L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Mise en ligne par l’auteur, Éric Volant, de deux livres, Culture et mort volontaire, Liber 2006, Dictionnaire des suicides, Liber, 2002. Éric Gustave Volant est né à Ekeren (Anvers, Belgique) en 1926 et décédé à Montréal le 9 septembre 2013. Il obtiendra son doctorat à la faculté de théologie à l'université de Montréal où il sera nommé professeur et enseignera l'éthique. Dès 1980, Il poursuit son enseignement en éthique au département des sciences des religions à l'université du Québec à Montréal auquel il demeure associé comme professeur retraité.
Un ensemble unique en son genre par la variété et la quantité des sujets traités et des auteurs, comme par le sens de la complexité de l’auteur principal, Éric Volant.
Deux grandes parties la composent, la première étant consacrée à l’étude de la mort en tant que phénomène universel et particulier, en tant qu’expérience personnelle qui interpelle chacun dans ses choix et ses attitudes, en tant qu’expérience sociale qui provoque les mentalités collectives et qui stimule leur évolution à travers des manifestations créatrices. Elle traitera aussi des diverses modalités du bien mourir et des pratiques de la mort violente.
La seconde partie concernera la mort volontaire, l’histoire des idées et des pratiques suicidaires, la prégnance de son actualité, ses enracinements psychiques et culturels ainsi que ses répercussions sociales. Nous accorderons une place importante à la personne suicidaire, ses raisons, ses mobiles, ses désirs, son environnement particulier, sa santé physique et mentale, son histoire personnelle et sa perception de la vie et de la mort, sa conception et sa pratique de la liberté. Les deux composantes de l’encyclopédie introduiront progressivement des pages de la philosophie, de l'anthropologie, de la littérature, de la poésie et des arts, car la mort est fondatrice de culture et de création, d'esthétique et d'éthique, de pensée et de parole.
La direction de l'Agora a bien voulu accueillir et héberger L'encyclopédie sur la mort avec l'enthousiasme de sa générosité. Donner une place à la mort dans l'espace de l'Homo vivens et de l'Agora sur Internet, c'est la doter d'un nouveau lieu public, c'est transmettre aux navigateurs du monde entier une question à laquelle tous sont confrontés, c'est engager une méditation collective sur un mystère inépuisable devant lequel l'intelligence humaine ne s'arrête pas comme devant un mur infranchissable, mais dans lequel elle s'engage comme dans une zone d'ombre, la face nocturne et indissociable de la vie.
Mais, pour son frère, pour Polynice, dont voici le corps, il sera jeté hors de nos murailles, sans sépulture, en proie aux chiens, puisqu'il eut été le dévastateur du pays cadméen, si un dieu ne s'était pas dressé devant sa lance, à celui-là! Même mort, il gardera sa souillure à l'égard des dieux de nos pères, ces dieux qu'il a outragés en lançant une armée étrangère à la conquête de sa ville. On juge donc qu'il doit être enseveli par les seuls oiseaux de l'air pour en payer l'ignominieuse peine, que nul bras ne saurait l'accompagner pour répandre sur lui la terre, ni aucune lamentation l'honorer de ses chants aigus, mais qu'il se doit voir, au contraire, ignominieusement privé du cortège de ses proches.
ANTIGONE
Et je déclare, moi, aux chefs des Cadméens: si personne ne veut aider à l'ensevelir, c'est moi qui l'ensevelirai [...] Des funérailles, un tombeau, toute femme que je suis, je saurai lui en trouver, dussé-je les lui apporter dans le pli de ma robe de lin et seule recouvrir son corps.
(Eschyle, Les sept contre Thèbes, 1026-1040, trad. de PaulMazon, Paris, Les Belles Lettres, «Universités de France», 1931)
CRÉON
L'homme que l'on prendrait à mettre sur lui des feuillages, à le couvrir de terre, le paierait de sa vie.
ANTIGONE
C'est moi qui l'ensevelirai, même si la cité l'interdit.
ANTIGONE
Permets-moi seulement de le laver selon le rite...
CRÉON
C'est un des actes interdits à tous les citoyens.
ANTIGONE
De bander ses cruelles blessures...
