Source : « Un relais sur la route du temps : les mémoires romains » dans T. Collington, Lectures chronotopiques. Espace, temps et genres romantiques, essai, Montréal, XYZ, « Théorie et Littérature », 2006, p. 117.
Bakhtine appelle chronotope, « ce qui se traduit littéralement par "temps-espace" : la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu'elle a été assimilée par la littérature. Ce terme est propre aux mathématiques; il a été introduit et adapté sur la base de la théorie de la relativité d'Einstein. Mais le sens spécial qu'il y a reçu nous importe peu. Nous comptons l'introduire, dans l'histoire littéraire presque (mais pas absolument) comme une métaphore » (FTC, p. 237).
Bakhtine appelle chronotope, « ce qui se traduit littéralement par "temps-espace" : la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu'elle a été assimilée par la littérature. Ce terme est propre aux mathématiques; il a été introduit et adapté sur la base de la théorie de la relativité d'Einstein. Mais le sens spécial qu'il y a reçu nous importe peu. Nous comptons l'introduire, dans l'histoire littéraire presque (mais pas absolument) comme une métaphore » (FTC, p. 237).
Selon Bakhtine***, jusqu'à l'avènement des mémoires romains, les récits de vie et les éloges funèbres de biographie platonicienne et rhétorique étaient orientés « vers les contemporains vivants », présentant le portrait idéalisé d'un homme exemplaire et prononcé, dans le cas de l'éloge, sur la place publique en l'honneur du défunt. Ces premières formes de biographie partagent toutes un point commun : le chronotope de la place publique, lieu où se déroule le cours de la vie extériorisée. Les mémoires romains se distinguent par leur double orientation : vers le passé, en tant que document de la conscience familiale et ancestrale, et vers l'avenir, en tant que pierre de touche pour les descendants de la famille qui pourront les lire dans les archives familiales. Bakhtine souligne que « le Romain a conscience, avant tout, d'être le maillon qui relie ses aïeux défunts à ses descendants point entrés encore dans la vie publique » (FTC, p. 285). Tandis que, dans les formes antérieures, le temps biographique se trouve soumis au temps idéal des changements et des métamorphoses, dans les mémoires, il s'agit de la vie de l'homme entremêlée à celle de l'État : « les destins individuels et nationaux ne font plus qu'un » (FTC, p. 286). Les mémoires romains se situent pleinement dans une tradition biographique qui cherche à élaborer « la prise de conscience publique de l'homme » (FTC, p. 287). Une autre de leurs particularités consiste à accorder un rôle important aux présages qui ne fonctionnent point comme « un aspect narratif comme dans les romans du XVII° siècle » mais comme « un principe fort important de la conception et de l'élaboration du matériau autobiographique » (FTC, p. 285).
Mikhaïl Bakhtine, « Formes du temps et du chronotope dans le roman », Esthétique et théorie du roman, traduction de Daria Olivier, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 237. Ci-dessus, entre parenthèses FTC)
Mikhaïl Bakhtine, « Formes du temps et du chronotope dans le roman », Esthétique et théorie du roman, traduction de Daria Olivier, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 237. Ci-dessus, entre parenthèses FTC)