Les conditions perdantes en éducation
La loi d'où nous vient ce mal a été adoptée par le gouvernement libéral en 1994. Quand peu après Jean Larose et bien d'autres intellectuels réputés en ont démontré l'inanité dans les médias, j'ai cru que le nouveau gouvernement, le vôtre, prendrait vite acte de la chose et abrogerait l'obscurantiste loi.
Sans doute avez-vous eu la même réaction que moi, ce qui expliquerait pourquoi vous n'avez même pas cru nécessaire d'aborder la question au conseil des ministres. Présumant que votre collègue madame Marois avait au moins autant de jugement et de bon sens que vous, vous en avez conclu, sans pousser plus loin l'examen, qu'elle veillerait à ce que cette loi soit abolie.
Hélas! le référendum de 1995 a mobilisé à ce point les esprits et les énergies que la loi demeura intacte incitant les étudiants à s'inscrire en pédagogie plutôt qu'en physique ou en lettres.
On en mesure tous les effets aujourd'hui. Une école qui oserait engager un docteur en mathématique pourrait être poursuivie par un bachelier en pédagogie qui s'estimerait lésé par ce choix.
Mesdames, messieurs les ministres, nous ne voulons ni ne pouvons vous faire l'affront de penser que vous avez agi, ou plutôt omis d'agir sciemment en cette affaire. Il se trouve sûrement parmi vos conseillers quelqu'un qui ayant lu Main basse sur l'éducation. de même que le dernier numéro de la revue Société, vous aura exposé les effets probables de cette loi sur les universités aussi bien que les écoles.
Persuadés, qu'en l'occurrence du moins, le mal c'est l'ignorance, et que dès que vous aurez compris la loi, vous voudrez l'abroger, nous ajoutons dans ce numéro quelques pièces au dossier.
Pour des raisons que nous explicitons nous-mêmes ailleurs dans ce numéro, nous vous invitions à attacher la plus grande importance au fait que parmi les conditions gagnantes d'un éventuel référendum, il y a le sens du lointain dont nous aurons su faire preuve dans un domaine crucial où nous avons pleine souveraineté: l'éducation.
Que penser d'une peuple qui condamne à quatre ans de travaux forcés en pédagogie ses docteurs en mathématiques désireux de transmettre leur science à leurs jeunes compatriotes? Qui par un autre effet de la même loi affaiblit l'ensemble de ses facultés universitaires pour renforcer celles qui ont toujours été le dernier choix des meilleurs étudiants: les facultés de pédagogie! N'est-ce pas là un peuple qui compromet de lui-même son avenir d'une manière telle, que personne ne voudra le croire quand il accusera un autre gouvernement d'être une entrave à son développement?
Qu'est-ce que les partisans du oui répondront aux partisans du non quand ils évoqueront le gâchis de l'éducation après celui de l'emploi?
Plusieurs analyses à la fois fines et savantes de vos politiques en éducation nous incitent à penser qu'elles vous sont dictées par le complexe bureaucrato-pédagogico-syndical. Vous avez préféré ces idéologues à l'ensemble de la société civile québécoise.
Peut-être estimez-vous que c'est là une condition gagnante. Nous sommes plutôt d'avis qu'il s'agit d'une cause d'échec qui pourrait, à elle seule annuler toutes les conditions gagnantes que vous pourriez réussir à rassembler.
Il faut au contraire, par quelques mesures simples, briser le monopole bureaucrato-syndical. C'est le prélude à toutes conditions gagnantes en éducation.
1- Permettre aux écoles de choisir librement leurs professeurs, ce qui implique qu'elles puissent préférer un docteur en mathématique à un bachelier en pédagogie.
2- Dans l'hypothèse où les écoles seraient jugées indignes d'une totale liberté, n'accorder des permis d'enseigner qu'à la suite de concours semblables à ceux qui ont fait la réputation de l'enseignement secondaire en France, le CAPES et l'agrégation.
3- Respecter sans réserve le droit des parents de choisir l'école que fréquenteront leurs enfants ou d'assumer eux-mêmes directement la responsabilité de leur éducation.
4 - Abolir la loi rendant la fréquentation de l'école obligatoire jusqu'à 16 ans.
5- Faire dépendre l'octroi des diplômes d'examens auxquels tous ont librement accès, plutôt que du nombre d'heures passées devant des membres d'un quelconque syndicat jouissant d'un monopole.