La chasse

Jean-Jules Jusserand
CHAPITRE V

LA CHASSE

I

Un seigneur qui n'avait, pour occuper son temps, ni guerre publique, ni guerre privée, ni croisade, ni tournoi, ni joute, pouvait encore se distraire en faisant la guerre aux animaux. La chasse lui offrait ces plaisirs dont il était si friand: le plein air, l'exercice violent, le maniement des armes. Nul pays n'a produit plus de chasseurs ni plus de traités de la chasse que le nôtre, et c'est encore une matière sur laquelle nos gens et nos livres faisaient autorité.

L'ancêtre gaulois élevait des chiens excellents, très recherchés dans le monde antique, et chassait un taureau sauvage, agressif et dangereux, appelé l'urus (auroch), décrit par Jules César. Il l'a si bien chassé qu'il n'en reste aucun en France et qu'on n'en retrouve plus sur notre sol qu'à l'état de squelette fossile, dans les gisements antédiluviens. L'ancêtre franc chassait avec une ardeur telle que, dans sa courte loi salique, plusieurs paragraphes traitent de ce passe-temps 1, et qu'Eginhard, célébrant les mérites sportifs de son maître Charlemagne (natation, équitation, etc.), écrit: «Il pratiquait assidûment l'équitation et la chasse: ce qui lui venait de sa race; car on ne saurait trouver dans le monde entier une nation qui égale en cela les Francs 2

Comme le tournoi et la joute, la chasse inspirait des passions, effaçant le sens du devoir: des moines, des abbés, des évêques s'y livraient en dépit des prohibitions réitérées de l'autorité religieuse 3; on les caricaturait, chansonnait, condamnait; l'abus persistait; de tous les démons tentateurs, le démon de la chasse était un des plus insidieux.

Comme le tournoi et la joute, la chasse était un plaisir qui venait s'ajouter au plus grand plaisir de l'époque, c'est-à-dire la vraie guerre. Jusqu'à la Renaissance et au-delà, guerre et chasse vont de pair. Le premier soin de Guillaume de Normandie, lorsqu'il eut conquis l'Angleterre, fut de promulguer des lois de chasse tellement rigoureuses, que ses nouveaux sujets en étaient stupéfaits. L'un d'eux, qui a tracé d'après nature le portrait du maître, note qu'il «aimait les grands cerfs comme s'il eût été leur père 4», ce qui veut dire qu'il se réservait à lui-même le plaisir de les tuer, — père à la façon de Saturne, qui dévorait ses enfants.

On chassait tout en faisant la guerre, on chassait tout en faisant la croisade, et les compagnons de Saint Louis prenaient d'autant plus de plaisir à ces ébats qu'il s'agissait de bêtes étranges ou dangereuses, gazelles ou lions: «Les chevaliers de notre bataille (corps de troupes), dit Joinville, chassaient une bête sauvage que l'on appelle gazelle, qui est aussi comme un chevreuil.» Ils chassaient le lion d'une manière qui leur semblait des plus amusantes et que leur avait enseignée messire Alenars de Senaingans, lequel arrivait de Norvège sur un bateau construit en ce pays et avait rejoint Saint Louis au camp devant Césarée. Cet homme semble avoir été la joie du camp, grâce à ses récits et ses inventions, ses descriptions des pays du Nord, où il n'y a pas de nuit pendant l'été, mais surtout ses courses contre les lions. «Il se prit, dit Joinville, lui et sa gent, à chasser au lion, et ils en prirent plusieurs moult périlleusement. Car ils allaient tirer au lion en férant (frappant leur cheval) des éperons tant comme ils pouvaient. Et quand ils avaient tiré, le lion mouvait à eux, et maintenant les eût atteints et dévorés si ne fût qu'ils laissaient choir quelque pièce de drap mauvais: et le lion s'arrêtait dessus et déchirait le drap et dévorait, que il cuidait tenir un homme. Tandis qu'il déchirait ce drap, les autres rallaient traire (tirer) à lui, et le lion laissait le drap et leur allait courre sus; et sitôt comme ceux-là laissaient choir une pièce de drap, le lion rentendait au drap. Et en ce faisant, ils occiaient le lion de leurs saiettes (flèches) 5

Les rois, partant en guerre, emmenaient à leur suite des troupes de soldats et des meutes de chiens. Édouard III était accompagné, quand il envahit la France, de «soixante couples de forts chiens et autant de lévriers», sans parler de «trente fauconniers à cheval chargés d'oiseaux»; et de valets portant des engins de pêche, «de quoi ils eurent grand aise tout le temps et tout le carême,» — les seigneurs du moins, ajoute Froissart; car, pour les gens du commun, carême ou non, ils mangeaient «ce qu'ils trouvaient»; leur salut avait moins d'importance 6.

Un siècle après, deux siècles après, mêmes mœurs. Louis XII, quand il allait à la guerre, ne se séparait pas, rapporte Fleurange, de ses «cinquante chiens courants». La meute d'Henri IV, une des plus belles qu'on eût vues, le suivait dans ses campagnes 7. Jusqu'à la fin de l'ancien régime, des règlements qu'on n'avait plus que rarement occasion d'appliquer, mais qui n'avaient pas été abrogés, témoignent de la persistance de l'usage, admis par le droit public européen, d'après lequel un roi faisait la guerre en chassant: «La fauconnerie du cabinet du Roi suit seule Sa Majesté dans ses voyages, même à l'armée, et le sieur Forget, qui la commande, prend tous les jours l'ordre du Roi en route ou à l'armée, et vole tous les jours à la portière du carrosse du Roi, le matin et le soir, suivant les ordres qu'il en reçoit de Sa Majesté. A l'armée, il vole à la tête de la colonne où le Roi marche. C'est pourquoi il a soin de fournir au ministre des affaires étrangères, avant le départ du Roi, l'état des fauconniers et officiers qui servent sous ses ordres, afin qu'il leur obtienne des passeports du général de l'armée ennemie, pour pouvoir librement exercer les oiseaux du Roi à une lieue des grand gardes de l'armée 8

En théorie, le plaisir de la chasse était réservé au Roi et aux nobles, possesseurs du sol. La pratique s'écartait fort de la théorie, non seulement à cause d'un braconnage étendu, incessant, très difficile à surveiller, impossible à détruire; mais parce que, en quantité d'endroits, les maîtres du sol et le Roi même accordaient des permissions de chasser, soit pour de l'argent, soit en reconnaissance d'un service. Les nombreuses ordonnances qui ont pour objet de réprimer la chasse illicite énumèrent, au moyen âge, toute sorte de gens, bourgeois et roturiers divers à qui elle était permise. En 1321, le Roi confirme des concessions de droit de chasse, accordées par les comtes d'Angers et du Mans, moyennant redevance, aux détenteurs de terres non nobles des environs d'Angers. En 1396, Charles VI rappelle que la chasse est interdite aux «non nobles, laboureurs et autres», à moins «qu'ils ne soient à ce privilégiés, (ou) qu'ils aient aveu de personnes nobles ou autres ayant garennes ou privilèges», ou enfin qu'ils soient «bourgeois vivant de leurs possessions et rentes 9». Jusqu'au dix-huitième siècle, il reste encore «des provinces en France où, de temps immémorial, la chasse est libre à toutes personnes 10».

Des occasions de chasse s'offraient encore à tous les habitants du territoire lorsque, sur la réclamation périodique des États, le Roi décidait de restreindre les garennes anciennes, et de supprimer les nouvelles dont la pullulante population mangeait en herbe le blé du royaume: ordonnances de 1355, de 1356, grande ordonnance cabochienne de 1413, etc.: «Nous donnons congé et licence que chacun y puisse chasser et prendre sans amende aucune.» La chasse au loup, au renard, au blaireau, à la loutre était, de plus, accessible à tous, en toute saison; c'était une chasse utile au bien du pays, recommandée aux bons citoyens, et rendue même parfois obligatoire 11.

