90 suicides depuis le début de l’année. Le monde pénitentiaire s’inquiète et dénonce une situation pathétique après la série de suicides dans des prisons de l’Est de la France. Les statistiques sont très alarmantes. Beaucoup de détenus souffrent de dépression ou de maladie mentale. Avant de se tuer, plusieurs d'entre eux avaient déjà porté atteinte à leur vie. Parmi eux, il y a des mineurs. La Cour européenne des droits de l'homme a déjà condamné, à l'unanimité, la France pour n'avoir pas protégé la vie d'un détenu qui s'était suicidé en 2000. L'incarcération n'est sans doute pas le lieu le plus approprié pour traiter des personnes qui auraient besoin des traitements médicaux ou psychiatriques.
Des faits dramatiques
Le 90e suicide d'un détenu a été enregistré dans une prison française depuis le début de l'année 2008. En effet, à la maison d'arrêt d'Ensisheim (Haut-Rhin) un homme de 45 ans s'est pendu dans sa cellule le vendredi 17 octobre. D'origine marocaine et incarcéré depuis 1996, il purgeait une peine de trente ans de réclusion pour meurtre, dont vingt avec sûreté. Selon le Parquet de Colmar, il n'était pas connu pour avoir des tendances suicidaires, mais il faisait régulièrement l'objet de procédures disciplinaires et avait été changé à plusieurs reprises d'établissement pénitentiaire. Le jour du drame, il avait été placé dans une cellule du quartier disciplinaire, après avoir insulté le personnel et refusé de réintégrer sa cellule. Peu auparavant, des gardiens auraient entendu l'homme parler durant la distribution des repas, période pendant laquelle les allées et venues de gardiens sont fréquentes.
Une tentative de suicide a également eu lieu le samedi soir 18 octobre 2008 à la maison d'arrêt de Mulhouse, la quatrième en moins d'une semaine dans cet établissement pénitentiaire ! En effet, un détenu, âgé de 25 ans, a tenté de mettre fin à ses jours en ingérant des médicaments. Lundi le 13 octobre, deux hommes et une femme avaient tenté de se suicider par pendaison dans le même établissement.
Un détenu de 36 ans s'est suicidé dans la nuit de jeudi à vendredi 16 octobre 2008 à la maison d'arrêt de Strasbourg. Selon le syndicat, il aurait dû être hospitalisé d'office, compte tenu de ses tendances suicidaires. Mais malgré une tentative de suicide* en garde à vue et malgré des propos manifestes de sa part exprimant sa volonté d'en finir avec la vie, il avait été incarcéré.
En octobre 2008, un détenu d'âge mineur, transféré de Metz-Queuleu à la prison de Strasbourg, est mort à l'hôpital, une semaine après avoir tenté de se suicider dans le quartier des mineurs. Il avait déjà porté atteinte à sa vie dans la prison de Metz-Queuleu, où il avait partagé sa cellule avec un autre jeune de 16 ans qui s'était suicidé dans la même prison.
Des chiffres éloquents
Ces drames s'inscrivent dans la vague de suicides en prison durant l'année 2008: 90 suicides dans les quelque 200 établissements pénitentiaires de France; 115, en 2004; 122, en 2005; 94, en 2006 et 96, en 2007. Les syndicats et l'opposition insistent beaucoup sur l'aggravation de la situation dans un contexte de surpopulation carcérale (63 185 détenus au 1er octobre pour moins de 51 000 places) et d'une politique du «tout carcéral». Les trois principales organisations de surveillants dénoncent une «situation alarmante des conditions de travail», un «manque de moyens humains et matériels» ainsi qu'une «incohérence de la politique pénale».
Le Parti socialiste demande au gouvernement de «prendre conscience de la gravité de la situation et mettre immédiatement en place un plan d'accompagnement psychologique et de rénovation des prisons françaises».
