Dans Céline ou l'art de la contradiction. Lecture de Voyage au bout de la nuit, CNRS Éditions, 2011, p. 123-124, Marie-Christine Bellosta explique comment Céline, dans sa définition de la névrose de guerre, a recours à la description fournie dans Au-delà du principe du plaisir de Freud et dans Zur Psychoanalyse des Kriegsneurosen, ouvrage collectif de Ferenczi, Abraham, Simmel et Jones, préfacé par Freud.
Freud considérait que « l'explosion » des névroses de guerre ( comme, plus généralement, des névroses traumatiques) était facilitée par un conflit du moi installé préalablement au traumatisme :
« Les névroses de guerres [...] sont à concevoir comme des névroses traumatiques qui ont été rendues possibles ou ont été favorisées par un conflit du moi. [...] [Celui-ci] se joue entre l'ancien moi pacifique et le nouveau moi guerrier du soldat, et devient aigu dès que le moi de paix découvre à quel point il court le risque que la vie lui soit retirée à cause des entreprises aventureuses de son double parasite nouvellement formé. On peut tout aussi bien dire que l'ancien moi se protège par la fuite dans la névrose traumatique du danger menaçant sa vie, ou qu'il se défend du nouveau moi reconnu comme mettant sa vie en péril »
(Sigmund Freud, « Einleitung », in Zur Psychoanalyse der Kriegsneurosen, ouvrage collectif de Ferenczi, Abraham, Simmel et Jones, Leipzig und Wien, Internatialer Psychoalalytischer Verlag, 1919. Repris sous le titre « Introduction à La Psychoanalyse des névroses de guerre », dans Freud, Résultats, idées, problèmes, I, Paris, PUF, 1984, p. 245).
[Freud] concluait : « dans les névroses de guerre, ce qui fait peur, c'est bel et bien un ennemi intérieur (Ibid., p. 247). Pour Ernest Jones, le conflit entre « l'ancien moi du temps de paix » et le « nouveau moi du temps de guerre » concerne particulièrement les tendances à la cruauté : « [Le combattant] doit mettre en place de nouvelles lignes de conduite, élaborer de nouvelles attitudes psychiques, et s'habituer à l'idée que des pulsions qu'il avait autrefois condamnées avec toute la sévérité de son moi idéal sont dans certaines conditions autorisées et même dignes d'éloges »
( Ernest Jones, « Die Kriegsneuroses und die Freudische Theorie », in Zur Psychoanalyse der Kriegsneurosen, p. 70, traduction de M.-C. Bellosta).
Dans Voyage au bout de la nuit, « le conflit est ensuite clairement énoncé au chapitre II, où Bardamu est divisé entre un ancien moi du temps de paix qui jouait jadis avec les petits Allemands (p. 11) et croyait qu'il est « défendu » de tuer, et un nouveau moi du temps de guerre qui est «encouragé » à tuer; et le résumé que le narrateur en fait constitue une traduction libre des lignes de Jones qui viennent d'être citées : « Donc pas d'erreur? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, [...] n'était pas défendu! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux [...] » (p. 14 ).
« Les névroses de guerres [...] sont à concevoir comme des névroses traumatiques qui ont été rendues possibles ou ont été favorisées par un conflit du moi. [...] [Celui-ci] se joue entre l'ancien moi pacifique et le nouveau moi guerrier du soldat, et devient aigu dès que le moi de paix découvre à quel point il court le risque que la vie lui soit retirée à cause des entreprises aventureuses de son double parasite nouvellement formé. On peut tout aussi bien dire que l'ancien moi se protège par la fuite dans la névrose traumatique du danger menaçant sa vie, ou qu'il se défend du nouveau moi reconnu comme mettant sa vie en péril »
(Sigmund Freud, « Einleitung », in Zur Psychoanalyse der Kriegsneurosen, ouvrage collectif de Ferenczi, Abraham, Simmel et Jones, Leipzig und Wien, Internatialer Psychoalalytischer Verlag, 1919. Repris sous le titre « Introduction à La Psychoanalyse des névroses de guerre », dans Freud, Résultats, idées, problèmes, I, Paris, PUF, 1984, p. 245).
[Freud] concluait : « dans les névroses de guerre, ce qui fait peur, c'est bel et bien un ennemi intérieur (Ibid., p. 247). Pour Ernest Jones, le conflit entre « l'ancien moi du temps de paix » et le « nouveau moi du temps de guerre » concerne particulièrement les tendances à la cruauté : « [Le combattant] doit mettre en place de nouvelles lignes de conduite, élaborer de nouvelles attitudes psychiques, et s'habituer à l'idée que des pulsions qu'il avait autrefois condamnées avec toute la sévérité de son moi idéal sont dans certaines conditions autorisées et même dignes d'éloges »
( Ernest Jones, « Die Kriegsneuroses und die Freudische Theorie », in Zur Psychoanalyse der Kriegsneurosen, p. 70, traduction de M.-C. Bellosta).
Dans Voyage au bout de la nuit, « le conflit est ensuite clairement énoncé au chapitre II, où Bardamu est divisé entre un ancien moi du temps de paix qui jouait jadis avec les petits Allemands (p. 11) et croyait qu'il est « défendu » de tuer, et un nouveau moi du temps de guerre qui est «encouragé » à tuer; et le résumé que le narrateur en fait constitue une traduction libre des lignes de Jones qui viennent d'être citées : « Donc pas d'erreur? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, [...] n'était pas défendu! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux [...] » (p. 14 ).