Le respect de ces lois était assuré par des amendes ou autre «voie raisonnable» (1396). La facilité du délit, la grandeur de la tentation, la légèreté des peines, eurent pour effet de tellement augmenter le braconnage que la sévérité s'accrut 12. Elle fut terrible pendant une partie des seizième et dix-septième siècles. Sous François 1er les récidivistes sont, à leur troisième faute, «mis aux galères par force;» les incorrigibles sont «punis du dernier supplice 13». Sous Henri III, temps de désordres s'il en fut, un tableau remarquable est tracé de l'état du pays au point de vue de la chasse. Tout le monde chasse, personne n'est puni, nul ne se gêne: «Et osent... aucunes personnes non nobles et roturiers, tant d'église que praticiens, marchands, artisans, gens mécaniques, délaissant leur ordre et profession ordinaire, porter lesdites arquebuses, pistoles, pistolets et arbalètes,» chasser au chien, au furet, au filet, «aller jusques à battre et faire un triquetrac (vacarme) pour faire aller et passer le gibier à l'endroit où ils l'attendent avec lesdites arquebuses,» tuant les pigeons même, «de manière que d'heure à autre et de moment en moment, l'on n'entend que coups d'arquebuse 14;» ce à quoi on n'était pas alors accoutumé. Les anciennes prohibitions sont renouvelées, le châtiment sera la potence. La peine de mort pour délit de chasse, réédictée plusieurs fois sous le règne suivant 15, fut abolie par Louis XIV 16. Des lois sur les garennes, véritables fléaux des campagnes, continuèrent d'être promulguées de temps en temps. Un arrêt du conseil fut rendu, sous l'influence de Turgot, en janvier 1776, pour limiter du moins le mal: «Nous avons vu M. Turgot, écrit un contemporain, pendant le peu de temps qu'il administra les finances, entreprendre la réformation de cet abus. La révolution qui l'obligea d'abdiquer sa place, empêcha l'exécution de son projet. Espérons, pour le salut des campagnes, que quelque autre ministre aussi humain que celui-ci achèvera un jour ce qu'il avait commencé 17.» Cet achèvement fut assuré, non par un nouveau ministre, mais par une nouvelle révolution plus importante que la première, celle de 1789.
II

Plaisir universel et séculaire, la chasse est, de tous les ébats et déduits, celui qui s'honore de la plus vaste littérature. Son passé est immense, si ses perspectives d'avenir le sont moins: on ne cessera jamais de tuer, mais le jour viendra où l'on cessera de trouver de l'amusement à donner la mort. Un érudit a voulu dresser, pour les temps modernes seulement, le catalogue des livres de chasse; sa liste occupe sept cent cinquante colonnes in-octavo 18. Les grands plaisirs ont un caractère sérieux; la chasse était un de ces plaisirs et, dès l'origine, les livres qui lui sont consacrés eurent la gravité des traités de philosophie et de grammaire. Quant aux animaux qui assistaient le chasseur: chevaux, chiens, faucons en leurs innombrables variétés, oiseaux de haute ou basse volerie, nul détail n'était trop intime; et les maîtres de la doctrine de vénerie et fauconnerie s'occupent des excrétions et maladies de leurs animaux avec une minutie qui leur eût paru intolérable s'il s'était agi de créatures humaines.

Plusieurs de ces livres, rédigés dans notre pays en plein moyen âge, illustrés de miniatures excellentes, jouirent d'une réputation européenne qui dura très tard. A la Renaissance, ils furent au nombre des premiers textes imprimés, comme étant de ceux dont on avait le plus besoin. Les Écritures, les classiques anciens, les traités de chasse et les romans sont les quatre genres d'ouvrages qui reçurent d'abord cet honneur. Notre littérature comptait, dès le treizième siècle, un poème sur la Chasse au cerf; au quatorzième, parmi beaucoup d'autres, le grand traité de Gaston Phébus, comte de Foix, protecteur de Froissart; ou encore l'ample compilation, tirée de sources diverses, appelée: le Livre du Roi Modus et de la Reine Ratio, qui parle des déduits et de la pestilence, d'où nous avons déjà extrait quelques enseignements 19.

En un si important sujet, Dame Raison elle-même prenait la parole, répandant les lumières et établissant les vrais principes de la chasse à courre et de toutes autres chasses. La chasse à courre était la plus noble, la plus dispendieuse, la plus inaccessible au vulgaire; elle offrait quelques petits dangers, des occasions de chutes et de blessures: c'était, par suite, le meilleur «desport» de tous, et l'amusement favori des heureux de ce monde. Dame Raison leur prodigue les sages conseils. Dans son livre, les valets tiennent les chiens en laisse ou les lâchent selon le moment, d'après des règles déterminées; les chasseurs sonnent de la trompe et suivent la meute, au galop de leurs grands chevaux, sautant les fossés et les buissons. Le livre nous enseigne, et de charmants dessins nous montrent, «comment l'on prend le lièvre à force de chiens,» comment on prend le sanglier, le loup, le renard, également à force de chiens. Cette dernière chasse, devenue depuis le sport anglais par excellence, était un des amusements favoris de nos ancêtres. Le roi Modus et la reine Ratio en établissent avec soin les règles et principes, et consacrent un chapitre spécial à la manière de «prendre le goupil (renard) à force de chiens, sans fillé (filet)». Le renard est lancé, les chiens suivent la piste et les chasseurs galopent derrière, n'ayant rien autre chose à faire que de garder la trace et encourager leur meute par des sonneries de trompe appropriées.

D'autres chapitres sont consacrés à la chasse à tir, qui offre les mêmes différences qu'aujourd'hui avec la chasse à courre: seulement, les arcs tenaient lieu de fusils. Les animaux plus nombreux, plus à leur aise dans une France moins peuplée et moins cultivée, laissaient le chasseur approcher davantage, souvent même ne partaient pas du tout, et on les tirait au posé.

Un procédé, tombé en désuétude, mais en grande faveur dès le moyen âge, consistait dans l'usage des filets à larges mailles (ce qu'on a appelé depuis les toiles) tendus entre les touffes de buissons. Les cerfs et surtout les «bêtes noires» (sangliers) couraient aux ouvertures, s'embarrassaient dans les rets et y étaient tués à coups d'épieu. Une très belle tapisserie flamande conservée à Florence, et reproduite ci-après, montre les divers incidents qui pouvaient se produire: sanglier lancé; sanglier aux abois; sanglier embarrassé dans les mailles d'un filet et tué sur place d'un coup d'épieu; sanglier fonçant sur le filet et l'emportant avec lui, mais fort gêné pour courir avec ces entraves 20.

L'usage des «toiles», loin de diminuer, ne fit que grandir à la Renaissance et se prolongea bien au-delà. «Le Roi, dit Fleurange, à propos de Louis XII, a une vénerie qui s'appelle la vénerie des toiles, là où sont cent archers, sous le capitaine des toiles, à cent sols le mois, qui ne servent que de dresser les toiles, et portent de grands vouges (épieux) à pied; et sont tenus lesdits archers, quand le Roi va à la guerre en personne, aller avec lui 21

L'usage des chasses en battues, qui donnaient aux chasseurs moins de peine encore, garda une aussi durable faveur: car il fallait des sports de toute espèce, et il était bon, suivant les circonstances, de pouvoir varier ses plaisirs. Deux tableaux très pittoresques de Cranach, au musée de Madrid, montrent Charles-Quint chassant au cerf, en 1544, avec quantité de dames et de seigneurs; le gibier a été rabattu en troupeaux vers les buissons où est posté l'empereur; des serviteurs, les «chargeurs» d'alors, tendent l'arbalète pour leurs maîtres et surtout pour les dames, qui n'eussent pu plier aisément l'arc d'acier. Les chasseurs épaulent, visent et lancent leurs flèches sur les cerfs innombrables et peu distants, poussés vers eux par terre et par eau.

