Le sport et les moeurs au XVIe siècle

Jean-Jules Jusserand
I

La Renaissance, qui agit si puissamment sur les lettres, les arts, les mœurs, la pensée en France, eut, sur les jeux aussi, une influence décisive. Tout se tient, et l'on ne saurait introduire dans l'esprit humain une idée sans que tout l'être humain s'en ressente. Des idées nouvelles se répandent au seizième siècle, et aussitôt sont transformés l'architecture des châteaux et des cathédrales, le style des peintures et des sculptures, les méthodes d'investigation, la forme des odes et des tragédies, et la destinée des exercices physiques.

Un des phénomènes dominants fut la part inaccoutumée assignée dès lors à la raison: on s'intéresse aux mobiles, aux causes et aux fins; on se prend d'admiration pour les Anciens et pour leur sagesse; on se pénètre de leur philosophie; on copie leurs littératures; on imite leurs styles d'art, leurs théâtres, leurs goûts, leurs mœurs. On est passionné d'idées générales et de théories; on veut savoir le pourquoi de toute chose et assigner un objet raisonnable à toute action, de la plus grave à la plus futile, qu'il s'agisse du problème de la vie ou d'un jeu d'enfant. Nous faisons ceci: pourquoi? Nous pensons cela: pourquoi? Et de cette curiosité avivée résultent, soit pour le bien, soit pour le mal, les sectes et religions nouvelles, les découvertes scientifiques, les règles nouvelles de vie.

On discute les mouvements les plus spontanés de l'âme, on en cherche la source cachée. Qu'est-ce que la vaillance, cette disposition naturelle et instinctive qui porte l'homme au-devant du danger et lui en fait rechercher le plaisir jusque dans ses jeux? Les penseurs raisonnent, définissent, examinent les idées anciennement reçues. «Contre cette condition faillent plusieurs, premièrement et bien lourdement ceux qui cherchent cette vertu au corps et en la force et roideur des membres. Or, vaillance n'est pas qualité de corps, mais d’âme; fermeté non des bras et des jambes, mais du courage... Roideur de bras et de jambes est qualité de portefaix: faire broncher son ennemi, lui faire siller les yeux à la lueur du soleil, c'est un coup de la fortune. Celui qui, ferme en son courage, pour quelque danger de mort, ne relâche rien de sa constance et assurance, bien qu'il tombe, il est battu, non de son adversaire qui est, possible, en (fait), un poltron, mais de la fortune; d'où il faut accuser son malheur et non sa lâcheté 1.» C'est toujours une bonne chose, mais ce n'est plus chose suffisante que d'être le plus ossu.

Période troublée: les idées, comme les êtres, sont enfantées dans la douleur; comme les êtres, elles ne meurent pas sans résistance, elles luttent pour la vie. Jamais on ne vit tant de guerres à la fois et tant de déchirements; et, sans parler des plus hauts problèmes, pour ce qui est de notre sujet spécial, on observe, comme en tout le reste, les plus merveilleux contrastes: l'introduction dans les exercices physiques d'idées de méthode et d'utilité raisonnée et médicale, pendant que le développement de la personnalité, fruit du moyen âge, se manifeste avec un éclat aussi contraire que possible à toute méthode, et contribue à accroître le trouble de l'époque en même temps que son intérêt saisissant pour la postérité.