La Cour européenne des droits
Le 15 octobre, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné, à l'unanimité, la France pour n'avoir pas protégé la vie d'un détenu qui s'était suicidé en 2000.
Un homme de 36 ans s'était pendu dans sa cellule à la prison de Bois-d'Arcy où il était en détention provisoire dans l'attente de l'audience statuant sur son cas. Il avait fait une première tentative de suicide et avait été placé seul dans une cellule, sous surveillance spéciale. Il était sous traitement antipsychotique, mais la prise de ses médicaments n'était pas contrôlée. À la suite de l'agression d'une surveillante, il avait été placé en cellule disciplinaire.
Une information judiciaire fut ouverte aux termes de laquelle l'expert avait conclu que le suicide résultait non pas d'un syndrome dépressif, mais d'un passage à l'acte lié à des troubles psychotiques aigus. La Cour européenne des droits de l'homme a été saisie, après que la cour d'appel de Versailles eut jugé que ni la sanction disciplinaire ni le fait de ne pas s'assurer de la prise du traitement ne pouvaient constituer une violation délibérée d'une obligation de sécurité.
La Cour européenne des droits de l'homme déclare, au contraire, que les autorités savaient que le détenu souffrait de troubles psychotiques, susceptibles de le conduire à des actes d'auto-agression et qu'il avait besoin d'une surveillance étroite. Les magistrats déplorent que l'opportunité de son hospitalisation dans un établissement psychiatrique n'ait pas été envisagée.
La Cour estime qu'en l'absence d'une telle hospitalisation, les autorités pénitentiaires devaient lui assurer des soins médicaux correspondant à la gravité de son état. Elles ont ainsi manqué à leur obligation de protéger le droit à la vie d'un détenu (article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme). Les juges ont par ailleurs estimé que l'absence de surveillance de la prise quotidienne du traitement a joué un rôle dans ce décès. Enfin, la Cour relève que trois jours après sa tentative de suicide, il s'était vu infliger la sanction la plus lourde, à savoir 45 jours de cellule disciplinaire, une sanction inappropriée à ses troubles mentaux et donc contraire à l'article 3 de la CEDH qui interdit les traitements inhumains et dégradants.
La Haute Juridiction rappelle que la vulnérabilité des détenus atteints de troubles mentaux appelle une protection particulière, a fortiori lorsque ces détenus sont placés en isolement ou en cellule disciplinaire pour une longue durée.
Le 90e suicide d'un détenu a été enregistré dans une prison française depuis le début de l'année 2008. En effet, à la maison d'arrêt d'Ensisheim (Haut-Rhin) un homme de 45 ans s'est pendu dans sa cellule le vendredi 17 octobre. D'origine marocaine et incarcéré depuis 1996, il purgeait une peine de trente ans de réclusion pour meurtre, dont vingt avec sûreté. Selon le Parquet de Colmar, il n'était pas connu pour avoir des tendances suicidaires, mais il faisait régulièrement l'objet de procédures disciplinaires et avait été changé à plusieurs reprises d'établissement pénitentiaire. Le jour du drame, il avait été placé dans une cellule du quartier disciplinaire, après avoir insulté le personnel et refusé de réintégrer sa cellule. Peu auparavant, des gardiens auraient entendu l'homme parler durant la distribution des repas, période pendant laquelle les allées et venues de gardiens sont fréquentes.
Une tentative de suicide a également eu lieu le samedi soir 18 octobre 2008 à la maison d'arrêt de Mulhouse, la quatrième en moins d'une semaine dans cet établissement pénitentiaire ! En effet, un détenu, âgé de 25 ans, a tenté de mettre fin à ses jours en ingérant des médicaments. Lundi le 13 octobre, deux hommes et une femme avaient tenté de se suicider par pendaison dans le même établissement.