On construisait souvent pour les chasses royales, à ces époques tardives, d'élégants pavillons au milieu des bois. Les seigneurs et les dames y attendaient, tout en devisant, le passage des animaux et déchargeaient sur eux leurs arbalètes, plus tard leurs fusils. L'ancien déduit devenait ainsi presque un jeu de salon, commencement de ces boucheries dont la mode ne s'est pas perdue et qui ne sont pas un sport, mais un luxe. Ces chasses de tout repos se pratiquèrent beaucoup, en rubans et costumes de soie, au seizième siècle; la reine Élisabeth d'Angleterre s'y livrait avec ardeur, tirant sur les daims de ses parcs et faisant tirer les dames de sa suite. Shakespeare disposait, par les vallées de Navarre, un de ces pavillons de tir pour l'amusement de sa princesse française dans Peines d'amour perdues.

Le roi Modus et la reine Ratio continuent, en attendant, à instruire leurs contemporains; ils raisonnent, c'est leur métier; ils expliquent «la manière de faire et tailler les buissons pour les noires bêtes de déduit royal» (et le dessin montre un sanglier qui y est pris), la construction des engins et trappes pour prendre les écureuils, les «fesans» et autres habitants des champs et des bois. Ils donnent d'infinis détails sur les faucons, leurs maladies, leurs diverses espèces, et sur les sortes de chiens qu'il faut associer à ces chasses, suivant qu'il s'agit de hérons, de canards ou d'autres gibiers.

Gaston Phébus, comte de Foix, seigneur de Béarn, qui avait fait la guerre aux païens de Prusse et taillé en pièces les Jacques sous les murs de Meaux, superbe à voir et à entendre, protecteur des arts, amoureux de beauté, de musique, d'exploits réels ou imaginaires, écrit sur le même sujet, en prince élégant et vaillant, qui a réussi en toute chose. Il a, si l'on peut s'exprimer ainsi, un style d'homme heureux; sa parole est superbe, comme son regard est triomphant. Courtois, mais non pas bénin; pieux, mais d'une piété qui ne ressemblait pas à celle des dévotes; patient, quand il s'agissait d'écouter des poésies, — le Méliador de Froissart, par exemple, trente mille vers que le chroniqueur vint lui lire à Orthez 22, — mais non quand ses intérêts étaient en péril, il avait, dit le même Froissart, «les yeux vairs et amoureux;» il récitait «planté d'oraisons», et «les chiens sur toutes bêtes il aimait». Il en possédait six cents, qu'il soignait comme un sultan son harem et dont les voix harmonieuses berçaient son sommeil et empêchaient de dormir tout le reste de la ville. Mais il n'aimait guère son fils aîné, qu'il mit en une prison, où le jeune homme se «mérencolia» et voulut se laisser mourir de faim. Gaston Phébus abrégea son supplice en le tuant.

Ce magnifique et terrible seigneur a laissé un traité de la chasse 23: «En nom et honneur de Dieu, créateur de toutes choses,» dit-il au début, «et de tous les Saints et Saintes..., Je, Gaston, par la grâce de Dieu surnommé Phébus, comte de Foix, seigneur de Béarn, qui, tout mon temps, me suis délité par espécial en trois choses: l'une est, en armes; l'autre est, en amours; et l'autre, si est en chasse,» ne parlerai pas de toutes les trois, car il y a, en matière d'armes, «trop de meilleurs chevaliers» (c'était la formule, voir le roi René) et, en fait d'amours, trop d'amoureux plus favorisés, à qui il appartient de traiter ces grands sujets. Pour lui, il se contentera de parler de chasse: «Et parlerai premièrement des bêtes douces qui viandent (pâturent), pour ce qu'elles sont plus nobles. Et premièrement, du cerf et de toute sa nature.»

Il examine ainsi quantité de bêtes: l'ours et toute sa nature, le chat et toute sa nature, la loutre et toute sa nature. Une feuille de dessins, représentant l'animal dans des poses variées, conformes à «sa nature» et prises sur le vif, accompagne chaque chapitre.

Sur les chiens, il est naturellement intarissable; il songe à leurs plaisirs, à leurs besoins, à leur toilette; il y a des méthodes meilleures que d'autres «pour mener les chiens ébattre»: le dessin montre la meute prenant ses ébats et s'en donnant à cœur joie parce qu'on a suivi les bonnes règles. Il faut mettre dans le chenil «petits bâtons fichés, jusques à six, entortillés de paille, hors de leur litière, afin que les chiens viennent là...» Gaston Phébus indique fort clairement ce qu'ils y viennent faire. Il faut soigner leur toilette, et le dessin représente les peignes qu'on y emploie: ce sont ces peignes de buis à fortes dents, qui, d'après maints catalogues de musées, auraient servi aux dames du temps passé, mais qui servaient seulement à leurs chiens. Il faut faire, en chasse, une musique qui soit agréable à la meute et pousser des cris excitants. Le livre enseigne «comment on doit huer et corner»; comment on doit procéder aux diverses sortes de chasse; quelle inspection consciencieuse il convient de faire des fumées du cerf (et le dessin montre un limier et des veneurs faisant avec conscience ladite inspection); comment il faut courre le renard, tirer le lièvre (on voit le chasseur épauler son arbalète et tirer un lièvre dans un champ de blé), «faire haies pour toutes bêtes,» haies garnies de filets variés (ou toiles), selon le gibier.

Ce livre jouit d'une grande autorité; tous les spécialistes s'y réfèrent; il eut nombre d'éditions au seizième siècle; Antoine Vérard, le fameux libraire, en donna plusieurs, avec gravures sur bois, inspirées des miniatures originales, et dont un exemplaire unique, sur vélin, aux armes de France, compte parmi les joyaux de la Bibliothèque Royale à Copenhague 24.

III

Chiens et faucons étaient, aux yeux de l'ancienne noblesse, des animaux privilégiés comme elle, sacrés pour tous; quantité de lois les protégeaient; on ne s'en séparait guère en aucune circonstance. Nul événement historique, si grave soit-il, n'est représenté dans les manuscrits sans qu'on y voie quelque chien: on les trouve dans les églises, au palais de justice, couchés au milieu du pavé dans une séance solennelle tenue par le roi au Parlement. Les nobles et le roi même, dînant dans la grande salle de leurs châteaux, avaient des chiens sous leurs tables, qui se battaient, hurlaient, se disputaient les os; le devoir des maîtres d'hôtel était de les calmer, et ils n'y parvenaient pas toujours. Cet usage se prolongea par delà le moyen âge et la Renaissance; Shakespeare en a fait le sujet d'une scène très comique, mais terriblement réaliste, dans les Deux Gentilshommes de Vérone. Au vacarme des chiens répondait celui des musiciens, installés dans une galerie, et qui s'appliquaient de leur mieux à dominer le bruit, ajoutant leur tapage aux autres; de causerie, il n'était pas question. Les ivoires, les buis sculptés, les peintures représentant des scènes d'intérieur, montrent la tendresse que le chevalier portait à ses oiseaux; il en avait non seulement dans sa salle, mais, s'il les aimait bien, dans sa chambre à coucher. Une peinture française du treizième siècle a pour sujet un homme et une femme jouant aux échecs; chacun a son chien à côté de lui, et l'homme, de plus, avance ses pions d'une main pendant qu'il tient un faucon de l'autre 25. Un ivoire français du quatorzième siècle représente une dame assistant à une joute; elle est venue accompagnée de tout ce qu'elle aime: son cavalier favori et son faucon préféré 26.

