Francisco Gómez de Quevedo y Santibáñez Villegas, né à Madrid le 17 septembre 1580 et décédé à Villanueva de los Infantes,le 8 septembre 1645, était un noble, un politicien et un auteur espagnol. « Prince de l'esprit, Quevedo a laissé une œuvre multiple et contrastée. Poésie satirique et lyrique, roman, théâtre, conte burlesque, essai critique, prose philosophique, il n'est aucun de ces genres où il n'ait brillé. Mais, sous ces formes diverses, apparaît la même Espagne d'un Siècle d'or sur son déclin, cette Espagne que regarde, avec tendresse et chagrin, un écrivain trop lucide pour ne pas être désenchanté. » (Encyclopaedia Universalis)
http://www.universalis.fr/encyclopedie/quevedo-y-villegas-francisco-gomez-de/
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Quevedo , Songe de la mort et de son empire, vers 1630 :
«.... ces os sont le dessin sur lequel on sculpte le corps de l'homme » (Rousset remarque que cette phrase avait été effacée par les copistes: est-ce parce qu'elle suggérait la possibilité d'un corps radieux?).
« Vous ne connaissez pas la mort, vous autres, c'est vous-même qui êtes votre mort; elle a la face de chacun de vous, vous êtes tous les morts de vous-mêmes, .... ce que vous appelez vivre, c'est mourir et vivant; et les os, c'est ce que la mort laisse de vous autres et ce qui reste dans la sépulture. Si vous compreniez bien cela, chacun de vous aurait tous les jours un miroir de la mort en soi-même, et vous verriez aussi en même temps que toutes vos maisons sont pleines de morts, qu'il y autant de morts que de personnes, que vous ne l'attendez pas, mais que vous l'accompagnez perpétuellement. » (Quevedo cité par Nicole Albagli, Descartes et les fondements de l'anthropologie, L'Harmattan, 2007, p.34-35)
http://books.google.ca/books?
Quevedo, Songes et discours, Corti, « Ibériques », traduction d'Annick Louis et Bernard Tissier, 2003
Le dernier Songe, le plus fou, est un clafoutis de trouvailles verbales et de néologismes populaires que devrait aimer Valère Novarina. L'auteur y découvre le domaine de la Mort. La Mort n'est pas un squelette armé d'une faux, comme d'habitude, mais une « créature ayant l'air d'une femme, fort coquette et fort encombrée de couronnes, spectres, faucilles, bagues, patins, tiares, chaperons, mitres, bonnets, brocarts, peaux, soies, ors, garrots, diamants, couffins, perles et cailloux. Un oeil ouvert et l'autre fermé, vêtue et nue de toutes couleurs; d'un côté elle était jeune et de l'autre elle était vieille; elle s'en venait à pas tantôt lents, tantôt pressés; elle semblait lointaine et proche, et je crus qu'elle faisait son entrée quand elle était déjà à mon chevet ». Elle est ambiguë, contradictoire, multiple, défie l'étiquette : elle ressemble à Quevedo.
Au cœur du sentir quévédien, par-delà toutes les rancunes, s'inscrit l'obsession du temps qui s'écoule, inexorable et nous conduit à la mort qui niche déjà en nous.
« Hier s'en fut, demain n'est pas arrivé :
Aujourd'hui s'éloigne sans nul repos :
Je suis un fut, un sera, un est harassé. »
Francine de Martinoir, La Quinzaine Littéraire, 16 au 31 juillet 2003,
ON ENSEIGNE COMMENT TOUTES LES CHOSES
NOUS AVISENT DE LA MORT
J'ai regardé les murs de ma patrie,
un temps puissants, déjà démantelés,
par la course de l'âge exténués
qui voue enfin leur vaillance à l'oubli;
je sortis dans les champs, le soleil vis
qui buvait l'eau des glaces déliées,
et dans les monts les troupeaux désolés,
le clair du jour par leurs ombres ravi.
J'entrai dans ma maison, je ne vis plus
que les débris d'un séjour bien trop vieux;
et mon bâton plus courbé et moins fort.
