Le texte ci-dessous est recueilli du long poème de Charles-Pierre Péguy, Le Mystère des saints Innocents, 1912, Paris, Gallimard, 1929. On pourrait donner comme titre de cet extrait: Office des morts pour l’enterrement d’un enfant. Le poète y fait le récit détaillé de la célébration des funérailles d'un enfant en milieu rural. Il inscrit tout le rituel dans la thématique du retour à la maison* du Père annoncée par la parole évangélique : laissez les petits venir à moi.
Ô hommes et femmes assis à cette table, soudain courbant le front, l’oeil fixe, et les doigts immobiles et arrêtés et légèrement tremblants sur le morceau de pain,
Les doigts agités d’un léger tremblement, la respiration arrêtée,
Vous écoutez passer
Votre ancienne âme.
Or cela, ce que mon fils a dit une fois, sinite parvulos venire ad me – laissez les petits venir à moi – je le redis, on me le fait redire toutes les fois (quel engagement !)
Et mon fils l’avait dit de quelques enfants qui jouaient et qui, aussitôt bénis, le quittèrent pour retourner jouer.
Mais moi je le dis, on me le fait dire à chaque enfant qui ne retournera plus jouer,
Sinon dans mon paradis.
Or cela (quel engagement !) je le redis à cet office des morts, à qui tout vient aboutir,
Auquel tout s’achemine. Office des morts pour l’enterrement d’un enfant. Le célébrant se revêt d’un surplis et d’une étole blanche.
Et comme le jour du baptême il est allé chercher l’enfant jusqu’au seuil de l’église,
Qui est le seuil de ma maison.
Et aussi le seuil de la maison de son Père,
Ainsi le jour de cet enterrement il va chercher l’enfant dans la paroisse jusqu’à la maison de son père.
Jusqu’au seuil de la maison de son père.
Et la croix même marche portée au devant de cet enfant qui est mort dans la paroisse.
Et quand le cortège revient vers l’église
La croix marche portée devant.
La croix et le prêtre, et le répondant et les enfants de choeur marchent en avant
Et par la grande rue du village, tout le village,
Toute la paroisse suit derrière,
Les hommes et les femmes et les enfants.
Et les femmes pleurent. Et tout est blanc.
Et le célébrant chante
Le vieux psaume du roi David,
Beati immaculati in via,
Heureux les sans tache dans la voie.
C. PÉGUY, Le Mystère des Saints Innocents.
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Les doigts agités d’un léger tremblement, la respiration arrêtée,
Vous écoutez passer
Votre ancienne âme.
Or cela, ce que mon fils a dit une fois, sinite parvulos venire ad me – laissez les petits venir à moi – je le redis, on me le fait redire toutes les fois (quel engagement !)
Et mon fils l’avait dit de quelques enfants qui jouaient et qui, aussitôt bénis, le quittèrent pour retourner jouer.
Mais moi je le dis, on me le fait dire à chaque enfant qui ne retournera plus jouer,
Sinon dans mon paradis.
Or cela (quel engagement !) je le redis à cet office des morts, à qui tout vient aboutir,
Auquel tout s’achemine. Office des morts pour l’enterrement d’un enfant. Le célébrant se revêt d’un surplis et d’une étole blanche.
Et comme le jour du baptême il est allé chercher l’enfant jusqu’au seuil de l’église,
Qui est le seuil de ma maison.
Et aussi le seuil de la maison de son Père,
Ainsi le jour de cet enterrement il va chercher l’enfant dans la paroisse jusqu’à la maison de son père.
Jusqu’au seuil de la maison de son père.
Et la croix même marche portée au devant de cet enfant qui est mort dans la paroisse.
Et quand le cortège revient vers l’église
La croix marche portée devant.
La croix et le prêtre, et le répondant et les enfants de choeur marchent en avant
Et par la grande rue du village, tout le village,
Toute la paroisse suit derrière,
Les hommes et les femmes et les enfants.
Et les femmes pleurent. Et tout est blanc.
Et le célébrant chante
Le vieux psaume du roi David,
Beati immaculati in via,
Heureux les sans tache dans la voie.
C. PÉGUY, Le Mystère des Saints Innocents.
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