Cette constante familiarité avec l'oiseau de proie s'explique: c'était presque une nécessité. Le faucon fournit un service d'autant meilleur qu'il connaît mieux son maître; l'animal est, par nature, difficile et rebelle; ce n'est que par un habile mélange de privations, de soins, de prévenances, de caresses, qu'on peut le dompter; ce n'est qu'en vivant avec lui d'une vie commune qu'on peut s'en faire un ami. Aussi nos ancêtres ne s'en séparaient guère; ils entretenaient conversation avec leurs oiseaux, leur frottaient le dos, leur prodiguaient toute sorte d'attentions et, afin de les habituer à n'avoir peur de rien dans leur société, les portaient aux endroits où se trouvaient le plus de foule et de bruit: ils les menaient entendre les plaidoiries au palais de justice, voir les attroupements dans les rues, assister aux offices solennels dans les églises. Le bourgeois qui rédigea au quatorzième siècle le Ménagier de Paris recommande de porter l'épervier «aux plaids et, entre les gens, aux églises et autres assemblées et emmi les rues, et le tenir jour et nuit le plus continuellement que l'on pourra 27». Beaucoup étaient ainsi tellement habitués à leurs oiseaux qu'ils se faisaient représenter sur leurs tombes, ayant sur le poing leur faucon, pour la durée de leur sommeil éternel.

Bien dresser un faucon était jadis un art de première importance, poussé très loin dans notre pays. On recherchait à l'étranger les faucons éduqués en France. Quantité de livres perpétuaient les saines méthodes, indiquaient le genre de privations qui devaient assouplir le caractère de l'oiseau, ratiocinaient sur ses maladies. L'art différait selon que le faucon avait été pris au nid ou pris à la haie. Dans le premier cas l'éducation était plus facile, mais l'animal capturé tout petit restait d'ordinaire moins entreprenant et audacieux: c'est ce qu'on appelait un faucon niais, et de là vient le sens que l'épithète a gardé. Dans l'autre cas, l'oiseau donnait d'abord un mal terrible à ses maîtres et semblait «désespéré», tant la privation de liberté lui était dure; on appelait celui-là, d'un mot qui a également passé dans le langage courant, faucon haiard ou hagard.

On armait le faucon au moyen de bracelets de cuir passés à ses jambes. Ces bracelets portaient des grelots qui permettaient de suivre son travail quand il disparaissait dans les fourrés, et, de plus, un anneau où s'attachait la longe retenant l'animal, quand besoin était, sur sa perche ou sur le poing du chasseur. Le fauconnier portait l'oiseau sur son poing gauche et s'enveloppait la main d'un gant de cuir de grande épaisseur pour garantir ses doigts de la forte étreinte des serres. Sa main droite tenait le leurre, formé de deux ailes de pigeon que le chasseur agitait pour faire revenir l'oiseau; et afin de lui en donner l'habitude et l'envie, on le dressait à prendre le pât (sa nourriture) entre ces deux ailes. Un chaperon souvent fort élégant, surmonté d'une houppe de plumes colorées ou d'un flot de rubans, couvrait la tête du faucon et était enlevé au moment où il devait voler 28. Tels étaient les principaux usages pour les oiseaux de haut vol (faucons proprement dits en leurs diverses variétés: faucon gentil, faucon gerfaut, faucon sacre, etc.). On avait moins de peine à prendre, il était moins nécessaire de recourir au chaperon et au leurre pour les oiseaux de basse volerie (autours, émerillons, éperviers), moins difficultueux de caractère, que pouvaient posséder de simples bourgeois et qui étaient employés plus spécialement aux chasses utiles, c'est-à-dire à la capture de proies comestibles.
    Le dressage d'un faucon était un véritable exercice de patience:
    Le savoir est très beau, mais pénible à l'apprendre.
Et souvent d'ailleurs, même dressé, le faucon, «le revêche oiseau, despiteux et muable,» dit un ennemi de la race, obligeait ses maîtres, au beau milieu d'une chasse; à une pratique immodérée de cette vertu:
    Son heure a pour voler et son temps pour repaître,
    Et s'il n'est en état, comme il advient souvent,
    Par un quinteux dépit, se laisse aller au vent.
    De leurrer et crier alors se rompt la tête
    Le pauvre fauconnier 29.

C'était un des hasards du jeu. Pour les fervents d'un sport, de tels hasards sont un attrait de plus, et peu leur importe ce qu'en disent les profanes. Les fervents étaient jadis innombrables, dans la bourgeoisie (à qui l'autour était permis) comme dans la haute classe. Dans le Ménagier de Paris, le mari enseigne à sa femme, avec l'art de se bien conduire et de tenir sa maison, celui de dresser les éperviers et autres oiseaux de basse volerie. C'était là une science nécessaire, dans un ménage bien ordonné. Il fallait savoir causer avec l'oiseau, reconnaître s'il avait bien dormi, observer son «esmeut» et, d'après la couleur, lui faire prendre à propos une pilule, un bain ou un tonique. Ces conseils, donnés avec une science et une minutie admirables, figurent à la suite de ceux que le digne homme prodigue, entre autres sujets, sur un genre de chasse négligé par Gaston Phébus, la chasse aux puces, qui, dit-il, se fait en six manières, sur chacune desquelles il fournit de grands détails, signes évidents d'une longue expérience 30.

Au quinzième, au seizième, au dix-septième siècle, les traités de fauconnerie continuent de pulluler, œuvres de Guillaume Tardif, de Jean des Franchières 31, de Charles d'Arcussia 32, C. de Morais 33, et bien d'autres. Tardif, savant professeur de l'Université de Paris, auteur de grammaires et de livres de rhétorique, «liseur» du roi Charles VIII, compile, avec la gravité qui convient pour une science d'importance reconnue, un gros ouvrage, où sont méthodiquement exposées les règles de la fauconnerie. Il est inépuisable en détails sur les maladies et les remèdes, les bains, les purgations, les excitants: c'est le Diafoirus des faucons. Ses diagnostics sont minutieux: «Quand l'oiseau jette eau des narilles et a larmes comme une nue aux yeux, et au soir clôt un œil, puis l'autre, puis tous deux et les couvre du bout de l'aile et semble qu'il dorme,» c'est signe qu'il est enrhumé du cerveau 34.

Nos rois les plus sages et nos rois les plus fous, les plus robustes comme les plus malades, étaient d'accord sur le chapitre de la chasse, à peu d'exceptions près. Du tyran de Plessis-lez-Tours au roi Vert-Galant, et avant eux, et après eux, on n'en voit guère qui ne fussent passionnés pour cet amusement. Sur Louis XI, Commynes écrit: «Pour tout plaisir il aimait la chasse et les oiseaux (la chasse au faucon) en leurs saisons, mais il n'y prenait pas tant de plaisir comme aux chiens. Des dames, il ne s'en est point mêlé du temps que j'ai été avec lui: car, à l'heure de mon arrivée, lui mourut un fils dont il eut grand deuil, et fit lors vœu à Dieu, en ma présence, de jamais ne toucher à femme que à la reine sa femme; et, combien que ainsi le devait faire selon l'ordonnance de l'Église, si fut-ce grand chose, à en avoir tant à son commandement, de persévérer en cette promesse; vu encore que la reine n'était point de celles où on devait prendre grand plaisir, mais au demeurant fort bonne dame. Encore, en cette chasse, avait-il presque autant d'ennui que de plaisir, car il prenait de grands peines; il courait les cerfs à force, et se levait fort matin, et allait aucunes fois loin, et ne laissait pour nul temps qu'il fit: et ainsi s'en retournait aucunes fois bien las, et presque toujours courroucé à quelqu'un; car c'est métier qui ne conduit pas toujours au plaisir de ceux qui le conduisent.» Il menait ainsi sa chasse vigoureusement, comme sa politique, mouillé de pluie, couchant n'importe où, «logé par les villages,» mais s'interrompant subitement dès qu'il lui arrivait nouvelles touchant ses grands intérêts, «car presque tous les étés il y avait quelque chose entre le duc Charles de Bourgogne et lui 35.» Les gibiers les plus fins et les batailleurs les plus téméraires avaient affaire à rude partie.