On régularise les exercices physiques et on les raisonne, mais sans les simplifier; on les complique au contraire. L'idéal qu'on cherche en toute chose est une régularité compliquée; la poésie, l'architecture, l'art ornemental, sont d'une régularité compliquée: festons de pensée, de pierre, de filigranes, formant, dans l'espace modéré d'un sonnet, d'un manteau de cheminée ou d'une couverture de livre, des entrelacs inextricables, d'une grâce voulue et savante. Dans le même style, Ronsard cisèle ses poèmes, le sculpteur ornemente la grande cheminée de la Poissonnière et Cassandre dispose les tresses de ses cheveux. Plus de tournois désordonnés; les joutes, qui vont aussi disparaître, sont dotées de règles plus minutieuses que jamais. La faveur passe de la longue paume à la courte paume, avec ses murailles, ses effets réflexes, comptés, calculés, multiples en un champ circonscrit. Quantité de jeux de moindre importance, après le tournoi et la paume elle-même, s'atténuent à leur tour; ils s'apprivoisent, pour ainsi dire, comme des chiens de chasse qui deviendraient chiens d'appartement et même chiens savants. On en invente des variétés sur tables, qu'on peut jouer à couvert, chez soi: car on commence à vivre un peu davantage dans les maisons: résultat de l'instruction qui se répand, des livres qu'on imprime, du goût de la conversation qui commence. Et les demeures plus gaies et plus claires, avec leurs grandes fenêtres carrées et leurs murs moins épais, entourées de jardins et non plus de fossés, deviennent, comme il convient, plus habitables: telle encore la Poissonnière des Ronsards. C'est le moment où le vieux donjon féodal, le «château sourcilleux, hautement emmuré», perd de son prestige; où l'on plaint, au lieu d'envier, le possesseur de ces forteresses maintenant mal entretenues:
Les roides aquilons lui font toujours la guerre...
Il est toujours en peur qu'une pierre ou chevron
Tombe dessus son chef, sortant de sa maison,
Et l'eau de ses fossés, toujours verte et relente,
De mainte maladie est la cause apparente 2.
C'est le moment aussi où le billard de terre se transforme en billard sur pieds et où l'on organise, sur tables, des jeux analogues aux jeux de crosse et de cricket 3.

On se préoccupe, en même temps, à un degré inconnu jusque-là, de l'utilité des divers exercices, des motifs que l'homme peut avoir de les cultiver, du bien qu'ils peuvent faire au corps et même à l'âme, et des exemples et précédents laissés par les Anciens. Au lieu de demander des règles pour le jeu de ballon à nos voisins du Nord (qui suivaient les mêmes que nous), on en demandait à l'Italie et plus encore à la Rome antique, source de toute sagesse. Tel était le prestige de la Ville; il suffisait de pouvoir alléguer son exemple pour qu'on n'eût à craindre aucune opposition; c'était l'argument sans réplique: les Romains jouaient ainsi, jouons de même, nous ne saurions mieux faire. Le livre de Galien sur l'Utilité qui provient du jeu de la paume était mis en français 4; et l'ouvrage de l'Italien Mercurialis (Girolamo Mercuriale), où étaient doctement étudiés les exercices des Anciens, était lu dans toute l'Europe, réimprimé à Paris pour satisfaire la clientèle française, et devenait le bréviaire de l'homme actif et dispos.

Le livre, orné de nombreuses planches et dédié à l'empereur Maximilien II 5, constamment réimprimé, traitait de tout ce qui concerne le corps et son maintien en excellent état et parfait équilibre, souplesse et beauté, depuis les bains et les repas jusqu'à la gymnastique et les jeux. Il satisfaisait les esprits d'alors en donnant la raison de tout et en expliquant le sens et la vertu cachée de chaque expression technique, le plus de mots grecs possible étant cités pour rehausser l'attrait de l'œuvre. Mercurialis consacre ainsi des études approfondies aux jeux de paume des Anciens: De Sphæristica; De pilæ ludo secundum Latinos; au jeu de ballon, follis; à l'effet de ces jeux sur la santé: De ludorum pilæ effectibus; aux exercices violents, développant les muscles et préparant à la guerre: la boxe, De pugilatu, la lutte, la danse pyrrhique. Il éclaire son texte de planches représentant ces bas-reliefs et statues, récemment découverts et que se disputaient déjà les collectionneurs. La gymnastique proprement dite (ce qui était nouveau) et l'hygiène ne sont pas oubliées; il a des chapitres sur les haltères et la corde lisse; il traite, à part, de la marche, qu'il considère comme un exercice spécial et digne d'attention: De ambulatione; «walking», «footing,» disent aujourd'hui ceux d'entre nous qui croient que la marche est un exercice inventé par nos voisins. Mercurialis était d'un avis différent; il affirme que la marche est «d'invention divine» 6.

Il s'occupe de l'équitation, de la natation, de la chasse; il réfute éloquemment les partisans du repos, célèbre les mérites du «plein air 7», montre que maintes maladies sont guéries par le mouvement, et s'aventure à affirmer que le saut guérit la pierre. Désireux de ne rien négliger, il examine s'il faut considérer comme un exercice véritable et salutaire de se tenir debout 8, de rire et de crier: De vociferatione et risu.