CRÉON
Il n'est aucun honneur que tu puisse lui rendre.
ANTIGONE
Frère chéri, je baiserai du moins ta bouche.
(Euripide, Les Phéniciennes, traduction de Marie Delcourt dans Tragédies grecques, Paris, Gallimard , «Bibliothèque de la Pléiade, 1962
Pour Kierkegaard*, l'expérience de l'éternel nous transporte au-delà de l'esthétique jusque dans la sphère religieuse de l'existence. Cependant, elle ne vise pas l'immortalité* de l'âme après cette vie. Elle n'est pas non plus la quête de la vie après cette vie, mais l'avènement de l'éternité dans le moment présent. L'éternité n'est donc pas une réalité à venir, mais elle est vécue dans la densité et l'intensité de l'instant présent. Elle jaillit des profondeurs de la tragédie du présent et de la précarité de l'existence. Semblable à une petite barque dans la tempête et loin du port, l'homme risque sa vie sur une mer houleuse. Des profondeurs des vagues du désespoir, il peut éprouver une sensation de salut, un instant d'éternité bienheureuse.
Le philosophe danois découvre en Don Giovanni de Mozart une icône de «l'instant» défini en tant que «atome d'éternité». L'instant est «cette équivoque où le temps et l'éternité se touchent, et c'est ce contact qui pose le concept du temporel où le temps ne cesse d'interrompre l'éternité et où l'éternité ne cesse de pénétrer dans le temps». L'instant, c'est «la plénitude du temps» vécue hic et nunc (ici et maintenant), in ictu oculi (en un clin d'oeil). C'est «l’instant conçu comme l’éternel» (Le concept d’angoisse, Gallimard, «Idées», 1977, ch. III, p. 92-93). La musique est, par excellence, le lieu où l'on fait l'expérience de l'instant comme atome d'éternité.
[…]
Alain définit l'éternité comme l'inaltérable et l'impérissable, en l'opposant à la durée et en l'attribuant à Dieu:
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Les dieux et les arts, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1958. p. 1056-1057)
Nous sommes surpris de lire aujourd'hui sous la plume de l'embryologiste Stanley Shostak (1): «Mortality is not a fundamental feature of life» (La mort n'est pas un trait fondamental de la vie), alors que nous étions habitués au langage de Martin Heidegger. En effet, pour ce philosophe allemand, le trait fondamental de l'existence est de séjourner sur la terre comme mortel: «La façon dont tu es et dont je suis, la manière dont nous autres hommes sur terre est le buan, l'habitation. Être homme veut dire: être sur terre comme mortel, c'est-à-dire habiter (2).» La mort est donc constitutive de l'homme. Celui-ci est un être vers la mort (Sein zum Tode), exposé à la mort et limité par la mort. «La mort, écrit-il, est la mesure encore non pensée de l'incommensurable, c'est-à-dire du jeu suprême dans lequel l'homme est introduit en venant sur terre et auquel son être est destiné» (3).
Espoirs d'immortalité ouverts par la science et la technologie
Un tout autre son de cloche nous parvient de certains réseaux du monde scientifique. Les rêves d'immortalité y vont bon train. «Nous avons trouvé le secret de la vie», affirme Francis Crick après la découverte de la double structure en hélice de l'ADN. La sociologue Céline Lafontaine décrit fort bien cette dynamique utopique des scientifiques: «Reconnus à la fois comme la base de toute vie et comme ce qui se perpétue par-delà de l'existence individuelle, les gènes recèlent, dans l'imaginaire scientifique et médiatique, les secrets de l'immortalité. Conjuguée à la biologie évolutive, la mystique du gène fait de ce dernier l'essence immortelle de la vie dont les individus ne sont que les véhicules temporaires. Occupant la place jadis réservée à l'âme dans le christianisme, les gènes sont perçus comme la source de l'immortalité terrestre, comme ce qui se réincarne une fois la vie corporelle achevée (4). André Klarsfeld et Fréderic Revah le résument parfaitement: "Contrairement aux pauvres organismes mortels que nous sommes, les gènes, eux, sont d'une certaine façon immortels puisqu'ils passent de génération en génération (5)"» (6).