J'ai senti l'âge et mon épée vaincue,
et n'ai trouvé pour reposer mes yeux
rien qui ne fût souvenir de la mort.
traduction: Jacques Ancet
Extraits Les furies et les peines, 102 sonnets de Quevedo, Poésie/Gallimard, janvier 2010.
http://www.blogg.org/blog-55642-billet-quevedo_sonnets_metaphysiques_et_amoureux-830706.html
«.... ces os sont le dessin sur lequel on sculpte le corps de l'homme » (Rousset remarque que cette phrase avait été effacée par les copistes: est-ce parce qu'elle suggérait la possibilité d'un corps radieux?).
« Vous ne connaissez pas la mort, vous autres, c'est vous-même qui êtes votre mort; elle a la face de chacun de vous, vous êtes tous les morts de vous-mêmes, .... ce que vous appelez vivre, c'est mourir et vivant; et les os, c'est ce que la mort laisse de vous autres et ce qui reste dans la sépulture. Si vous compreniez bien cela, chacun de vous aurait tous les jours un miroir de la mort en soi-même, et vous verriez aussi en même temps que toutes vos maisons sont pleines de morts, qu'il y autant de morts que de personnes, que vous ne l'attendez pas, mais que vous l'accompagnez perpétuellement. » (Quevedo cité par Nicole Albagli, Descartes et les fondements de l'anthropologie, L'Harmattan, 2007, p.34-35)
http://books.google.ca/books?
Quevedo, Songes et discours, Corti, « Ibériques », traduction d'Annick Louis et Bernard Tissier, 2003
Le dernier Songe, le plus fou, est un clafoutis de trouvailles verbales et de néologismes populaires que devrait aimer Valère Novarina. L'auteur y découvre le domaine de la Mort. La Mort n'est pas un squelette armé d'une faux, comme d'habitude, mais une « créature ayant l'air d'une femme, fort coquette et fort encombrée de couronnes, spectres, faucilles, bagues, patins, tiares, chaperons, mitres, bonnets, brocarts, peaux, soies, ors, garrots, diamants, couffins, perles et cailloux. Un oeil ouvert et l'autre fermé, vêtue et nue de toutes couleurs; d'un côté elle était jeune et de l'autre elle était vieille; elle s'en venait à pas tantôt lents, tantôt pressés; elle semblait lointaine et proche, et je crus qu'elle faisait son entrée quand elle était déjà à mon chevet ». Elle est ambiguë, contradictoire, multiple, défie l'étiquette : elle ressemble à Quevedo.
Au cœur du sentir quévédien, par-delà toutes les rancunes, s'inscrit l'obsession du temps qui s'écoule, inexorable et nous conduit à la mort qui niche déjà en nous.
« Hier s'en fut, demain n'est pas arrivé :
Aujourd'hui s'éloigne sans nul repos :
Je suis un fut, un sera, un est harassé. »
Francine de Martinoir, La Quinzaine Littéraire, 16 au 31 juillet 2003,
ON ENSEIGNE COMMENT TOUTES LES CHOSES
NOUS AVISENT DE LA MORT
J'ai regardé les murs de ma patrie,
un temps puissants, déjà démantelés,
par la course de l'âge exténués
qui voue enfin leur vaillance à l'oubli;
je sortis dans les champs, le soleil vis
qui buvait l'eau des glaces déliées,
et dans les monts les troupeaux désolés,
le clair du jour par leurs ombres ravi.
J'entrai dans ma maison, je ne vis plus
que les débris d'un séjour bien trop vieux;
et mon bâton plus courbé et moins fort.
J'ai senti l'âge et mon épée vaincue,
et n'ai trouvé pour reposer mes yeux
rien qui ne fût souvenir de la mort.
traduction: Jacques Ancet
Extraits Les furies et les peines, 102 sonnets de Quevedo, Poésie/Gallimard, janvier 2010.
http://www.blogg.org/blog-55642-billet-quevedo_sonnets_metaphysiques_et_amoureux-830706.html