Sur ce dernier point et sur plusieurs autres, un maître dont la parole, moins grave, eut pourtant une grande autorité, François Rabelais, était d'accord avec Mercurialis et propageait les mêmes doctrines. L'éducation physique de Gargantua n'est pas moins soignée et caractéristique des temps nouveaux que son éducation littéraire et morale. Même importance du plein air; même soin de donner la raison des choses et d'écarter les exercices vains, sans justification suffisante, soit hygiénique, soit militaire. Gargantua sortait dans la matinée avec Ponocrates et ses compagnons pour se livrer au sport; c'est, comme on a vu, le propre mot de Rabelais: «Se desportaient... ès prés et jouaient à la balle, à la paume;» au foot-ball d'alors: «A la grosse balle et la faisait bondir en l'air autant du pied que du poing.» Ils mettaient dans leurs exercices de la mesure, comme il convient à des gens éduqués à la romaine: «Tout leur jeu n'était qu'en liberté, car ils laissaient la partie quand leur plaisait et cessaient ordinairement lorsque suaient parmi le corps, ou étaient autrement las. Adonc étaient très bien essuyés et frottés, changeaient de chemise et doucement se promenant allaient voir si le dîner était prêt... Ce pendant monsieur l'appétit venait et, par bonne opportunité, s'asseyaient à table.» Ils évitaient ainsi le surmenage physique, comme ils avaient fini par l'éviter dans les exercices littéraires qui, poussés trop loin, avaient rendu un moment le pauvre Gargantua «fou, niais, tout rêveux et rassoté».

Dans l'après-midi, Gargantua se livrait aux jeux militaires et chevaleresques, mais raisonnés, ramenés aux lois de l'utilité pratique et du bon sens: «Là, rompait non la lance, car c'est la plus grande rêverie du monde, dire: j'ai rompu dix lances en tournoi ou en bataille, un charpentier le ferait bien; mais louable gloire est d'une lance avoir rompu dix de ses ennemis. De sa lance donc, acérée, verte et roide, rompait un huis, enfonçait un harnais, acculait un arbre, enclavait un anneau, enlevait une selle d'armes, un haubert, un gantelet. Le tout faisait armé de pied en cap.»

Il montait à cheval sans étriers, guidait sa monture sans bride, «car telles choses servent à discipline militaire;» s'escrimait avec les diverses armes, pique, épée à deux mains, dague, «jetait le dart, la barre, la pierre... bandait ès reins les fortes arbalètes de passe, visait de l'arquebuse à l'œil, affûtait le canon, tirait à la butte, au papegai;» courait le cerf, le chevreuil, le daim, le lièvre. «luttait, courait, sautait,» évitant «tous sauts inutiles et de nul bien en guerre; mais d'un saut perçait un fossé, volait sur une haie, montait six pas encontre une muraille et rampait en cette façon à une fenêtre de la hauteur d'une lance».

Tous genres de natation lui étaient familiers: «Nageait en eau profonde, à l'endroit, à l'envers, de côté, de tout le corps, des seuls pieds, une main en l'air, en laquelle tenant un livre, transpassait toute la rivière de Seine, sans icelui mouiller;» puis plongeait d'un bateau, la «tête première, sondait le parfond, creusait les rochers, plongeait ès abîmes et gouffres»; courait, pour faire la réaction, jusqu'au sommet de la montagne prochaine, «gravait ès arbres comme un chat,» ou, fichant des poignards et poinçons dans les interstices des pierres, «montait au haut d'une maison comme un rat;» enfin, justifiant Mercurialis en son chapitre De Vociferatione, «pour se exercer le thorax et poumon, criait comme tous les diables.»

Au soir, après un souper «sobre et frugal» et quelque conversation avec «gens lettrés», on allait voir la «face du ciel et la position des étoiles», on récapitulait en sa mémoire les leçons apprises et l'emploi fait du temps, et on s'endormait sur des pensées calmes et reposantes: «Si priaient Dieu le créateur en l'adorant, et ratifiant leur foi envers lui, et le glorifiant de sa bonté immense, et lui rendant grâce de tout le temps passé, se recommandaient en sa divine clémence pour tout l'avenir. Ce fait, entraient en leur repos 9.»

