Médecine et société - un pot-pourri

Pierre Biron

Correctement on écrit pot-pourri, pour mélange hétéroclite, bon descriptif du présent essai. Sans trait d’union, le terme s’applique aux pots pourris, dont nous soulignerons quelques uns tirés de notre société et notre médecine.

Pistes de réflexion sur l’ « orphelinat »
Quand la sécurité sociale rembourse des nouveautés thérapeutiques astucieusement qualifiées d’orphelines, à des prix astronomiques malgré d’autres avantages de la part des Agences, pour des maladies rares – elles aussi ennoblies par le même qualificatif, on se trouve à taxer les classes moyennes dont les membres à 99,9% souffrent de maladies non orphelines et du plafonnement des dépenses publiques. Sans compter que les malades dits orphelins n’ont pas toujours accès aux ressources non monétaires nécessaires à la bonne conduite du traitement même si le prix d’achat est remboursé par sociofinancement, voire en partie par le fabricant cynisme oblige.

La même réflexion s’impose quand on rembourse des produits préventifs destinés aux bien-portants, la plupart du temps pharmaceutiques et de faible efficience, aux dépens de l’accès à une médecine palliative et curative destinée aux malades.

Plus généralement pharma commence à faire homologuer dans une indication et par la suite fait approuver pour toutes autres sortes de situations cliniques.

L’histoire de la pratique médicale et de la science appliquée
L’histoire de la profession n’est plus enseignée. Et pour cause. Faite d’avancées et de reculs, de nouvelles modes suivies d’abandons. On craint de découvrir la prétention derrière l’idée que le progrès est enfanté uniquement par les médecins alors que depuis le mi-vingtième siècle il découle majoritairement de non médecins ayant contribué au progrès technologiques grâce aux sciences appliquées, comme le génie biomédical qui a produit la chirurgie non-effractive et la prometteuse génomique de nos biologistes moléculaires.

Et on ne finit pas d’honorer et récompenser les médecins qui utilisent ces nouveaux outils : erreur sur la personne ? Au Québec l’Assurance santé a cessé de révéler annuellement les revenus moyens dans chaque spécialité médicale en régime public, notamment les plus technologiques qui sont le mieux rémunérées.

La science appliquée attend presque toujours après la science fondamentale, le plus notoire exemple est l’Alzheimer. Sans cause exacte connue, impossible d’orienter vers les bonnes pistes la recherche médicamenteuse.

Plus troublant encore quand la pratique psychiatrique délaisse la psycho- et sociothérapie pour faire la place à la biopsychiatrie fondée sur la fausse hypothèse que le cerveau avec ses transmetteurs et ses connexions, est l’équivalent de la pensée, de l’esprit et des sentiments (brain vs. mind / thought / spirit / mood).

De la sobriété
La santé publique s’intéresse trop souvent à la sobriété alcoolique alors qu’elle délaisse la sobriété médicamenteuse dont le besoin est si criant en gériatrie. On sait pourtant que les alcooliques ‘aggravés’ cessent de boire le jour où ils décident d’eux-mêmes ou quand une catastrophe brise leur vie et non par des recommandations ‘médiatraînées’ jusqu’en cabinet, ni par des médicaments surévalués.

Sur le pardon
Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font… [en prescrivant]. Source : Bible, Évangile selon St-Luc, 23:33-34. Par métaphore cette phrase pourrait s’appliquer à de trop nombreux prescripteurs sauf peut-être en anesthésie, rare spécialité dont les praticiens connaissent parfaitement et immédiatement les effets désirables et indésirables des agents qu’ils utilisent et les dosages appropriés. En oncologie les prescripteurs savent ce qu’ils font, sauf que souvent ils en font trop avec des médicaments très chers qui souvent n’ajoutent en médiane qu’à peine deux mois de plus.

« Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien »[1] - Cette phrase de François-Marie Arouet dit Voltaire pourait être actualisée: Les médecins prescrivent des médicaments dont ils savent peu (parce que la formation est déficiente et la promotion tentaculaire), à des malades dont ils savent moins (de leur contextes médico-pharmaceutique et socio-économique), pour guérir des maladies dont ils ne savent pas tout (surtout si inventées ou incurables) »

Un nouveau-venu dans l’algorithme des intérêts conflictuels
Le cabinet conseil. Par exemple McKinsey a conseillé Macron (FR), Pfizer (heureux gagnant de profits mirobolants par ses vaccins covidiens), Trudeau(CA), Legault (QC), la communauté européenne, Purdue (É-U – d’infâme notoriété pour leur rôle dans le quart de million de décès par surdose d’Oxycontin); il a aussi conseillé la FDA lors de la mise au point de médicaments et de la fusion-acquisition de firmes pharmaceutiques, et a en plus conseillé la vente de doses fortes d’Oxycontin (inductrices de dépendance), déconseillé à la FDA de s’y opposer, et enfin payé 574 000 000 $US pour régler des poursuites liées à la crise des opioïdes et éviter un procès appréhendé dévastateur.

Religion, armée et médecine ont-ils des points communs ?
On entre en médecine comme en religion, me confiait récemment la fille d’un ami, certains étudiants s’en rendent compte avant la fin de leurs études universitaires, d’autres au cours de leur formation clinique.

Un célèbre mais infâme psychiatre américain, traduit en justice pour corruption avec l’industrie et entraînant de graves torts à la patientèle par surprescription, répondait ainsi à la question d’un juge :

- Quel pouvoir a un chef de service universitaire comme vous ?
- Je suis Maître après Dieu !, rien de moins. Comme un amiral sur son porte-avion.

Bien que trouvé coupable, on le retrouvera chef de service quelques années plus tard dans un autre état. La racaille, comme le veut un dicton, parvient souvent au sommet…

Le Vatican avec ses cardinaux a sa contrepartie dans la médecine universitaire : les ‘pontes’ hospitalo-universitaires détiennent le pouvoir sur les collègues, sur les résidents, sur les omnipraticiens. On les retrouve dans les Ordres, les associations professionnelles, les comités déontologiques, les médias de toutes tailles.

Évidemment dans l’armée la situation est encore pire puisque le quartier général décide des méthodes d’entrainement, des tactiques guerrières, du lieu de résidence même des réservistes, de leurs soins médicaux (vaccins obligatoires, drogues énergisantes ou antidépressives) et impose le secret, question de sécurité nationale.

On a bien vu les Santés publiques imposer leur autorité aux médecins durant les pics de la pandémie covidienne. Et des gouvernants imposer le couvre-feu comme s’ils étaient des généraux.

Est-ce que l’uniforme nuit à la pensée ? La soutane violette, le blazer garni d’épaulettes et médailles, le sarrau, affecteraient-ils nos neurones ?


[1] François-Marie Arouet dit Voltaire

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