Un détenu de 36 ans s'est suicidé dans la nuit de jeudi à vendredi 16 octobre 2008 à la maison d'arrêt de Strasbourg. Selon le syndicat, il aurait dû être hospitalisé d'office, compte tenu de ses tendances suicidaires. Mais malgré une tentative de suicide* en garde à vue et malgré des propos manifestes de sa part exprimant sa volonté d'en finir avec la vie, il avait été incarcéré.
En octobre 2008, un détenu d'âge mineur, transféré de Metz-Queuleu à la prison de Strasbourg, est mort à l'hôpital, une semaine après avoir tenté de se suicider dans le quartier des mineurs. Il avait déjà porté atteinte à sa vie dans la prison de Metz-Queuleu, où il avait partagé sa cellule avec un autre jeune de 16 ans qui s'était suicidé dans la même prison.
Des chiffres éloquents
Ces drames s'inscrivent dans la vague de suicides en prison durant l'année 2008: 90 suicides dans les quelque 200 établissements pénitentiaires de France; 115, en 2004; 122, en 2005; 94, en 2006 et 96, en 2007. Les syndicats et l'opposition insistent beaucoup sur l'aggravation de la situation dans un contexte de surpopulation carcérale (63 185 détenus au 1er octobre pour moins de 51 000 places) et d'une politique du «tout carcéral». Les trois principales organisations de surveillants dénoncent une «situation alarmante des conditions de travail», un «manque de moyens humains et matériels» ainsi qu'une «incohérence de la politique pénale».
Le Parti socialiste demande au gouvernement de «prendre conscience de la gravité de la situation et mettre immédiatement en place un plan d'accompagnement psychologique et de rénovation des prisons françaises».
La Cour européenne des droits
Le 15 octobre, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné, à l'unanimité, la France pour n'avoir pas protégé la vie d'un détenu qui s'était suicidé en 2000.
Un homme de 36 ans s'était pendu dans sa cellule à la prison de Bois-d'Arcy où il était en détention provisoire dans l'attente de l'audience statuant sur son cas. Il avait fait une première tentative de suicide et avait été placé seul dans une cellule, sous surveillance spéciale. Il était sous traitement antipsychotique, mais la prise de ses médicaments n'était pas contrôlée. À la suite de l'agression d'une surveillante, il avait été placé en cellule disciplinaire.
Une information judiciaire fut ouverte aux termes de laquelle l'expert avait conclu que le suicide résultait non pas d'un syndrome dépressif, mais d'un passage à l'acte lié à des troubles psychotiques aigus. La Cour européenne des droits de l'homme a été saisie, après que la cour d'appel de Versailles eut jugé que ni la sanction disciplinaire ni le fait de ne pas s'assurer de la prise du traitement ne pouvaient constituer une violation délibérée d'une obligation de sécurité.
La Cour européenne des droits de l'homme déclare, au contraire, que les autorités savaient que le détenu souffrait de troubles psychotiques, susceptibles de le conduire à des actes d'auto-agression et qu'il avait besoin d'une surveillance étroite. Les magistrats déplorent que l'opportunité de son hospitalisation dans un établissement psychiatrique n'ait pas été envisagée.
La Cour estime qu'en l'absence d'une telle hospitalisation, les autorités pénitentiaires devaient lui assurer des soins médicaux correspondant à la gravité de son état. Elles ont ainsi manqué à leur obligation de protéger le droit à la vie d'un détenu (article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme). Les juges ont par ailleurs estimé que l'absence de surveillance de la prise quotidienne du traitement a joué un rôle dans ce décès. Enfin, la Cour relève que trois jours après sa tentative de suicide, il s'était vu infliger la sanction la plus lourde, à savoir 45 jours de cellule disciplinaire, une sanction inappropriée à ses troubles mentaux et donc contraire à l'article 3 de la CEDH qui interdit les traitements inhumains et dégradants.
La Haute Juridiction rappelle que la vulnérabilité des détenus atteints de troubles mentaux appelle une protection particulière, a fortiori lorsque ces détenus sont placés en isolement ou en cellule disciplinaire pour une longue durée.