Texte reçu le 21.09.2012. http://suzy-alanis.skynetblogs.be
Nous remercions l'auteure de sa bienveillante attention. Une dame adresse un poème à un ami intime en toute fin de vie. Elle accompagne depuis un certain temps, jour après jour, ce patient, idenfié au lit 17, dans son itinéraire vers la mort. Les mots qu'elle utilise, sont d'une sobriété et d'une simplicité bouleversantes.
je n'ose pas m' engager dans cette chambre
je ne veux pas croire que tu sois devenu juste «le lit 17»
toi, qui m'as tant appris
toi, avec qui j'ai tant partagé...
l'infirmière me précède, et insiste pour que je rentre
puis elle s'éclipse
nous sommes encore trois
toi, la chienne et moi
la chienne rôde
tu es tout fragile dans ce lit
ton minois je peux le tenir dans une main
on ne voit plus que tes yeux, démesurés
dans ce squelette tendu de peau
tu souris en me voyant
un rictus entre surprise et souffrance
il y a un journal deplié sur ton ventre
je me sens indécente
je rentre dans plus qu'une intimité
et toi,
tu restes noble
tu demandes de mes nouvelles
alors je caresse ton bras
famélique
à la peau tendre comme
du beurre
je me sens inadéquate
je dépose dans ton frigo
des crèmes au chocolat
je te le dis furtivement
et tu me reponds
évanescent que tu vas essayer
de les manger
je caresse ta main bleuie
tu essaies de me parler
mais tu es si faible
alors je te dis que je t'aime
tu me réponds là, avec un vrai sourire
« je sais »
nous sommes vrais, sans artifices
aucun
je te regarde
je te dis que tu es beau
oui je pense que tu l'es
vraiment
beau comme un paysage
qu'on voit passer dans un train
et qui devient juste un trait
je me souviens de ce gnou
tout seul
du vol de prédateurs qui tournaient
en rond
au dessus de sa tête
dans la plaine du masai mara
le guide nous a dit
il va mourir
les vautours attendent
ainsi sommes nous
éphémères et vaniteux
jusqu'à la bêtise
ainsi sommes nous
habillés de nos oripeaux de chair
ainsi sommes nous
beaux
quand nous sommes arrivés
à destination
que nous lâchons prise
et que nos âmes prennent leur place,
que l'emballage n'est rien
je te regarde
pars sur la pointe des pieds
c 'est si intense
que partie de ce triste hopital,
tu me poursuis encore dans les rues