Mêmes idées chez tous les penseurs. Il faut éduquer le corps en même temps que l'âme; c'est une des notions dominantes de l'époque; on la retrouve partout: «Les jeux mêmes et les exercices, dit Montaigne, seront une bonne partie de l'étude; la course, la lutte, la musique, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je veux que la bienséance extérieure, l'entregent et la disposition de la personne se façonne quand et quand l'âme.» Paroles d'autant plus remarquables que Montaigne, très endurant à cheval, était fort mal doué au point de vue de la souplesse et avait essayé en vain de se dégourdir sous la direction d'un père habile en tous exercices: «A la danse, à la paume, à la lutte, je n'ai pu acquérir qu'une bien fort légère et vulgaire suffisance; à nager, à escrimer, à voltiger et à sauter, nulle du tout.» Il manquait même de cette éloquence, jadis si considérée, et qu'enseignaient les traités, pour parler aux chiens: «Je ne sais parler aux chiens, aux oiseaux, aux chevaux 10.» Mais la raison lui avait appris que l'homme complet devait réussir à ces exercices comme à ceux de l'esprit, et, loin de se donner lui-même en exemple, il souhaitait aux jeunes Français de pouvoir atteindre ce parfait équilibre vanté par les Anciens.

Mêmes idées chez les hommes d'action qui réfléchissent. Pour ce vaillant soldat, La Noue «Bras-de-Fer», le problème de l'éducation physique et intellectuelle est demeuré tout juste au même point que du temps d'Eustache Des Champs; mais, avec les lumières nouvelles, on devrait maintenant le résoudre. «Les armes, dit-il, ont toujours été, pour la nation française, en singulière recommandation, et la commune opinion est qu'elles lui ont acquis cette grande gloire à quoi elle est montée... Même la noblesse qui est sortie en abondance de cette innumérable fourmilière de peuple, n'a, ce semble, prisé aucun renom, tant que celui qui était provenu de l'épée: ce qui toutefois lui a coûté cher, et aux nations voisines.» Il ne faudrait pas, dans ce temps de renouveau, perpétuer la vieille tradition contre laquelle protestait déjà le poète de Charles V, et imaginer que savoir et vaillance s'excluent: «Il est notoire que, du temps de nos grands-pères, quand un gentilhomme s'adonnait à l'étude de la langue grecque et latine, ses compagnons disaient qu'il en fallait faire un clerc, et que l'épée ne lui était convenable. Même ce proverbe courait que l'homme de guerre ne devait savoir, sinon écrire son nom... Je ne veux pas rejeter ces choses, qui ont je ne sais quel beau lustre: si dirai-je pourtant» ... que la bravoure ne suffit pas à former un homme complet et que celui qui la possède, «si ne doit-il pas s'ensevelir dedans 11.»

Un courant d'idées nouvelles a passé sur l'Europe entière; on en voit l'effet en France, et au nord de la France, à Londres, et au sud, à Mantoue. Castiglione ne veut pas qu'on dise de son cavalier parfait qu'il a «épousé sa cuirasse» 12.

Homme d'action, preneur de villes et gagneur de batailles, soldat d'Arques et d'Ivry, La Noue n'est pas seulement un théoricien; il propose des réformes pratiques. Il voudrait qu'on fondât dans les grandes villes de France et, en attendant mieux, à Paris, Lyon, Bordeaux et Angers, ou encore dans quatre «maisons royales où les rois vont peu ou point», savoir Fontainebleau, Moulins, Plessis-lez-Tours et Cognac, des «Académies» où serait résolu, d'après les lumières de la raison, le grand problème de l'éducation du corps et de l'esprit.

Les exercices du corps «seraient à apprendre à manier les chevaux, courir la bague en pourpoint et quelquefois armé, tirer des armes, voltiger, sauter, et si on y ajoutait le nager et le lutter, ce ne serait que meilleur, car cela rend la personne plus robuste et adextre». La danse, que réclament «aucuns catholiques», ne serait pas exclue, car il est certain qu'elle apprend «à se bien composer et à avoir la grâce plus assurée en public.»

