Généalogie, un monde à découvrir

Pierre Biron

Des visages à découvert

Durant une décennie ce sujet m’intéressa vivement. J’ai dû apprendre le métier par les bénévoles de la Société canadienne française de généalogie (Scfg), parfois avoir recours à un paléographe pour déchiffrer la calligaphie ancienne, même visiter certains cimetières ou rencontrer d’autres amateurs dont les lignées chevauchaient les miennes.

On peut toujours choisir jusqu’où on veut aller. D’aucuns ne remontent que de fils en père (généalogie patriarcale) et se satisfont d’avoir trouvé l’immigrant masculin qui leur a légué un nom de famille.

On peut aussi découvrir son ascendance ‘complète’ - hommes ET femmes dont on descend directement par le sang – et se rendre aux immigrants arrivés par la mer. C’est le sens habituel de l’expression dresser son arbre généalogigue. Des pros le font pour vous et l’encadrent sur demande.

Enfin, d’autres poursuivrent la démarche en incluant les ancêtres des pays d’origine (France, Irlande, Angleterre, etc.). Seuls ceux des Acadiens y sont généralement introuvables, les documents ayant été perdus, abimés ou détruits, déportation oblige.

Des passionnés vont jusqu’à prendre des ‘vacances généalogiques’ en visitant des villages d’où sont partis nos ancêtres, voire en y rencontrant ‘nos cousins de France’. En France les associations sans but lucratif abondent tandis qu’aux É.-U. les entreprises à profit dominent la scène.

La notion de couple-souche sert à quantifier les liens de parenté. Pensez à des marches d’escalier : chaque pas vers le haut ou le bas vaut 1 lien. Vous montez 1 marche, vous arrivez à vos parents, votre couple-souche : 1 lien. Vous descendez une marche et c’est votre fratrie (frères et sœurs) : un 2elien.

Vous montez deux marches (2 liens) et descendez 1 marche pour retrouver vos oncles et tantes (la fratrie de vos parents). Vous êtes liés du 2 au 1 (total 3 liens) avec ces oncles et tantes ; leurs enfants sont vos cousins germains, vous êtes liés « du 2 au 2 » car vous partagez le même couple souche, vos grands-parents (total 4 liens).

Enfin il y a ceux qui font leur généalogie descendante depuis en général la 3egénération (arrière-grands parents) jusqu’à la descendance (morte ou vivante) de quelques générations plus jeunes pour retracer tous les cousins, neveux et nièces, petits et petits-petits cousins et neveux, voire les rencontrer en personne si vous les aviez perdus de vue.

Aujourd’hui on peut presque tout faire par internet. La génétique médico-légale s’est pointée le nez et l’analyse génétique sert aux recherches familiales à portée démographique.

Chez les professionnels on découvre des hiérarchies.  « Si tu invites un tel au congrès je n’irai pas… si ma photo ne paraît pas sur ton livre, je n’écrirai pas la préface…  l’archiviste refuse de me prêter ce document précieux, n’étant pas connu ici… cet amateur n’est pas à citer au sujet d’une controverse même s’il a raison… cet éditeur a rejeté mon manuscrit du revers de la main, je ne faisais pas partie de sa clique… »

Je confirme, c’est vrai qu’il y en a quelques uns qui sont vaniteux, cela les anime et n’enlève rien à leur compétence. Comme ce n’est pas très payant, sauf quelques voyages sur invitation, on peut bien leur pardonner. (Je n’ai connu qu’un expert qui ait fait des gros sous en vendant un fonds généalogique national à une entreprise étrangère.)

La majorité sont intègres, passionnés et jamais satisfaits car en progressant dans une ascendance on finit parfois par « bloquer », c.a.d qu’on doit s’arrêter là. Les preuves ressortiront un jour ou l’autre ou jamais, faute de vieux documents introuvables ou abimés ou falsifiés. La confiance dans un lien causal entre deux ancêtres peut varier d’impossible à quasi certaine. La généalogie chevauche considérablement avec l’Histoire à cet égard.

Les amateurs sont des passionnés. Ils étudient d’abord leur propre famille, puis celle d’amis, de parents plus éloignés. Au Québec ce loisir n’a plus la cote. Les jeunes vivent au présent. Leurs familles virtuelles sont larges et changeantes.

Pour rappel, un nom de famille est un legs reçu (du passé) et transmissible (vers l’avenir). Ce legs se fait traditionnellement de père en fils en généalogie dite patriarcale, mais peut se faire aussi de mère à fille, où le lien est plus certain. Noter que dans certaines premières nations, la généalogie est en effet matriarcale.

La rumeur prétend qu’une proportion de nos jeunes ne peuvent écrire correctement les noms et prénoms de leurs 4 grands parents naturels ou de toute leur famille recomposée.

 

Il y a aussi des revendicateurs. Nouveaux détenteurs de leur arbre généalogique, ils se glorifient si leur ascendance contient un personnage célèbre même quand ils n’en sont que des cousins très éloignés. Du pur snobisme.

À la première génération il n’y a que deux personnes, à la seconde il y en 4, à la troisième 8… La qualité d’une personnalité n’est guère influencée par le minime 1/1024e de bagage génétique qui reste depuis la 10e génération ! Noter qu’il s’écoule 33 ans en moyenne entre générations (3 par siècle).

Une des premières choses que l’on apprend en recueillant les noms et prénoms, c’est d’inclure après vérification et contre-vérification l’année de naissance et de décès. Au moment de dresser son arbre, on commence par les vivants, dont soi-même. Et on écrira par exemple, Jean Tremblay (1950- ? ). Le point d’interrogation nous fait comprendre si on ne l’avait pas sérieusement fait auparavant que « Tout est vanité… »

Les ‘de souche’ sont chanceux. Nos bases de données de l’Amérique française depuis l’immigration européenne sont parmi les plus complètes en Occident, car nous descendons de seulement quelques milliers de familles d’immigrants et que l’église (et les notaires) se firent un devoir de colliger baptêmes, mariages et sépultures au moins jusqu’à la Révolution tranquille quand l’état civil a commencé à prendre le relais.

La Bibliothèque nationale et Archives du Québec (BnAQ) offre gratuitement ses services par internet; les Montréalais peuvent aussi utiliser la Grande bibliothèque rue Berri et les Archives nationales rue Viger.

Depuis que l’on accorde des compensations aux descendants des premières nations, ceux-ci s’appliquent à faire les recherches nécessaires pour les présenter aux autorités et faire valoir leurs droits.

Bref, la généalogie est un loisir d’appoint pour ceux qui aiment notre Histoire ou celle de leur famille, notamment pour les retraités qui ont enfin le temps de s’y consacrer. Le seul risque est d’en ressortir avec un peu plus de sagesse.

 

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