A la Renaissance, bien loin que cette passion s'atténue, elle grandit. Les rois ont tant de veneurs, tant de fauconniers, tant de chiens, ils créent tant de hautes fonctions pour administrer ce genre de déduit, y dépensent tant d'argent, que l'ensemble eût formé, de nos jours, un département ministériel complet, avec son budget. François 1er dépense 150,000 écus pour ses chasses, et Henri IV, si économe en tant d'autres choses, dix fois autant: le prix d'une armée! disait, Sully en grondant. Le fragile François II, le maladif Charles IX, hâtèrent leur mort par le surmenage physique qu'ils s'imposèrent à la chasse. Cette ardeur leur «brûle le sang», écrivaient les ambassadeurs étrangers qui les voyaient faire. Le cardinal Louis de Guise, tout cardinal qu'il était, chasse avec la même ardeur que tous les autres Guise. Le connétable de Montmorency chasse jusque dans sa vieillesse. Il court «la bête noire» à Chantilly, conte les péripéties de la journée à son fils François et conclut: «Je me porte assez bien pour mon grand âge; toutefois vous savez qu'il n'y a pas grand sûreté en santé de vieil homme ni en beau temps d'hiver; je trouve encore le vin bon, dont j'ai fait bonne provision 36.» Chasseur jusqu'à la fin, le connétable, en l'honneur de qui fut frappée la belle médaille représentant l'armée et la marine françaises réunies par la victoire, demeura soldat aussi jusqu'à la fin: il gagna la bataille de Dreux à soixante-neuf ans et fut tué à la bataille de Saint-Denis à soixante-quatorze.

Devant de telles passions, un sceptique comme Érasme, si près qu'il eût été, un moment, de devenir chasseur lui-même, haussait les épaules et ne manquait pas de réserver à ces énergumènes une place dans son ironique Éloge de la Folie. Dépecer un bœuf, disait-il, est bon pour un manant; mais il faut un noble pour dépecer une bête sauvage: «Le voilà, tête nue, les genoux ployés, tenant le couteau approprié, le couteau qu'il faut et non pas n'importe lequel, faisant les gestes consacrés, et tranchant, selon les rites, certains membres, dans un ordre donné.» Les spectateurs contemplent la scène, émus, silencieux, retenant leur souffle, bien qu'ils aient vu la cérémonie «plus de mille fois». Rien qu'à goûter de la venaison, «il semble qu'on soit quelque peu annobli.» Le vrai chasseur flaire «la fiente de ses chiens» et se pâme: c'est du «cinname», il court après quelque bête qui le mène loin, il n'a le goût ni le loisir d'aucune occupation, il juge qu'il mène vie de roi, «regiam vitam agit»; et il n'a pas tort de le croire.

Mais les chasseurs n'écoutaient pas plus Érasme que les jouteurs d'autrefois n'avaient écouté Des Champs. «Encore un renard qui a la queue coupée!» pensaient-ils, et ils continuaient leurs ébats, avec d'autant plus d'entrain que les dames s'y associaient, à pied ou à cheval, le faucon sur le poing ou maniant ces petites arbalètes fabriquées pour elles qui figurent en quantités innombrables dans nos musées: armes élégantes, incrustées de nacre et d'ivoire, sculptées, ciselées, gravées, ornées de scènes héroïques ou amoureuses. A en regarder les dessins, on peut apprendre toute la mythologie, ou l'art de la chasse, ou l'histoire des héros de romans.

Au seizième siècle, c'était surtout de grandes chevauchées à la poursuite du cerf ou du renard, dans la compagnie de ces belles personnes vêtues de soie, coiffées de grands chapeaux à plumes et qui, maintenant, montaient à la moderne, suivant l'exemple de Catherine de Médicis: «Elle était fort bien à cheval, dit Brantôme 37, et hardie, et s'y tenait de fort bonne grâce, ayant été la première d'avoir mis la jambe sur l'arçon, d'autant que la grâce y était bien plus belle et apparaissante que sur la planchette.» Elle monta jusqu'à la fin de sa vie, aimant les chevauchées rapides, nullement découragée par les accidents, «rompure de jambe et blessure de tête,» toujours accompagnée d'une troupe de dames et de demoiselles, solides sur leurs montures et ravissantes à voir, «leurs chapeaux tant bien garnis de plumes, ce qui enrichissait encore la grâce, si que ces plumes voletantes en l'air représentaient à demander amour ou guerre.»

IV

Les chevaux restaient en honneur, les chiens et les faucons aussi, et tous les Érasme du monde n'y pouvaient rien. Sur le compte de critiques comme Érasme, les chasseurs étaient unanimes; la discorde commençait quand ils s'avisaient de comparer entre eux les divers genres de déduit. Fallait-il préférer les faucons ou les chiens? Grave question. On adorait discuter; c'était encore jouter; sur le problème de la prééminence des faucons ou des chiens furent écrits quantité de traités, de plaidoyers et même de poésies dont quelques-unes, dues à de vrais poètes, sont fort précieuses, car elles abondent en scènes et tableaux tracés d'après nature; elles nous font voir les Français d'autrefois en leurs chasses presque comme si nous étions de la partie.

Le chien est célébré en vers par les poètes ronsardisants du seizième siècle. Heureux le chasseur qui possède;
    l'évente-plaine,
    Chien couchant pour fournir sa maison de gibier,
    Diligent pourvoyeur, quêteur de grande peine,
    Songeux en ses desseins, fidèle cuisinier,
    Véritable en son nez, tire-fort, guigne-motte,
    Constant en son arrêt, plaisant en sa façon 38.
Le seul mal est que, si bien secondé et commençant à se servir couramment de l'arquebuse (interdite pour un temps à la fin du siècle), le chasseur constate déjà que les lièvres diminuent. Rentré dans ses terres jadis, le soldat revenu de guerre ignorait ces moyens nouveaux de destruction, et:
    Traître, n'arquebusait ces petits animaux.
On retrouve encore à ce moment, jusque dans la chasse, quelque reste de cette antique prévention, si bien disparue depuis, contre l'art de tuer à distance. Même s'il s'agissait d'un simple lièvre, c'était une sorte de trahison de l'arquebuser; il était plus honorable de le prendre à force de chiens, et non pas même de chiens trop rapides tels que les lévriers; il fallait lui laisser des chances: et la partie étant ainsi égalisée, qu'il courût! c'était son affaire, son métier. Sa vie, sans doute, était l'enjeu de la partie; mais celle des chevaliers mêmes l'était aussi dans les tournois. Plus sévère que Charles-Quint, le consciencieux Jacques VI d'Écosse (1er d'Angleterre) interdit à son fils, dans un traité qui fut immédiatement traduit en français, de tuer les bêtes de loin. Il autorise «la chasse des chiens courants, que je trouve plus noble et plus propre à un prince: sans qu'il s'amuse à y tirer et tuer la bête de l'arc ou de l'arbalète. C'est à faire à ceux qui chassent de nuit et à la dérobée. Et quant aux lévriers, la chasse ne m'en semble pas si généreuse 39».