Quant aux exercices de l'esprit, qui ne sont pas moins nécessaires que les autres, ils seraient tels: on ferait des lectures en notre langue des meilleurs livres des Anciens, qui traitent des vertus morales, de la police et de la guerre, et spécialement se liraient des histoires tant anciennes que modernes,» des livres enseignant les mathématiques, «la fortification;» enfin, car nous sommes au siècle de la Renaissance, la musique et la peinture. On exclura les romans de chevalerie et spécialement les Amadis qui remplaçaient alors, dans la faveur universelle, «Lancelot du Lac, Perceforest, Tristan et Giron le Courtois»: de ces derniers on ne voyait plus que des «fragments par-ci par-là»; mais les Amadis avaient envahi la France, enseignant un faux point d'honneur, une fausse morale et un faux art de la guerre. Tous ces exploits impossibles, ces chevaliers qui fendent un homme jusqu'à la ceinture et tuent deux cents ennemis, ne sont là que pour «faire peur aux femmes et aux petits enfants». Hélas! confesse La Noue, le style est, il est vrai, délicieux; le charme de toutes ces aventures est captivant; on ne saurait trop prendre garde «à tous ces braves et magnifiques badinages... Je pourrais encore alléguer autres vanités dont ces livres sont farcis, si je ne craignais d'en trop goûter, voulant en dégoûter autrui». Il est grand tant que Cervantès vienne.

L'influence de telles fondations serait immense, car elles n'existent nulle part et on en a besoin partout: «Ce bon ordre venant à être divulgué par les pays étranges, plusieurs accourraient vers nous, pour participer à l'institution qui y serait donnée, ce qui tournerait à gloire à notre patrie.» L'effet en serait bienfaisant pour tout le monde, car «les vieux, voyant une jeunesse si attemprée et bien instruite, auraient plus de crainte de faillir 13».

On reconnaîtra là plusieurs de ces idées mises à exécution de nos jours, approuvées par les uns, blâmées par les autres, jugées «anglaises» à l'ordinaire par ceux qui les approuvent comme par ceux qui les blâment, mais qui sont des idées de l'ancienne France. Des Anglais venaient même chez nous pour s'en pénétrer; car, si les vœux de La Noue ne furent pas réalisés par les rois de son temps, néanmoins ses doctrines furent suivies isolément çà et là de plusieurs qui n'avaient probablement jamais lu ses discours. Il est, en effet, des enseignements que donnent la vie, la réflexion, l'air ambiant, si l'on peut ainsi dire, aussi bien que les livres. La Noue lui-même avait été surtout instruit par l'observation et l'expérience; et il en fut pareillement de plusieurs autres seigneurs français, qui n'écrivirent pas, mais vécurent bien. C'est sur un modèle français, conforme à l'idéal de La Noue, et très supérieur par conséquent à la pratique ordinaire, que Henry Peacham formait, un peu plus tard, son «parfait gentilhomme» anglais. Il tâchait de lui développer à la fois l'esprit et le corps; recommandait l'équitation, trop négligée, d'après lui, en Angleterre; la course, la nage, tous les exercices propres à fortifier les muscles; et en outre l'étude de la littérature nationale, de la peinture, de la musique. Tout cela avait été déjà dit à Londres; mais Peacham ajoute: Il faut apprendre les langues, surtout la française; voyager, surtout en France; imiter les bons modèle et en particulier un gentilhomme français comme M. de Ligny, qu'on aurait cru éduqué dans une des maisons rêvées par La Noue. Le livre de Peacham est la meilleure réponse que nous eussions pu souhaiter à la diatribe de Dallington. Peacham nous fait même bonne mesure, sans doute par manière de compensation: les Français, dit-il, parlent la plus belle langue qui soit; ils sont remplis de toutes sortes de qualités; leur littérature nationale n'a pas de supérieure en Europe; dans les sports chevaleresques, ils montrent une habileté admirable; leurs monuments sont magnifiques, «attendu que ce sont les meilleurs architectes du monde.» Il ajoute, car l'omettre eût été, dans ce portrait, une lacune trop visible, révélant un parti pris d'admiration, que les Français mangent des «grenoilles, in English, frogs». Même, on vend ces bêtes étranges à Paris, tout couramment, au marché, et ailleurs aussi. Mais Peacham a la bonne grâce de n'accompagner cette pénible constatation d'aucune remarque discourtoise 14.



