Un double paradoxe persiste dans la pratique du respect accordé aux morts. D'une part, pour survivre la communauté cherche à éloigner les cadavres et, d'autre part, cette même communauté a le souci d'assurer une présence des défunts. Voilà pour la première forme de tension entre deux contraires : disparition et présence. La seconde antinomie concerne l'opposition entre, d'une part, la valeur symbolique et immatérielle de la présence des morts et la matérialisation et la spatialisation de cette présence. Pour garder vivante la mémoire immatérielle des morts, il faut des repères matérielles qui sont autant de rappels et de signes visibles de leur présence. On a cru et l'on a craint que la crémation fera table rase de toute matérialité et toute spatialité de la mémoire des défunts. Or, des espaces appropriés érigés à cet effet et des objets funéraires (cercueils, urnes cinéraires) pour déposer les cendres ont une fonction non seulement de conservation, mais aussi de symbole d'une possible convivialité des vivants et des morts. Non pas vivre ensemble avec les morts, mais vivre avec les morts en esprit et en vérité, vraiment et spirituellement. Mais il nous faut donner à ce culte spirituel des expressions visibles, matérielles et spatiales. Par contre, nous nous objectons formellement à la coalition entre les Églises et l'industrie funéraire qui, pour des raisons commerciales, veulent imposer la conservation des cendres dans les cimetières ou dans les complexes funéraires. Il n'y a aucune raison valable pour refuser de conserver ces cendres à la maison ou de les disperser dans la mer, dans un jardin ou dans tout autre espace privé. L'imaginaire populaire, plus créative et plus intuitive que celle des organismes publics, trouvera des façons dignes de garder vivante la mémoire de ses défunts. Jean-Didier Urbain a recours à la figure du Petit Poucet, qui « s'aventurant dans la forêt pour retrouver sa route, se mit à semer des petits cailloux tout au long du chemin afin de se souvenir...» À l'instar du Petit Poucet, il importe aux gens de semer des petits cailloux, de laisser des traces matérielles afin de retrouver leurs chers disparus. (Éric Volant)
Crémation
La crémation (ou incinération) existe depuis longtemps dans l'histoire de l'humanité, mais ce n'est que depuis 1963 que l'Église catholique reconnaît ce mode de disposition. Bien que la crémation soit de plus en plus populaire, plusieurs personnes choisissent d'être exposées et avoir des funérailles à l'église en présence du corps, puis par la suite viendra la crémation. Cependant, depuis 1985, l'Église permet la célébration des funérailles en présence des cendres.
Le corps de la personne décédée est déposé soit dans un cercueil, une boîte de bois ou de carton, selon le choix qui est fait. Par respect pour la personne décédée, son corps est incinéré avec le cercueil ou un contenant de crémation. Chaque four peut accueillir un seul cercueil à la fois. La crémation prend environ une heure et demie et se déroule à une température variant entre 1000 et 1200 degrés Celsius. Avec une telle chaleur, le contenant, les vêtements et le corps se désintègrent, laissant seulement la matière osseuse comme reste cinéraire.
Même à température très élevée, les principaux ossements du corps humain ne peuvent être réduits en cendres. C'est pour cette raison qu'une fois refroidis, les fragments d'os sont réduis en minuscules fragments, à l'aide d'un broyeur, avant d'être déposée dans l'urne cinéraire qui aura été choisie.
Il existe plusieurs sortes d'urnes fabriquées à partir de divers matériaux, tels le bronze, le marbre, le bois, etc. L'urne cinéraire devra être étanche afin de bien protéger les cendres qu'elle contient. Par la suite, l'urne cinéraire peut être déposée en terre, dans un cimetière, ou encore dans un columbarium.
Corporation des thanatologues du Québec
http://www.domainefuneraire.com/pour-vous-informer/cremation
Dans la première édition de son livre L'archipel des morts (1989), Jean-Didier Urbain considérait la crémation comme une pratique de disparition des morts de la mémoire des vivants, de déni ou d'occultation de la mort, de la dématérialisation et de la dépersonnalisation du culte des morts. Dans la deuxième édition du même libre (1998), il ajoute une « Postface » très éclairante où il avoue que l'évolution des mentalités et des pratiques de la crémation a fait évoluer aussi son interprétation et son évaluation du phénomène cinéraire.
Le complexe du Petit Poucet [...] est un mythe de synthèse et de conciliation. D'Empédocle, il retient l'irréversible séparation que constitue la mort, et d'Orphée, l'impossible mais inextinguible désir de retenir à soi le disparu. Après tout, une fois venue la mort du proche, égarés par le chagrin dans les solitudes d'un deuil qu'on aimerait partager mais qu'on se doit désormais de garder pour soi, ne sommes-nous pas tous, consciemment ou non, des Petit Poucet qui avons juste besoin de ces petits cailloux qui permettent, tout doucement, de retrouver le chemin de la vie?
J'ai commencé par les livres. Je finirai par eux. Pensons au problème que pose actuellement la numérisation électronique des livres dans les bibliothèques. Cette opération technique ne fait rien moins que dématérialiser les livres, convertissant leurs feuilles et leurs textes en une réalité, certes lumineuse (puisqu'elle s'affiche sur des tubes cathodiques), mais fragile et impalpable. Le livre, dont le texte a èté numérisé, réduit et transportable comme le mort crématisé et informatisé, est un livre qui a perdu son « corps » : sa forme et sa matière. Dès lors, télématiquement transmissible, il devient une archive vagabonde, partout et nulle part à la fois, disséminée, partageable et sans lieu propre - une abstraction, comme les cendres nomades du défunt incinéré.
