Outre Les Fabuleuses Aventures du Légendaire Baron de Munchhausen, Gottfried Bürger (1747-1794), nous a laissé des poèmes romantiques et des ballades sublimes parmi lesquelles se trouve «la Ballade de Lénore» que l'on peut loger sous l'enseigne de «La jeune fille et la mort». En effet, dans ce poème, une jeune femme attend en vain le retour de son ami, parti pour la guerre. Sans lui, elle ne pourra plus prendre goût à la vie. Or, elle semble reconnaître dans le cavalier, qui vient la chercher pour les noces, son ami qu'elle suivra dans une étrange chevauchée vers la mort.
Aux premières lueurs du matin, Lénore, fatiguée de rêves lugubres, s'élance de son lit. Es-tu infidèle Wilhelm, ou es-tu mort? tarderas-tu longtemps encore? -Il avait suivi l'armée du roi Frédéric à la bataille de Prague, et n'avait rien écrit pour rassurer son amie.
Lassés de leurs longues querelles, le roi et l'impératrice revinrent de leurs prétentions et conclurent enfin la paix. Couronnée de verts feuillages, chaque armée retourna, en chantant, dans ses foyers, aux sons joyeux des fanfares et des cymbales.
De tous côtés, sur les chemins et sur les ponts, jeunes et vieux, se portaient en foule à leur rencontre. Dieu soit loué! s'écriaient plus d'une épouse. Sois le bienvenu! disaient plus d'une fiancée. Lénore seule attendait le baiser du retour.
Elle parcourt les rangs: elle les monte; elle les redescend, elle interroge, hélas, en vain. Dans cette foule innombrable, personne ne peut lui donner de réponse certaine. Déjà tous sont éloignés. Alors elle arrache ses beaux cheveux, et se roule à terre dans le délire du désespoir.
[...]
Avec Wilhelm est la félicité, sans Wilhelm est l'enfer. Éteins-toi pour toujours, flambeau de ma vie! que je meure dans l'horreur et dans les ténèbres! Dieu est sans pitié! Malédiction sur moi, malheureuse que je suis!
Ainsi la douleur ravage son coeur et son âme, et lui fait insulter à la divine Providence. Elle se meurtrit le sein et se tord le bras. Cependant les astres de la nuit s'élevaient sur la voûte du ciel.
Mais écoutez! Voilà qu'au dehors retentit comme le galop d'un cheval. Il semble qu'un cavalier en descend avec bruit au bas de l'escalier. Écoutez! la sonnette a tinté doucement, et voilà qu'à travers la porte, une voix fait entendre les paroles suivantes:
- Ouvre, mon enfant. Dors-tu, mon amie, ou es-tu éveillée? Penses-tu encore à moi? Es-tu dans la joie ou dans les larmes?
- Ah! Wilhelm! est-ce toi? Si tard dans la nuit! Je veillais et je pleurais! Ah! j'ai bien souffert. D'où viens-tu donc sur ton cheval à cette heure?
[...]
- Regarde! La lune est claire et brillante. Nous et les morts nous allons vite. Je te promets de te mener aujourd'hui même au lit nuptial.
- Dis-moi, où est ta demeure, en comment est ton lit de noces?
- Loin, bien loin d'ici; étroit, humide et silencieux: six planches et deux planchettes.
- Y a-t-il de la place pour toi et pour moi?
- Pour toi et pour moi. Viens, chausse-toi et monte en croupe: la chambre nuptiale est ouverte, les conviés nous attendent.
La jeune fille se chausse et saute avec agilité sur le cheval: elle enlace ses blanches mains autour de celui qu'elle aime, et ils s'élancent avec le bruit et la rapidité de la tempête. Le cheval et le cavalier respiraient à peine, les pierres étincelaient sous leurs pas.
[...]
Oh! comme s'envolait au loin tout ce que la lune éclairait autour d'eux! Comme le ciel et les astres glissaient au-dessus de leurs têtes. - A-t-elle peur, mon amie?... La lune est brillante. Hurrah! Les morts vont vite! A-t-elle peur des morts?
- Oh! mon Dieu! laisse donc les morts en repos!
- Mon cheval noir! Il me semble entendre déjà le chant du coq. Bientôt le sablier sera écoulé! Mon noir! Mon noir! Je sens l'air du matin. Dépêche-toi, hâte-toi!...Finie, finie est notre course! Le lit nuptial s'ouvre pour nous: les morts vont vite: nous voici arrivés!
[...]
Mais voyez, voyez! Au même instant, Dieu! quel affreux miracle! Le manteau du cavalier tombé en poussière, sa tête est changée en une tête de mort décharnée, son corps est un squelette armé d'une faux et d'un sablier!
Le cheval noir se cabre furieux; il hennit, vomit des flammes, et s'abîme dans de sombres profondeurs. Des hurlements descendent des sphères célestes, des gémissements sortent du fond des tombes. Le coeur de Lénore palpitait avec angoisse entre la vie et la mort.