II



M. de Ligny avait trop de mérites et de perfections pour n'être pas un personnage exceptionnel. Le portrait que trace de lui Peacham représente plutôt l'idéal poursuivi par les sages du seizième siècle que les réalités de son temps ou du leur. Ces réalités justifiaient les désirs de réformes de La Noue et des autres. Les vieilles idées qui doivent disparaître font, avant de mourir, une belle défense; quelques-unes, tout en s'effaçant, laissent une trace, comme un arbre finissant repousse par le pied et laisse un rejeton. En attendant le joug égalisateur de Richelieu et de Louis XIV, au milieu des troubles de cette époque inquiète, les fils des anciens chevaliers se montrent plus turbulents et indépendants que ne furent jamais leurs ancêtres: triomphe de l'indiscipline et de la personnalité; siècle de faits d'armes surprenants; feu d'artifice étrange, éblouissant la vue et coupé de ténèbres; guerres civiles, guerres religieuses, guerres étrangères; une nouvelle guerre de Cent Ans, qui recommence, à ce qu'il semble, avec les Espagnols pour ennemis remplaçant les Anglais; une France enfin si divisée que, dans la confusion des partis et le bruit des batailles, les gens d'alors ne savaient plus, à certains moments, où était la patrie.

C'est, tout comme la guerre de Cent Ans, une époque de prouesses individuelles; chaque homme au cœur fier a la prétention de former un tout complet; il est sa propre patrie, il a ses propres intérêts à défendre par la parole et par l'épée, aussi acérées l'une que l'autre, sa propre gloire à maintenir, intérêts et gloire qui passent avant tous autres. L'idée de la grande patrie, qui comprend tous les Français (dont la moitié sont d'ordinaire ses ennemis et qu'il traite en mécréants), pèse souvent pour lui d'un poids fort léger. Un simple hasard, une chute de cheval, empêche Brantôme de devenir un capitaine espagnol aux rangs de nos pires adversaires. Cet esprit survivra; à l'aube du règne de Louis XIV on le retrouve encore chez Condé, qui était sa propre patrie et ne servait d'abord que Condé. Il apprit plus tard à servir la France, ou tout au moins le roi de France.

Ces «guerriers perpétuels» ne croient à rien, qu'à leur étoile, n'aiment rien qu'eux-mêmes; la France en produit, au seizième siècle, de merveilleuses quantités qui font admirer leur bravoure par tous pays, mais n'ont aucun souci d'elle. Ils vont servir n'importe qui, pour le plaisir de se battre, et ne rentrent chez eux que si la guerre civile y éclate, parce qu'ils auront alors de quoi se distraire. «J'ai ouï dire, écrit La Noue, qu'à la bataille que perdit Sébastien, roi de Portugal, il y avait quelques arquebusiers français avec lui: et en l'armée des Maures qui le défirent, s'y en trouva aussi.» Le résultat est déplorable pour la contrée même qui produit toute cette vaillance gaspillée: «Davantage, ces guerriers perpétuels se dépouillent, en tant qu'en eux est, des affections qui sont les plus louables en un bon citoyen, comme de celle envers leur patrie, en laquelle ils ne s'arrêtent, sinon quand elle est troublée; aussi, de celle qui est due aux parents qu'aucuns dédaignent pour leur petitesse, après s'être enorgueillis par les armes. Et quant à la particulière que chacun doit avoir d'ériger une famille, afin de laisser des enfants à son pays, ils n'y pensent point, désirant plutôt d'avoir quelques bâtards des bonnes commères qui les suivent, dont ils ne se soucient guère après... Et enfin, après un long labeur, s'ils parviennent jusque-là, ils vont périr contre un écueil, ou en quelque côte, ainsi que font les vaisseaux des pirates.»

Voilà une vue d'ensemble d'un homme qui connaissait bien la vie et avait observé ses contemporains. On peut trouver autant d'exemples particuliers qu'on voudra, justifiant ses dires, et l'on n'a, en vérité, que l'embarras du choix. Brantôme fait l'éloge du sire de Bourdeille, son père, et, si le portrait est flatté, il ne montre que mieux les préférences des hommes de sa trempe. A peine «hors de page», François de Bourdeille quitte secrètement ses parents, feignant d'aller chasser. «Entendant que les Français faisaient tant de belles choses au royaume de Naples où la guerre pour lors était... sans faire bruit, partit avec un valet de chambre seulement et un laquais,

et, avec tous ses chiens et lévriers, s'en alla jusqu'à une demie-lieue dans sa terre, toujours chassant.» Il arrive chez un paysan, fait entrer tous ses chiens dans une grange, leur donne bien à manger, ordonne qu'on les garde jusqu'au soir et, s'il n'est pas revenu alors, qu'on les lâche; ils retourneront tout seuls à Bourdeille. En voyant revenir ainsi la meute, les vieux châtelains furent désolés et envoyèrent à la recherche du fugitif. Rejoint à Lyon, celui-ci répondit au messager: «Recommandez-moi à mon père et à ma mère et dites à (mon père) que je fais ce qu'il a fait d'autrefois, et que je m'en vais voir le monde et chercher guerre au royaume de Naples,» espérant devenir ainsi «plus honnête homme» qu'on ne peut faire à rester chez soi, conservé «dans une boîte pleine de coton comme une relique».