Le chien couchant, «guigne motte,» à l'allure réfléchie, «songeux en ses desseins,» le chien courant, le chien en général, atteignait un honneur plus grand encore et figurait dans un poème épique:
    Car nul des animaux ne sert tant aux mortels
    Que le chien garde-forts, garde-parcs, garde-hôtels,
    Diligent pourvoyeur qui, d'un nez véritable,
    Fournit, de mets friands, des grands princes la table,
    Ami jusqu'à la mort, frayeur du loup rusé,
    Peur du craintif larron, veneur bien avisé.
Ainsi s'exprimait le «Lucrèce français», Du Bartas, «en sa docte Semaine 40.» Les prosateurs n'étaient pas moins éloquents: Jacques du Fouilloux (à qui le livre de Gaston Phébus est familier) s'occupe de la «race et antiquité des chiens courants 41», et découvre que ces nobles animaux viennent de Troie: tout comme la race même des rois de France; il n'y pouvait manquer. «J'ai voulu diligemment regarder, écrit du Fouilloux, tant au dire des anciens que modernes, d'où est venue la première race des chiens courants en France.» Il a cherché et a trouvé dans les chroniques que, «après la piteuse et épouvantable destruction de Troye la Grand, Énée arriva en Italie avec son fils Ascanius, lequel engendra un fils nommé Sylvius, duquel descendit Brutus qui aimait fort la chasse», mais qui malheureusement tua son père par erreur, au lieu d'une pièce de gibier. De chagrin, Brutus s'exila, sans renoncer à sa passion; il vint en France avec son fils Turnus et «grand nombre de chiens courants» (une gravure représente son navire avec une quantité de chiens à bord). Ils se mirent à chasser dans la forêt qu'on nomme, pour «ce jourd'hui, la Gâtine» et qu'ont immortalisée les vers de Ronsard. Du Fouilloux s'occupe des diverses sortes de chiens: blancs, gris, noirs; ces derniers originaires de «l'abbaye de Saint-Hubert en Ardennes». Il recommande de faire couvrir les lices sous les signes des Gémeaux et du Verseau, «car les chiens engendrés en ce temps ne seront sujets à la rage, et en viendra plus de mâles que de femelles.» Il donne les airs de musique les plus agréables aux chiens, avec paroles appropriées, qui sont: «Houp! houp!» ou bien: «Tran! tran! tran!» ou encore: «Il va là, chiens, il va là, ha! il va là, ha! il va là, ha! ha! ha! ha!»

Si belle que fût la part des chiens, celle des faucons n'était pas médiocre. Cette chasse s'honorait d'une consécration qui en valait bien d'autres: le premier «Fauconnier du roi» qui fût connu, ancêtre des Grands Fauconniers de plus tard, Jean de Beaune, avait reçu ce titre de Saint Louis et avait rempli ses fonctions à la cour du modèle des princes, de 1250 à 1258. Les traités de chasse les plus autorisés faisaient la part belle aux faucons; il y en avait d'anciens et de modernes, en vers et en prose, pratiques ou allégorisés. Les traités de cette dernière espèce enseignaient la vertu sous prétexte d'expliquer les mœurs des faucons: c'était un grand compliment.

Au quinzième siècle, la querelle était des plus vives et Guillaume Crétin l'a résumée dans son charmant Débat entre deux dames sur le passe-temps des chiens et des oiseaux 42. L'intérêt vient de ce que les dames, au lieu de se contenter de généralités, peignent sur le vif des scènes qui leur étaient familières. Quel amusement, dit la «Dame à l'épervier», de voir les fauconniers entrer dans l'eau et battre les joncs pour faire partir le gibier; on lève les yeux; la proie et son ennemi se perdent dans le bleu du ciel:
    Advient souvent que longtemps on regarde:
    Car si haut sont qu'on ne sait qu'ils deviennent.
    On chante, on rit, on se joue, on brocarde;
    Puis, tout soudain, qu'on ne s'en donne garde,

    Tous deux fondant ensemble, à terre viennent.
    Les faucons sont «honnêtes et gents»:
    Et plus que chiens, et sans comparaison,
    Les recueille-on à chacune maison

    Des grands seigneurs et des moyennes gens.
    Les chiens sont malpropres, orduriers même, et vivent sur les fumiers.
Sur les fumiers! reprend «la Dame qui soutient les chiens»; de grâce qu'entendez-vous par là? ne les voit-on pas coucher sur le lit de leurs maîtres?

A toutes gens me veux bien rapporter,
Si l'on ne voit, fêtes et jours ouvriers,
Sur lits couchés épagneuls et lévriers.
Lévriers sont chiens: direz-vous le contraire?

Et au tableau de la chasse de rivière, elle oppose la chasse à courre, ses préliminaires tout aussi gais, mêlés également d'honnêtes causeries; ses péripéties aussi émouvantes qu'une course de lances ou une charge de guerre. Les veneurs vont quêtant avec leur limier, trouvent le «repos du cerf», puis viennent faire «leur rapport» (tout comme aujourd'hui, et c'est le même mot) au seigneur. Alors celui-ci va retrouver ses invités au rendez-vous de chasse, «à l'assemblée»:
    Va à l'assemblée;
    Lors trouvera toute pleine tablée
    De gens assis sur la belle herbe vert
    Qui ont, pensez, l'appétit bien ouvert.
    Là endroit sont dames et demoiselles,
    Sur l'herbe verte assises ou couchées.
    Seigneurs aussi abordent auprès elles,
    Leur présentant prunes vertes, groselles.
    Voire et Dieu sait s'elles sont bien touchées!
    Caquet y va comme chez accouchées:
    Parle qui veut, homme n'est éconduit.
Scène classique s'il en fut, sujet de bien des peintures et d'innombrables tapisseries. On monte, on part en chasse au grand galop, trompes sonnant, avec ce joyeux tumulte qui rappelait les charges à la lance:
    Adonc voit-on des éperons donner,
    Et galoper comme à courses de lance;
    Trompes et voix font tel son entonner
    Qu'on n'entendrait à peine Dieu tonner.
    Et chiens d'aller! le cerf est en balance.
Grande devait être la ressemblance: car on remarquera que le poète emploie juste les mêmes expressions que le biographe de Guillaume le Maréchal, trois cents ans plus tôt, et l'histoire de ce chevalier lui était certainement inconnue.
    La chasse «ès toiles», au sanglier, n'est guère moins émouvante:
    Ronflant, grognant s'en vient la fière bête,
    Et là veneurs, l'épieu au poing, l'attendent;
    Gens, troupe, chiens, font terrible tempête.
Emportée enfin par l'enthousiasme, la Dame aux chiens affirme que la Providence n'a créé les forêts qu'en vue de la chasse:
    Je ne crois pas, à tout bien calculer,
    Que Dieu n'ait fait expressément les bois
    Pour mettre cerfs et sangliers aux abois.
Ce n'était pas l'avis de Ronsard, qui pourtant avait fait la vraie guerre, mais aimait mieux voir «le cerf solitaire et les chevreuils légers» paître que mourir sous les verts ombrages de Gâtine. Notre plaideuse est sans pitié; à la mort du cerf elle se «pâme d'aise». Sa rivale répond d'une voix douce. Le comte de Tancarville, pris pour arbitre, décide en faveur des chiens.

L'arrêt du comte prévalut, sans toutefois terminer la querelle, qui recommença souvent au cours des siècles et dont on trouve l'écho dans tous les livres de vénerie et de fauconnerie, chaque auteur haussant davantage le ton, d'année en année, pour se faire mieux entendre et couvrir le bruit du voisin. On allait jusqu'à en appeler à Dieu même; on examinait si le Créateur, dans sa lutte éternelle contre les démons, agissait en veneur ou en fauconnier, et on ne manquait pas de conclure en sens opposé selon sa spécialité. Un enragé veneur terminait son traité par une prière et profession de foi qui lui semblait merveilleusement édifiante: «Vous, ô mon Dieu, êtes le premier auteur de vénerie (ainsi que l'assure le prophète Isaïe) qui, descendant de ciel en terre pour forcer le diable et ses furies, non sans occasion, vous êtes accomparé à un veneur, et, pour plus facilement jouir de votre chasse assurée, avez voulu être conduit du Saint-Esprit, en l'âge de trente ans, aux déserts de la Quarantaine.., là, où vous avez tellement chassé, pressé et forcé ce monstre infernal, auparavant indompté, que vous l'avez réduit dans les enfers, où il est resserré à jamais. Vous m'avez donc, Seigneur, donné l'enseignement d'aimer les déserts.» Veneur par la grâce de Dieu, Jean de Ligniville compte sur la vie éternelle, qui ne saurait être refusée à «tous vrais francs veneurs 43». Ainsi se manifeste le caractère peu modéré des passions sincères.