En avril 1990, L'Agora organisait, en collaboration avec l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec, un important colloque sur le thème Mourir avec dignité. L'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des Centres d'Accueil, la Fédération des CLSC et l'ACHAPQ se sont aussi associés à l'événement. En juin et juillet de la même année, fait tout à fait inhabituel qui souligne l'importance de l'événement, le quotidien La Presse publiait des extraits substantiels de huit conférences prononcées au colloque. En 1992, paraissait aux Éditions du Méridien de Montréal un livre intitulé Le Chant du cygne, Mourir avec dignité. Pour l'essentiel, ce livre est constitué des textes, complets ou abrégés, des conférences prononcées au colloque. Ces textes étaient précédés d'articles des organisateurs du colloque, Jacques Dufresne et Hélène Laberge. Voici ces articles suivis de la version complète de quatre conférences.
par Jacques Dufresne
par Claude Villeneuve, biologiste
La mort au fil des siècles et du temps présent
par Hélène Laberge
par Doris Lussier, sociologue et humoriste
par Emmanue Goldenberg, psychiatre et psychana,yste
par Marcel Boisvert, médecin
Avant-propos
Le chant du cygne ou la mort selon Socrate
L'expression "le chant du cygne", qui nous vient de la plus haute Antiquité grecque, est toujours utilisée pour désigner, par exemple, un discours ou un récital d'adieu. Dans la bouche de Socrate, elle prend une valeur sacrée. Représentons-nous ce sage dans sa prison d'Athènes, où il vient d'apprendre qu'il est condamné à mort pour impiété. Les amis qui l'entourent aimeraient bien l'entendre une dernière fois parler de la connaissance de soi et de l'immortalité de l'âme, mais ils n'osent pas le lui demander, de peur de l'importuner dans ses derniers instants. Voici l'aimable reproche que leur adresse Socrate:
"Selon vous, je ne vaux donc pas les cygnes pour la divination; les cygnes qui, lorsqu'ils sentent qu'il leur faut mourir, au lieu de chanter comme auparavant, chantent à ce moment davantage et avec plus de force, dans leur joie de s'en aller auprès du Dieu dont justement ils sont les serviteurs. Or les hommes, à cause de la crainte qu'ils ont de la mort, calomnient les cygnes, prétendent qu'ils se lamentent sur leur mort et que leur chant suprême a le chagrin pour cause; sans réfléchir que nul oiseau ne chante quand il a faim ou soif ou qu'un autre mal le fait souffrir; pas même le rossignol, ni l'hirondelle, ni la huppe, eux dont le chant, dit-on, est justement une lamentation dont la cause est une douleur. Pour moi cependant, la chose est claire, ce n'est pas la douleur qui fait chanter, ni ces oiseaux, ni les cygnes. Mais ceux-ci, en leur qualité, je pense, d'oiseaux d'Apollon, ont le don de la divination et c'est la prescience des biens qu'ils trouveront chez Hadès qui, ce jour-là, les fait chanter et se réjouir plus qu'ils ne l'ont jamais fait dans le temps qui a précédé. Et moi aussi, je me considère comme partageant la servitude des cygnes et comme consacré au même Dieu; comme ne leur étant pas inférieur non plus pour le don de divination que nous devons à notre Maître; comme n'étant pas enfin plus attristé qu'eux de quitter la vie!"
Dans la science classique, on considérait bien des facteurs comme négligeables. C'est ce qui a permis à Newton d'établir les lois simples et élegantes de l'attraction. Dans les sciences de la complexité d'aujourd'hui, on tient compte du négligeable, de l'effet papillon par exempe. Le plus souvent on procède en éthique, discipline demeurée classique, comme dans la physique de Newton. Dans le débat sur l'euthanasie par exemple on s'arrête à quelques questions: la douleur, la dignité, le libre choix, et on considère les autres comme négligeables. Mais sont-elles vraiment négligeables et si elles le sont n'existerait-il pas dans ce domaine comme dans les systèmes complexes de la nature, quelque effet papillon qui n'est négligeable qu'à première vue. Pour y voir un peu plus clair nous avons identifié une cinquantaine de questions liées à l'euthanasie. Ne pouvant pas les présenter dans un tableau, étant donné que nous voulions nous rapprocher du sytème vivant entourant la mort, nous avons demandé à une jeune artiste, Cynthia Dufresne, de les inscrire dans un fruit mûr qui va tomber de l'arbre. À défaut de pouvoir appliquer à ce cas les méthodes mathématiques qu'on applique aux sytèmes complexes de la nature, nous avons regroupé en trois séries de six un certain nombre de questions choisies au hasard et nous avons ébauché une réflexion sur ces séries.
