Dans l'appendice de la traduction française de la Correspondance de Dostoïevski, Gide* lit quelques lignes qui jettent sur le personnage de Kirilov une nouvelle lumière. Si les propos de Kirilov nous paraissent tant soit peu incohérents au premier degré, pourtant à travers eux, c'est bien la propre pensée de Dostoïevski que nous parvenons à découvrir.
D'après André Gide*, si impie que paraisse Kirilov lorsqu'il s'arroge l'attribut de la divinité en affirmant:«Je me tuerai pour affirmer mon insubordination, ma nouvelle et terrible liberté», Dostoïevski, perçoit derrière cette figure excentrique celle du Christ sur la croix. Dostoïevski n'est pas d'accord avec les idées de Kirilov, mais il reste halluciné par la nécessité du sacrifice de la croix en vue du salut de l'humanité. «Sauve-toi toi-même, si tu es Dieu», dit-on à Jésus-Christ. - «Si je me sauvais moi-même, c'est vous alors qui seriez perdus. C'est pour vous sauver que je me perds, que je fais le sacrifice de ma vie.»
Interprétation de Dostoïevski:
Comprenez-moi bien, le sacrifice* volontaire, en pleine conscience et libre de toute contrainte, le sacrifice de soi-même au profit de tous, est selon moi l'indice du plus grand développement de la personnalité, de sa supériorité, d'une possession parfaite de soi-même, du plus grand libre arbitre. Sacrifier volontairement sa vie pour les autres, se crucifier pour tous, monter sur le bûcher, tout cela n'est possible qu'avec un puissant développement de la personnalité. Une personnalité fortement développée, tout-à-fait convaincue de son droit d'être une personnalité, ne craignant plus pour elle-même, ne peut rien faire d'elle-même, c'est-à-dire ne peut servir à aucun usage que de se sacrifier aux autres, afin que tous les autres deviennent exactement de pareilles personnalités, arbitraires et heureuses. C'est la loi de la nature: l'homme normal tend à l'atteindre (1).
(1) Fédor Dostoïevski, Correspondance, p. 540.
Interprétation de Dostoïevski:
Comprenez-moi bien, le sacrifice* volontaire, en pleine conscience et libre de toute contrainte, le sacrifice de soi-même au profit de tous, est selon moi l'indice du plus grand développement de la personnalité, de sa supériorité, d'une possession parfaite de soi-même, du plus grand libre arbitre. Sacrifier volontairement sa vie pour les autres, se crucifier pour tous, monter sur le bûcher, tout cela n'est possible qu'avec un puissant développement de la personnalité. Une personnalité fortement développée, tout-à-fait convaincue de son droit d'être une personnalité, ne craignant plus pour elle-même, ne peut rien faire d'elle-même, c'est-à-dire ne peut servir à aucun usage que de se sacrifier aux autres, afin que tous les autres deviennent exactement de pareilles personnalités, arbitraires et heureuses. C'est la loi de la nature: l'homme normal tend à l'atteindre (1).
(1) Fédor Dostoïevski, Correspondance, p. 540.