Les fauconniers tâchaient de ne pas demeurer en reste; bien qu'après de telles effusions, la chose fût malaisée. Charles d'Arcussia, qui avait passé sa vie dans l'étude et la pratique des faucons, dédie, sur ses vieux jours, au roi Louis XIII, une nouvelle édition de sa magistrale Fauconnerie. Avec une immense expérience et l'amour de son art, il sait combien sont ardues ces questions que d'aucuns pourraient juger faciles; combien il est malaisé, en tels sujets, de se garder d'erreur, et quelle reconnaissance mérite un travail consciencieux comme le sien. C'est pourquoi, se rendant, par provision, justice à lui-même, il insère fièrement ce quartrain dans sa préface:
    Les censeurs jusques au tombeau
    Ne cessent jamais de médire,
    Mais tel mouchera ce flambeau
    Qui n'en saurait fournir la cire.
Puis, se tournant vers le Roi, il constate que la fauconnerie est propre aux «âmes relevées», et le félicite chaleureusement d'avoir le culte des oiseaux. Culte est le vrai mot: «On ne doit s'ébahir, écrit-il, si notre roi les aime tant, les ayant Sa Majesté comme anges domestiques, car, si les anges de Dieu chassent les esprits malins, infects et puants... les oiseaux de S. M. lient, chassent et mettent bas les oiseaux charogniers, hiéroglyphes des démons. Les anges ont toujours les ailes ouvertes au trône de l'Éternel, où ils chantent incessamment ses louanges avec leur douce mélodie: ne voit-on pas, en la chambre du Roi, un nombre infini d'oiseaux, les uns qui gazouillent toujours, les autres sur le poing des fauconniers, attendant d'être employés?...»

Malgré l'éloquence de ces rapprochements, les veneurs, décidément, l'emportaient. Avec tous leurs fauconniers, les rois préféraient, de plus en plus, la chasse à courre et, de plus en plus, leurs exemples faisaient loi. C'est un veneur qu'Henri IV envoyait, en 1603, à Jacques 1er d’Angleterre, avec une lettre où il mettait sur la même ligne la chasse, les combinaisons politiques et la découverte des complots: «Monsieur mon bon frère, lui disait-il, après vous avoir envoyé l'un des officiers de ma couronne et de mes principaux conseillers d'État, il faut que je vous envoie maintenant un de mes meilleurs veneurs et plus spéciaux serviteurs: c'est le sieur de Vitry, capitaine de mes gardes... La charge que je lui ai donnée consiste en deux points: l'un de vous saluer et congratuler de la grâce que Dieu vous a faite d'avoir si heureusement découvert et renversé les premières conspirations et entreprises contre votre service...; et l'autre, pour vous montrer notre manière de chasser, voir la vôtre et m'en informer à son retour. Et tout ainsi que, par la négociation du premier, nous avons bâti et formé une union inséparable, je désire encore, par l'entremise de ce dernier, en communiquant et conférant ensemble de l'art de la chasse, (que) nous dressions un exercice parfait de l'art d'icelui, pour en jouir également en plaisir, contentement et prospérité le reste de nos jours, et en laisser l'usage après nous à nos communs enfants, comme nous ferons l'exemple et le bonheur de notre parfaite amitié 44

Le roi Henri tint parole; son fils, le futur roi Louis XIII, pouvait à peine marcher qu'il le faisait assister à la curée, et l'enfant regardait le «carnage avec une assurance étrange 45». Le dauphin savait tout juste monter à cheval que déjà il courait le cerf sur une petite haquenée, et le soir, à la table paternelle, dans le palais de Fontainebleau, il penchait sa tête, envahi par le sommeil: «Ne dormez pas, enfant, lui disait son père, car, si vous dormez, je ne vous mènerai plus à la chasse.» Louis XIII profita de ces leçons à merveille, mais de celles-là seulement, et, pendant que Richelieu gouvernait son royaume, lui ne régna guère que sur ses faucons et sur ses chiens.

D'Arcussia, faisant l'anagramme de ses nom et titres, avait trouvé que les mots: «Louys treizième, roy de France et de Navarre,» donnaient: «Roy très rare, estimé dieu de la fauconnerie.» Mais le dieu allait mourir et le culte perdre ses fidèles. L'art de la fauconnerie ne pouvait survivre indéfiniment à la vulgarisation des armes à feu. Louis XIV supprime quelques-uns des «vols» qui existaient avant lui, maintenant toutefois la plupart: vol du cabinet, vol pour corneille, pour héron, pour rivière (canard), pour lièvre, pour perdrix, etc. Il conserve la charge de Grand Fauconnier et presque toutes les autres charges, innombrables, se rattachant à ce sport. Mais il agit plus par magnificence et respect des traditions que par goût personnel. Les charges devinrent des sinécures; les oiseaux furent de plus en plus rarement employés, et, comme on s'en servait peu, lorsque d'aventure on les faisait voler, ils se montraient malhabiles: si bien que les rois et les princes se confirmaient dans leurs préférences pour la chasse à courre ou à tir 46.

C'est pourquoi, tandis que les faucons tombaient en défaveur et ne trouvaient plus personne pour les comparer à des anges, les chiens «au nez véritable» gardaient toute leur importance. Ils l'ont conservée jusqu'à maintenant, et les descendants de la race troyenne de chiens, amenée sur le sol de l'ancienne France par le petit-fils d'Énée, continuent de parcourir ce qu'il reste, de la Gâtine et de nos vieilles forêts, et d'assister aux messes de Saint-Hubert qui se célèbrent encore en leur honneur.

«Il va là, chiens; il va là, ha!»


