Le thème de la jeune fille et de la mort, très présent dans la mythologie, la littérature ancienne, médiévale et moderne, trouve son écho dans la poésie du grand poète allemand Heinrich Heine (Dusseldorf, 1797 - Paris, 1856). À première vue, le récit anodin du retour d'un ancien amant à qui sa blonde, charmée, est heureuse d'accorder une danse. Or, le son de la voix sort d'un squelette, le bal a lieu au cimetière et le compagnon dodeline «crânement». Le dernier vers fait disparaître les personnages dans un décor d'insaisissable mystère.
La belle dort en son réduit,
La lune en tremblant la regarde;
Au-dehors des sons, une voix
Qui chante comme un air de valse.
«Voyons à travers le carreau,
Qui vient là troubler mon repos,»
Nul autre n'est là qu'un squelette
Qui chante en poussant son archet:
«Tu m'as un jour promis un tour,
Mais tu as rompu ta promesse;
Ce soir, c'est bal au cimetière:
Viens enfin m'y donner ma danse.»
D'un charme puissant la donzelle
Est attirée hors de chez elle;
Au spectre elle emboîte le pas;
Chantant, jouant, il va devant.
Poussant l'archet, saute et frétille,
Et fait craquer ses ossements,
Et dodeline crânement,
Étrange, inquiétant sous la lune.
Tableaux de voyage, Retour 27 (1826)
H. Heine, Livre des chants, traduction Nicole Taubes, Paris, Cerf. 1999.
Iconographie: Marianne Stokes, «La jeune fille et la mort», 1900.