Alors, à la lueur de l'astre nocturne, et se tenant par la main, dansèrent en rond, autour d'elle, de pâles fantômes, et ils entonnèrent l'hymne suivante: «Patience! Patience! si la douleur brise ton coeur, ne blasphème jamais le Dieu du ciel! Ton corps est délivré; Dieu ait pitié de ton âme!»
Gottfried Auguste Bürger, Lénore et autres ballades,
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Lassés de leurs longues querelles, le roi et l'impératrice revinrent de leurs prétentions et conclurent enfin la paix. Couronnée de verts feuillages, chaque armée retourna, en chantant, dans ses foyers, aux sons joyeux des fanfares et des cymbales.
De tous côtés, sur les chemins et sur les ponts, jeunes et vieux, se portaient en foule à leur rencontre. Dieu soit loué! s'écriaient plus d'une épouse. Sois le bienvenu! disaient plus d'une fiancée. Lénore seule attendait le baiser du retour.
Elle parcourt les rangs: elle les monte; elle les redescend, elle interroge, hélas, en vain. Dans cette foule innombrable, personne ne peut lui donner de réponse certaine. Déjà tous sont éloignés. Alors elle arrache ses beaux cheveux, et se roule à terre dans le délire du désespoir.
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Avec Wilhelm est la félicité, sans Wilhelm est l'enfer. Éteins-toi pour toujours, flambeau de ma vie! que je meure dans l'horreur et dans les ténèbres! Dieu est sans pitié! Malédiction sur moi, malheureuse que je suis!
Ainsi la douleur ravage son coeur et son âme, et lui fait insulter à la divine Providence. Elle se meurtrit le sein et se tord le bras. Cependant les astres de la nuit s'élevaient sur la voûte du ciel.
Mais écoutez! Voilà qu'au dehors retentit comme le galop d'un cheval. Il semble qu'un cavalier en descend avec bruit au bas de l'escalier. Écoutez! la sonnette a tinté doucement, et voilà qu'à travers la porte, une voix fait entendre les paroles suivantes:
- Ouvre, mon enfant. Dors-tu, mon amie, ou es-tu éveillée? Penses-tu encore à moi? Es-tu dans la joie ou dans les larmes?
- Ah! Wilhelm! est-ce toi? Si tard dans la nuit! Je veillais et je pleurais! Ah! j'ai bien souffert. D'où viens-tu donc sur ton cheval à cette heure?
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- Regarde! La lune est claire et brillante. Nous et les morts nous allons vite. Je te promets de te mener aujourd'hui même au lit nuptial.
- Dis-moi, où est ta demeure, en comment est ton lit de noces?
- Loin, bien loin d'ici; étroit, humide et silencieux: six planches et deux planchettes.
- Y a-t-il de la place pour toi et pour moi?
- Pour toi et pour moi. Viens, chausse-toi et monte en croupe: la chambre nuptiale est ouverte, les conviés nous attendent.
La jeune fille se chausse et saute avec agilité sur le cheval: elle enlace ses blanches mains autour de celui qu'elle aime, et ils s'élancent avec le bruit et la rapidité de la tempête. Le cheval et le cavalier respiraient à peine, les pierres étincelaient sous leurs pas.
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Oh! comme s'envolait au loin tout ce que la lune éclairait autour d'eux! Comme le ciel et les astres glissaient au-dessus de leurs têtes. - A-t-elle peur, mon amie?... La lune est brillante. Hurrah! Les morts vont vite! A-t-elle peur des morts?
- Oh! mon Dieu! laisse donc les morts en repos!
- Mon cheval noir! Il me semble entendre déjà le chant du coq. Bientôt le sablier sera écoulé! Mon noir! Mon noir! Je sens l'air du matin. Dépêche-toi, hâte-toi!...Finie, finie est notre course! Le lit nuptial s'ouvre pour nous: les morts vont vite: nous voici arrivés!
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Mais voyez, voyez! Au même instant, Dieu! quel affreux miracle! Le manteau du cavalier tombé en poussière, sa tête est changée en une tête de mort décharnée, son corps est un squelette armé d'une faux et d'un sablier!
Le cheval noir se cabre furieux; il hennit, vomit des flammes, et s'abîme dans de sombres profondeurs. Des hurlements descendent des sphères célestes, des gémissements sortent du fond des tombes. Le coeur de Lénore palpitait avec angoisse entre la vie et la mort.
Alors, à la lueur de l'astre nocturne, et se tenant par la main, dansèrent en rond, autour d'elle, de pâles fantômes, et ils entonnèrent l'hymne suivante: «Patience! Patience! si la douleur brise ton coeur, ne blasphème jamais le Dieu du ciel! Ton corps est délivré; Dieu ait pitié de ton âme!»
Gottfried Auguste Bürger, Lénore et autres ballades,
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