Notes

1. Pardessus, Loi salique, Paris, 1843, premier texte, p. 18, chapitre XXXIII. «De venationibus furatis.»
2. «Exercebatur assidue equitando ac venando. Quod illi gentilicium erat; quia vix ulla in terris natio invenitur quæ in hoc arte Francis possit æquari. Delectabatur etiam vaporibus aquarum naturaliter calentium, frequenti natatu corpus exercens, cujus adeo peritus fuit ut nullus ei valeat anteferri.» Einhardi Vita Karoli, éd. Pertz (Monumenta Germaniœ), 1828, t. II, p. 455.
3. Voir Thomassin, Anc. et nouv. discipline de l'Église, 1725, t. III, col. 1357.
4. Anglo-Saxon Chronicle, texte de Peterborough, A. D. 1086.
5. Histoire de Saint Louis, éd. de Wailly, 1868, pp. 176, 181.
6. Liv. I, chap. LXXXIII.
7. Castiglione permet à son parfait courtisan de chasser, précisément parce que la chasse ressemble à la guerre: «Ha una certa similitudine di guerra.» (Il Cortegiano, liv. I, chap. XXII) Et Henri III de France constate de même, dans une de ses lois, que ce divertissement est «chose plus que nulle approchant le faict des armes et bien séante à la noblesse». Ordonnance du 10 décembre 1581. Isambert, Anciennes Lois, t. XIV, p. 506.
8. État de la France, 1722, 5 vol., t. I, p. 371.
9. Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. III, p. 285; t. VI, p. 772.
10. La Chesnaye Des Bois, Dictionnaire... des mœurs... des Français, Paris, 1767, au mot Chasse.
11. Voir par exemple l'ordonnance d'Henri IV, de juin 1601, art. 6; des battues auront lieu au moins tous les trois mois, «d'autant que, depuis les guerres dernières, le nombre des loups est tellement accreu et augmenté en ce royaume qu'il apporte beaucoup de perte et de dommage à tous nos pauvres subjects.» Isambert, ibid., t. XV, p. 248.
12. Le changement de sens du mot braconnier est, à ce point de vue, tout à fait remarquable. Les braconniers étaient primitivement les conducteurs des chiens braques; ils prirent tellement l'habitude de se servir de ces animaux pour leur propre compte, au détriment de leurs maîtres, que le mot braconnier acquit le sens qu'il a encore aujourd'hui.
13. Mars 1515, Isambert, t. XII, p. 49.
14. Ordonnance du 10 décembre 1581, Isambert, t. XIV, p. 506.
15. Passé la troisième récidive, peine de mort, «s'il est ainsi trouvé raisonnable parles juges.» (Ordonnance de juin 1601, article 14.) Défense de chasser à l'arquebuse, sous peine de mort à la première infraction pour le commun peuple et à la seconde pour la noblesse (déclaration du 14 août 1603): prescription rapportée, pour ce qui concerne la noblesse, le 3 mai 1604. Isambert, t. XV, pp. 287, 288.
16. Le passage mérite d'être cité; il forme l'article 2, titre XXX, du grand édit sur les eaux et forêts, publié en août 1669, sous l'inspiration de Colbert: «Défendons à nos juges et à tous autres, de condamner au dernier supplice pour le fait de la chasse, de quelque qualité que soit la contravention, s'il n'y a d'autre crime mêlé qui puisse mériter cette peine, nonobstant l'article 14 de l'ordonnance de 1601, auquel nous dérogeons expressément à cet égard.»
17. Le Grand D'Aussy, Histoire de la vie privée des Français, Paris, 1782, 3 vol. in-8°, t. I, p. 317.
18. R. Souhart, Bibliographie générale des ouvrages sur la chasse depuis le quinzième siècle (France et étranger), Paris, 1886, in-8°.
19. Je suis le ms. Fr. 12399, conservé à la Bibliothèque Nationale; ce manuscrit est daté 1379; l'ouvrage fut compilé en français vers 1335.
20. Musée des Arazzi, palais de la Crocetta. Une belle peinture de Velasquez, représentant Philippe IV qui chasse au sanglier, dans les toiles, est à la National Gallery de Londres.
21. Histoire des choses mémorables... de 1499 à 1521. (Collection Petitot, t. XVI, chap. v.)
22. Récemment retrouvé et publié par M. Longnon.
23. Il en existe beaucoup de manuscrits; je suis l'exemplaire Fr. 619, de la fin du quatorzième siècle, conservé à la Bibliothèque Nationale, orné de charmants dessins, œuvres d'un véritable animalier.
24. Phébus, des déduis de la chasse des bestes sauvaiges et des oyseaulx de proye; petit in-fol., début du seizième siècle. A la main sur l'exemplaire de Copenhague: «Pour les capucins de Joigni. — Ex dono domini cardinalis de Gondy.» Les bois sont très loin de valoir, comme vie et naturel, les anciennes miniatures d'après lesquelles ils furent gravés. Vers le milieu du livre, commence un poème par Gaces de la Bigne, qui, sous prétexte de fauconnerie, enseigne les vertus en un sermon rimé.
25. Dans le ms. Lat. 10435, à la Bibliothèque Nationale, fol. 61 (peint en Artois, dans la deuxième moitié du treizième siècle. Hist. litt. de la France, art. de M. Delisle, t. XXXI, p. 279).
26. Plaque de miroir, n° 87, au Louvre.
27. Éd. du baron Pichon, Paris, 1848, t. II, p. 296.
28. Une très jolie aquarelle représentant un faucon, avec son chaperon à houppe, son grelot, la longe enroulée autour de la main gantée du fauconnier, se voit au Louvre dans la collection des dessins de Pisanello (quinzième siècle).
29. Tous jugements, à vrai dire, pessimistes, car ils émanent d'un veneur, et grande était, comme on verra, la rivalité entre veneurs et fauconniers. La Muse chasseresse, par Guillaume du Sable, l'un des plus anciens gentilshommes de la vénerie du Roy, Paris, 1611 (réimprimé par Lacroix et Jullien, Cabinet de Vénerie, 1884). Du Sable avait alors près de quatre-vingts ans.
30. Composé vers 1393; éd. de la Société des Bibliophiles, Paris, 1846, t. II, p. 279.
31. La Fauconnerie de F. Jan des Franchières, Grand Prieur d'Aquitaine... avec une autre Fauconnerie de Guillaume Tardif... plus la Volerie de messire Artelouche d'Alagona, seigneur de Maravesques, Poitiers, 1577, in-8°, illustré.
32. La Fauconnerie de Charles d'Arcussia, de Capre... avec les portraits au naturel de tous les oiseaux, Paris, 1627, in-4°, illustré (première édition, très abrégée, 1598); souvent réunie à l'Autourserie de Gommer de Luzancy (dont la première édition avait paru en 1594)
33. Le véritable Fauconnier, Paris, 1683, in-16.
34. Le Livre de l'art de faulconnerie, réimprimé sur l'édition de 1492, par E. Jullien, Paris, 1882, t. I, p. 90.
35. Éd. de la Société de l'Histoire de France, t. II, p. 271.
36. La Ferrière, les Grandes Chasses au seizième siècle, Paris, 1884.
37. Œuvres, éd. Lalanne, t. VII, p. 345.
38. Le Lièvre, par Simon De Bullandre, prieur commendataire de Milly-en-Beauvoisis, Paris, 1585 (réimprimé par E. Jullien, Cabinet de Vénerie, 1885, pp. 36, 37).
39. Présent royal de Jacques Premier, roy d'Angleterre... au prince Henry son fils..., traduit de l'anglois, Paris, 1603, fol. 108.
40. André Favyn, le Théâtre d'honneur, Paris, 1620, 2 vol. in-4°.
41. La Vénerie de Jacques du Fouilloux, 1561, dédiée à Charles IX, illustrée.
42. Composé à la fin du quinzième siècle, imprimé en 1526; réimprimé par Lacroix et Jullien, Cabinet de Vénerie, 1882. Le principal défaut consiste en une recherche de la rime riche, souvent obtenue par de vrais calembours:
    L'aultre luy dist, faisant basses minettes,
    En soubz riant: «Contente à demy n'estes.»
43. Les Meuttes et Venneries de haut et puissant seigneur, Jean de Ligniville (Grand Veneur des duchés de Lorraine et de Bar), en ms. à la Bibliothèque Nationale, Fr. 635, fol. 415, rédigé au commencement du dix-septième siècle.
44. Août 1603. Lettres missives d'Henri IV. — Documents inédits; t. VI, p. 160. Il lui envoyait, en même temps «six très beaux chevaux des mieux dressez... et le sieur de Sainct-Anthoine pour escuyer». Sully, Œconomies Royales (Collection Petitot, t. V, p. 31.)
45. Journal de Jean Héroard, Paris, 1868 (18 septembre, 1604)
46. Chasse royale en 1686:«Les oiseaux volèrent mal, mais la cavalcade ne laissa pas d'être jolie.» Dangeau, 16 janvier. Louis XIV ne s'en fit pas moins suivre de ses faucons, en plusieurs occasions, lorsqu'il se rendait à l'armée, ne voulant pas laisser tomber en désuétude cet honorable usage. Les fauconniers luttaient encore à cette date et persistaient à affirmer que le faucon a un caractère religieux et sacré: «On peut même dire à son avantage que les oyseaux ont esté comme consacrez aux autels, puis que nous voyons que la terre de Maintenon doit, le jour de l'Assomption, à Notre Dame de l'église de Chartres, un épervier armé et prenant proye.» Le Véritable Fauconnier, par C. De Morais, chevalier, seigneur de Fortille, chef du Héron de la Grande Fauconnerie, Paris, 1683, in-16

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