«Marc Séguin repasse en chaque tableau cette frontière imperceptible entre les eaux troubles d'en bas et les eaux vives d'en haut [...] Il peint l'incertitude de notre venue au monde, l'hésitation de tout notre être à recevoir le don de vivre et d'exister.» (Pierre Ouellet, op. cit., p. 16)
Adam: l'âme de glèbe. Le premier homme: une vie d'ombre, terreuse, vaseuse. Humus ou noir mélange. La mélancolie* qui imprègne l'oeuvre de Marc Séguin le dit avec la force des sources anciennes du mot melancholia: nous broyons le noir de nos origines enfouies, d'une naissance inhumée, toute notre vie durant, car c'est un goût de terre qui nous relie au plus lointain passé. Non pas celui qui est hors de nous, derrière nos pas et dans notre dos, mais celui même qui est au-dedans, dans notre bouche et dans nos bronches. Le passé intérieur. Qui coule en nous sa poix de cendres: la bile amère qu'on mâche et puis remâche, rumine et finit par cracher sur un tableau ou un bout de papier.
Humeur noire des tristes, des colériques, des tourmentés, que leurs origines obscures ne cessent de hanter. Non parce qu'elles tendent une lumière aveugle à leur regard exorbité, mais parce qu'elles mettent dans leur bouche une seconde langue de terre rêche qui prend racine dans l'inconnu... et qui s'enroule à leur langue de chair pour en teindre la parole d'une couleur de poix, de houille, de tuf.
Marc Séguin peint avec la matière visqueuse de cette langue seconde qui est en fait la toute première, dont les secrets et les sécrétions, cette bile élémentaire mâchée comme de la gomme, donnent aux mots que nous lançons dans l'air cette couleur d'encre qui fait qu'ensuite nous les jetons sur le papier... salive humaine que l'ombre ancienne où nous la puisons aura teintée de son poison.
[...]
Nous vivons là, à la lisière du temps, au bord du monde, au point où tout, bientôt, cessera de vivre. Mêlé au règne carbonifère de la nuit des âges. De la chambre sans lampe. Pas même une veilleuse dont notre dernier souffle aura grillé l'ampoule. Son aura noircie carbonisée. Tout l'air autour macadamisée.
[...]
C'est nous qui sommes la finitude* de ce monde-ci. C'est nous, l'humus au noir mélange, sur qui finit par tomber chaque étoile qui se meurt. Quand l'éclat dans lequel elle se survit ne cesse de nous répéter que sans le mur de nos deux yeux et de nos deux oreilles l'univers serait éternel, le monde infini.
Humeur noire des tristes, des colériques, des tourmentés, que leurs origines obscures ne cessent de hanter. Non parce qu'elles tendent une lumière aveugle à leur regard exorbité, mais parce qu'elles mettent dans leur bouche une seconde langue de terre rêche qui prend racine dans l'inconnu... et qui s'enroule à leur langue de chair pour en teindre la parole d'une couleur de poix, de houille, de tuf.
Marc Séguin peint avec la matière visqueuse de cette langue seconde qui est en fait la toute première, dont les secrets et les sécrétions, cette bile élémentaire mâchée comme de la gomme, donnent aux mots que nous lançons dans l'air cette couleur d'encre qui fait qu'ensuite nous les jetons sur le papier... salive humaine que l'ombre ancienne où nous la puisons aura teintée de son poison.
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Nous vivons là, à la lisière du temps, au bord du monde, au point où tout, bientôt, cessera de vivre. Mêlé au règne carbonifère de la nuit des âges. De la chambre sans lampe. Pas même une veilleuse dont notre dernier souffle aura grillé l'ampoule. Son aura noircie carbonisée. Tout l'air autour macadamisée.
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C'est nous qui sommes la finitude* de ce monde-ci. C'est nous, l'humus au noir mélange, sur qui finit par tomber chaque étoile qui se meurt. Quand l'éclat dans lequel elle se survit ne cesse de nous répéter que sans le mur de nos deux yeux et de nos deux oreilles l'univers serait éternel, le monde infini.