause ne valant que pour cinq ans, la question se repose aujourd'hui: faut-il renouveler le recours à la clause nonobstant? Le débat est commencé dans les milieux intéressés.
Plusieurs analystes et observateurs jugent l'existence de la clause «nonobstant» comme un accroc: la reconnaissance des droits individuels passe avant tout et les meilleurs gardiens en sont les juges. Tout recours à la clause leur parait inadmissible, voire digne d'opprobre et de réprobation.
Un document appelé charte des valeurs a été déposé à Québec le 10 septembre 2013. Certains l'ont appelé charte des valeurs québécoises. Il s'agit d'une charte de la laïcité. Le document ne porte pas sur l'ensemble des valeurs québécoises, mais uniquement sur celles qui ont trait à la tolérance à l'endroit des diverses religions représentée sur le territoire québécois.
Nous reproduisons ici un article signé Yves Martin, sociologue et ancien conseiller politique, paru dans Le Devoir du 15 février 20014, sous le titre: Il faut revenir à la «convergence culturelle»
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.