Limite, âme, mandataire, incarnation, religion, bien commun
Quand une loi autorisera l'euthanasie, saurons-nous nous imposer des limites dans l'application de cette loi? Il semble bien que les balises insérées dans les lois belge et hollandaise n'ont guère été respectées. 4 Il y a un quart de siècle seulement, au début de la FIV, le diagnostic prénatal et le choix du sexe de l'enfant semblaient encore être au-delà de la limite qu'il fallait respecter. Cette limite et bien d'autres semblables ont été franchies avec une étonnante facilité. Pourquoi respecter une limite quand cette dernière ne s'appuie ni sur un principe ni sur un consensus dans la population ? Dans une éventuelle loi sur l'euthanasie, on précisera que la volonté du premier intéressé soit respectée ou du moins celle de ses mandataires. Mais que se passera-t-il quand le malade sera un poids pour le mandataire autant que pour l'État ?
La question de l'âme surgit à point. Dans un contexte matérialiste, où l'âme apparaîtrait (à supposer que le mot même soit encore en usage) comme une illusion remontant à l'époque du culte des morts, où la mort serait la fin de tout, où la volonté de Dieu ne serait pas un obstacle puisqu'on n'y croirait pas, qu'est-ce qui pourrait empêcher les faucheurs de l'État d'intervenir de plus en plus tôt et pour des raisons de moins en moins claires ? Ces limites que l'on n'a pas su respecter dans le cas des embryons, pourquoi les respecterait-on dans le cas des malades? Quand les représentants de l'État diront ouvertement à la population: si les grands malades chroniques incurables ne coûtaient pas si cher, nous pourrions réduire le temps d'attente pour les chirurgies, qu'est-ce qui retiendra cette population sur la voie de la généralisation de l'euthanasie ? Puisque l'être humain n'est que matière, dira-t-on, et puisque la mort est la fin de tout, pourquoi ne pas hâter cette fin pour le bien commun, quand le paquet de matière en cause est entré dans un processus de dissolution irréversible ?
Ou bien on a des raisons métaphysiques d'aimer et de respecter la limite, et alors on la respecte dans tous les domaines, ou bien on n'a pas de telles raisons et alors on la dépasse dans tous les domaines également.
Mais quel peut être le rapport entre l'incarnation, l'euthanasie et le suicide assisté? Nous nous limiterons à un sens bien précis du mot incarnation: le rapport au monde par les sens. Dans un ouvrage récent sur l'air climatisé aux États-Unis, intitulé Loosing our Cool, l'auteur, Stan Cox, souligne le fait que les gens ne sortent plus par temps chaud et qu'ils préfèrent causer avec leurs voisins via Internet, depuis le sous-sol de leur maison, où ils sont bien au frais. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles il y a de plus en plus de solitude et de plus en plus de rapports virtuels. La désincarnation s'accroît ainsi créant un climat tel qu'on se sent plus facilement de trop sur terre, pour peu qu'on ait le sentiment d'être un poids pour les autres.
Si la pratique religieuse est en régression au même moment, ce mal de la solitude s'aggrave. L'église paroissiale demeure l'un des lieux les plus précieux de rencontres réelles. Notre situation par rapport à la religion influent de bien d'autres façons sur nos grandes décisions concernant la vie et la mort. L'abandon à la volonté de Dieu commun à bien des religions. Que devient cet abandon hors de ces religions?
Nous avons déjà évoqué le bien commun. Il faudra veiller à ce que cette précieuse notion ne serve pas à toutes les fins dans le débat sur l'euthanasie. Les nazis avaient en vue le bien commun de la nation quand ils ont entrepris d'euthanasier les soldats handicapés revenant du front russe.
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.