Ce qui est souhaité dans une mort qui devrait «redevenir» bonne est une idéalisation de la bonne mort «d'autrefois». Ladite «bonne mort» des discours contemporains tiendrait du comportement acceptable. Une mort sereine en faisant l'économie d'une agonie inutilement prolongée. «Il faudrait mourir comme dans une image, et comme des images». La «bonne mort» serait alors: en finir avec la mort avant que la mort arrive.
La mort n'est jamais «bonne». C'est toujours un événement traumatisant, un désordre, une rupture, un déchirement. En outre, la notion de «bonne mort» telle qu'on l'emploie aujourd'hui peut être très normative. Ce serait un devoir de bien mourir qui s'imposerait. Et finalement, on peut se poser la question: aurait-on le «droit» de «mal» mourir? Faut-il absolument que cela se passe «bien»? Et en quel sens? L'idée de«bonne mort» va bien dans le sens d'une société qui valorise la «forme». Jusqu'au bout, il faudrait être charmant, esthétique, et sur ses oreillers pouvoir se dire que l'on a accompli sa prestation sans faille. Et tout cela ne concernerait que le mourant, ou l'image que l'on s'en fait. Or la question de la mort est celle aussi d'un entourage. Dans la perspective de l'accompagnement*, il s'agit de cheminer à côté de quelqu'un avec qui on ne peut pas aller jusqu'au bout. Accompagner, c'est accepter d'être limité. Sans toute-puissance. Alors que l'aide voudrait supposer cette toute-puissance, et la capacité d'aller jusqu'au bout. Mais voilà peut-être l'essence de la mort: elle nous prive toujours de ce «bout», de cette fin à laquelle on voudrait la confiner pour se donner l'illusion de la contrôler. La mort arrive. Et c'est aussi cela qu'il s'agit de vivre. La question de la mort est autrement plus désorganisatrice que le simple souci de bien finir sa prestation, d'achever conformément sa trajectoire. Et c'est en ce sens-là qu'il faut considérer la mort dans la vie. Elle n'est pas seulement l'aboutissement de mes années et de mes jours. Elle est cet événement qui désorganise radicalement la conception organisatrice de l'existence.
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Mais ce qui est remarquable, c'est qu'à force de vouloir produire la mort, une mort qui ne ferait pas et qui ne serait pas violence, on lui substitue quelque chose d'autrement plus violent, La question de fond est celle-là: la capacité de composer avec la violence de la mort. Il ne s'agit pas d'accepter la mort, mais de pouvoir élaborer un rapport avec l'idée de la mort, d'effectuer un travail culturel, c'est-à-dire une construction des échanges sociaux qui trouvent un sens dans ce rapport à la mort.
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La mort a cette importance-là de provoquer l'expérience collective, de provoquer la culture*.Parce qu'elle est inéluctable , nous sommes forcés d'élaborer un monde, d'élaborer du sens, de négocier avec cet inconnu, et dans cette négociation de construire des rapports sociaux. La mort provoque l'élaboration culturelle parce qu'elle est limite, c'est-à-dire détermination du rapport au monde.
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Mais ce qui est remarquable, c'est qu'à force de vouloir produire la mort, une mort qui ne ferait pas et qui ne serait pas violence, on lui substitue quelque chose d'autrement plus violent, La question de fond est celle-là: la capacité de composer avec la violence de la mort. Il ne s'agit pas d'accepter la mort, mais de pouvoir élaborer un rapport avec l'idée de la mort, d'effectuer un travail culturel, c'est-à-dire une construction des échanges sociaux qui trouvent un sens dans ce rapport à la mort.
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La mort a cette importance-là de provoquer l'expérience collective, de provoquer la culture*.Parce qu'elle est inéluctable , nous sommes forcés d'élaborer un monde, d'élaborer du sens, de négocier avec cet inconnu, et dans cette négociation de construire des rapports sociaux. La mort provoque l'élaboration culturelle parce qu'elle est limite, c'est-à-dire détermination du rapport au monde.