Il est fort intéressant de constater qu'un éminent collaborateur de la Très Grande Bibliothèque, Roger Chartier, a exprimé l'opinion suivante, à savoir que s'il faut bien admettre comme nécessaire la dématérialisation électronique des textes, il n'en faut pas moins envisager, à l'aide de substituts qui restent à inventer, de compenser les effets de cette opération par des procédures de rematérialisation afin, précisa-t-il, de préserver chez le lecteur la sensation du contact, la mémoire de la forme et la perception d'une présence, celle du livre en l'occurrence.
De même à propos de l'incinération, d'une archive à l'autre, si l'on doit bien admettre la dimension dématérialisante de ce « procédé de l'avenir par excellence », son utilité et même sa nécessité en contexte urbanisé, à très forte densité de population, ne faut-il pas cependant, dans une optique analogue, promouvoir également des procédures symétriques de rematérialisation pour les morts crématisés? Question de trace. Question de place et de signe ultime à dresser entre le néant et l'illusion, pour la présence sociale des morts et contre l'absence nue... (Jean-Didier Urbain, L'archipel des morts, Peite Bibliothèque Payot, 1998, p. 312-313).
La crémation (ou incinération) existe depuis longtemps dans l'histoire de l'humanité, mais ce n'est que depuis 1963 que l'Église catholique reconnaît ce mode de disposition. Bien que la crémation soit de plus en plus populaire, plusieurs personnes choisissent d'être exposées et avoir des funérailles à l'église en présence du corps, puis par la suite viendra la crémation. Cependant, depuis 1985, l'Église permet la célébration des funérailles en présence des cendres.
Le corps de la personne décédée est déposé soit dans un cercueil, une boîte de bois ou de carton, selon le choix qui est fait. Par respect pour la personne décédée, son corps est incinéré avec le cercueil ou un contenant de crémation. Chaque four peut accueillir un seul cercueil à la fois. La crémation prend environ une heure et demie et se déroule à une température variant entre 1000 et 1200 degrés Celsius. Avec une telle chaleur, le contenant, les vêtements et le corps se désintègrent, laissant seulement la matière osseuse comme reste cinéraire.
Même à température très élevée, les principaux ossements du corps humain ne peuvent être réduits en cendres. C'est pour cette raison qu'une fois refroidis, les fragments d'os sont réduis en minuscules fragments, à l'aide d'un broyeur, avant d'être déposée dans l'urne cinéraire qui aura été choisie.
Il existe plusieurs sortes d'urnes fabriquées à partir de divers matériaux, tels le bronze, le marbre, le bois, etc. L'urne cinéraire devra être étanche afin de bien protéger les cendres qu'elle contient. Par la suite, l'urne cinéraire peut être déposée en terre, dans un cimetière, ou encore dans un columbarium.
Corporation des thanatologues du Québec
http://www.domainefuneraire.com/pour-vous-informer/cremation
Dans la première édition de son livre L'archipel des morts (1989), Jean-Didier Urbain considérait la crémation comme une pratique de disparition des morts de la mémoire des vivants, de déni ou d'occultation de la mort, de la dématérialisation et de la dépersonnalisation du culte des morts. Dans la deuxième édition du même libre (1998), il ajoute une « Postface » très éclairante où il avoue que l'évolution des mentalités et des pratiques de la crémation a fait évoluer aussi son interprétation et son évaluation du phénomène cinéraire.
Le complexe du Petit Poucet [...] est un mythe de synthèse et de conciliation. D'Empédocle, il retient l'irréversible séparation que constitue la mort, et d'Orphée, l'impossible mais inextinguible désir de retenir à soi le disparu. Après tout, une fois venue la mort du proche, égarés par le chagrin dans les solitudes d'un deuil qu'on aimerait partager mais qu'on se doit désormais de garder pour soi, ne sommes-nous pas tous, consciemment ou non, des Petit Poucet qui avons juste besoin de ces petits cailloux qui permettent, tout doucement, de retrouver le chemin de la vie?
J'ai commencé par les livres. Je finirai par eux. Pensons au problème que pose actuellement la numérisation électronique des livres dans les bibliothèques. Cette opération technique ne fait rien moins que dématérialiser les livres, convertissant leurs feuilles et leurs textes en une réalité, certes lumineuse (puisqu'elle s'affiche sur des tubes cathodiques), mais fragile et impalpable. Le livre, dont le texte a èté numérisé, réduit et transportable comme le mort crématisé et informatisé, est un livre qui a perdu son « corps » : sa forme et sa matière. Dès lors, télématiquement transmissible, il devient une archive vagabonde, partout et nulle part à la fois, disséminée, partageable et sans lieu propre - une abstraction, comme les cendres nomades du défunt incinéré.
Il est fort intéressant de constater qu'un éminent collaborateur de la Très Grande Bibliothèque, Roger Chartier, a exprimé l'opinion suivante, à savoir que s'il faut bien admettre comme nécessaire la dématérialisation électronique des textes, il n'en faut pas moins envisager, à l'aide de substituts qui restent à inventer, de compenser les effets de cette opération par des procédures de rematérialisation afin, précisa-t-il, de préserver chez le lecteur la sensation du contact, la mémoire de la forme et la perception d'une présence, celle du livre en l'occurrence.
De même à propos de l'incinération, d'une archive à l'autre, si l'on doit bien admettre la dimension dématérialisante de ce « procédé de l'avenir par excellence », son utilité et même sa nécessité en contexte urbanisé, à très forte densité de population, ne faut-il pas cependant, dans une optique analogue, promouvoir également des procédures symétriques de rematérialisation pour les morts crématisés? Question de trace. Question de place et de signe ultime à dresser entre le néant et l'illusion, pour la présence sociale des morts et contre l'absence nue... (Jean-Didier Urbain, L'archipel des morts, Peite Bibliothèque Payot, 1998, p. 312-313).