Éclaircissements sur les sacrifices, écrit la même année que Les soirées de Saint-Pétersbourg (1810), les prolonge, entre autres, «sur la question des sacrifices, de leur significations religieuses en anthropologiques, de leur fonction dans les société humaines» (François L'Yvonner, «Préface» de Joseph De Maistre, Éclaircissements sur les sacrifices, Paris, L'Herne, 2009, p. 8).
Quoi! Le sang d'une fille innocente était nécessaire au départ d'une flotte et au succès d'une guerre*! Encore une fois, où donc les hommes avaient-ils pris cette opinion? Et quelle vérité avaient-ils corrompue pour arriver à cette épouvantable erreur?
La vérité qui a été corrompue est, selon de Maistre, la doctrine de la substitution qui autorise le remplacement d'une victime* [coupable] par une autre (innocente].
Il y a grande apparence que les premières victimes humaines furent des coupables condamnés par les lois; car toutes les nations ont cru ce que croyaient les Druides au rapport de César: que le supplice des coupables étaient quelque chose de fort agréable à la divinité. Les anciens croyaient que tout crime capital, commis dans l'état, liait la nation, et que le coupable était sacré ou voué aux dieux, jusqu'à ce que, par l'effusion de son sang, il eût délié et lui-même et la nation. (op. cit., p. 26-27)
[...]
Malheureusement, les hommes étant pénétrés du principe de l'efficacité des sacrifices proportionnée à l'importance des victimes, du coupable à l'ennemi, il n'y eut qu'un pas: tout ennemi fut coupable; et malheureusement encore tout étranger fut ennemi lorsqu'on eut besoin de victimes. Cet horrible droit public n'est que trop connu, voilà pourquoi HOSTIS, en latin, signifia d'abord également ennemi et étranger. Les plus élégants des écrivains latins [Virgile*] s'est plu à rappeler cette synonymie, et je remarque qu'Homère*, dans un endroit de l'Iliade, rend l'idée d'ennemi par celle de l'étranger, et que son commentateur nous avertit de faire attention à cette expression.
Il paraît que cette fatale induction exprime parfaitement l'universalité d'une pratique aussi détestable; quelle s'explique, dis-je, fort bien humainement: car je n'entends nullement nier (et comment le bon sens, légèrement éclairé, pourrait-il le nier?) l'action du mal qui avait tout corrompu.(op. cit., p. 28-29)
[...]
Mais cette idée universelle de la communion par le sang, quoique viciée dans son application, était néanmoins juste et prophétique dans sa racine, tout comme celle dont elle dérivait.
Il est entré dans les incompréhensibles desseins de l'amour tout-puissant de perpétuer jusqu'à la fin du monde, et par des moyens bien au-dessus de notre faible intelligence ce même sacrifice, matériellement offerte une seule fois pour le salut du genre humain. La chair ayant séparé l'homme du ciel, Dieu s'était revêtu de la chair pour s'unir à l'homme par ce qui l'en séparait: mais c'était encore trop peu pour une immense bonté attaquant une immense dégradation. Cette chair divinisée et perpétuellement immolée est présente à l'homme sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée: et celui refusera d'en manger ne vivra point [Job, VI, 34]. (op. cit., p. 58)
La vérité qui a été corrompue est, selon de Maistre, la doctrine de la substitution qui autorise le remplacement d'une victime* [coupable] par une autre (innocente].
Il y a grande apparence que les premières victimes humaines furent des coupables condamnés par les lois; car toutes les nations ont cru ce que croyaient les Druides au rapport de César: que le supplice des coupables étaient quelque chose de fort agréable à la divinité. Les anciens croyaient que tout crime capital, commis dans l'état, liait la nation, et que le coupable était sacré ou voué aux dieux, jusqu'à ce que, par l'effusion de son sang, il eût délié et lui-même et la nation. (op. cit., p. 26-27)
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Malheureusement, les hommes étant pénétrés du principe de l'efficacité des sacrifices proportionnée à l'importance des victimes, du coupable à l'ennemi, il n'y eut qu'un pas: tout ennemi fut coupable; et malheureusement encore tout étranger fut ennemi lorsqu'on eut besoin de victimes. Cet horrible droit public n'est que trop connu, voilà pourquoi HOSTIS, en latin, signifia d'abord également ennemi et étranger. Les plus élégants des écrivains latins [Virgile*] s'est plu à rappeler cette synonymie, et je remarque qu'Homère*, dans un endroit de l'Iliade, rend l'idée d'ennemi par celle de l'étranger, et que son commentateur nous avertit de faire attention à cette expression.
Il paraît que cette fatale induction exprime parfaitement l'universalité d'une pratique aussi détestable; quelle s'explique, dis-je, fort bien humainement: car je n'entends nullement nier (et comment le bon sens, légèrement éclairé, pourrait-il le nier?) l'action du mal qui avait tout corrompu.(op. cit., p. 28-29)
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Mais cette idée universelle de la communion par le sang, quoique viciée dans son application, était néanmoins juste et prophétique dans sa racine, tout comme celle dont elle dérivait.
Il est entré dans les incompréhensibles desseins de l'amour tout-puissant de perpétuer jusqu'à la fin du monde, et par des moyens bien au-dessus de notre faible intelligence ce même sacrifice, matériellement offerte une seule fois pour le salut du genre humain. La chair ayant séparé l'homme du ciel, Dieu s'était revêtu de la chair pour s'unir à l'homme par ce qui l'en séparait: mais c'était encore trop peu pour une immense bonté attaquant une immense dégradation. Cette chair divinisée et perpétuellement immolée est présente à l'homme sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée: et celui refusera d'en manger ne vivra point [Job, VI, 34]. (op. cit., p. 58)