Il passe donc les monts, est fort bien reçu de La Palisse et de Bayard. Chasse, équitation, escrime, guerre: il se fait remarquer de toutes manières; il est blessé à Ravenne; il franchit au galop une rivière sur une planche tremblante et va culbuter d'un coup de lance un Espagnol qui le défiait. «N'y avait cheval, tant rude fût-il et allât tant haut et incommodément qu'il pût, qui lui fît jamais perdre l'étrier.» Au camp, il se distrayait, lui et ses camarades, en pariant des doubles ducats qu'il mettait entre son pied et l'étrier; si la pièce d'or tombait pendant la voltige, elle était perdue pour le sire de Bourdeille; sinon gagnée: il en gagna ainsi plus de deux cents. Étriers gascons, il est vrai, lance gasconne, — et fils gascon pour conter l'histoire.

Avec les années, le vrai caractère de François de Bourdeille paraît: il ne s'intéresse qu'à sa propre personne, et son fils cite ce trait avec admiration, tant il était conforme à l'idéal du temps. Il y revient plusieurs fois, avec insistance; c'est un mérite de premier ordre: «Le roi Louis XII mort, que ce beau voyage du roi François se présenta de là les monts, pour la journée de Marignan; mon père y va; car ni père ni mère ne l'eût pas su retenir, car il était tout à lui, et ne voulait être sujet à personne du monde et ne voulut jamais avoir charge ni de capitaine, ni de lieutenant, ni d'enseigne, ni de guidon; rien de tout cela, tant il s'aimait, lui et sa douce liberté ainsi que tous nous autres et surtout moi avons été de cette humeur.» On devine combien le hasard des batailles pouvait être rendu plus hasardeux par les fantaisies de ces indépendants, et comment pouvaient se succéder les Marignan et les Pavie. François de Bourdeille devait tout naturellement se trouver à l'une comme à l'autre rencontre: «Et quand la bataille de Pavie se donna, mon père s'y trouva sans aucune charge, car il n'en voulait pas, mais pour son plaisir 15.»



III



On comprend qu'une société qui jugeait héroïque et admirable cette manière d'envisager la vie ait pu avoir, en même temps que des Bayard et des Gaston de Foix, des connétables de Bourbon et des Biron. On comprend aussi cette prodigieuse fureur de duels qui détruisit alors la fleur de l'aristocratie française, achevant, dans les rares intervalles de paix, ce que n'avaient pu accomplir les guerres civiles ou «les beaux voyages» de Marignan et de Pavie. L'âge des tournois est fini, mais voici la grande époque de l'escrime et des duels.

C'était, dans notre pays, une antique passion; les Francs l'avaient eue après les Gaulois, et les Français après les Francs. Les duels sérieux, «à toute outrance,» les duels religieux constituant jugement de Dieu, les duels par ébattement et jeu (dont la joute était une forme bénigne) sont incessants chez nous aux temps anciens. Souvent, tant les esprits étaient excitables et dédaigneux de vie et de mort, on passait, sans presque y penser, d'une forme de combat à l'autre, et l'escrime par ébat se terminait en duel à outrance 16. C'est ce que Wace, décrivant au douzième siècle une «escrémie» de ce genre, appelle «tourner le jeu à ire». La réponse à un méchant propos, une épigramme, un dire calomnieux était le duel à outrance. Guillaume le Maréchal, calomnié, demande, au douzième siècle, à se battre trois jours de suite contre trois adversaires différents; s'il n'est pas vainqueur les trois fois, il se soumet d'avance au supplice ignominieux de la pendaison:
Faites moi traîner et pendre 17.
La pratique du duel demeurait d'autant plus fermement établie, que c'était alors un moyen reconnu par l'Église et par la justice de sortir d'embarras et de tirer au clair les questions obscures. Nul n'aurait admis ce que Charron devait affirmer plus tard, qu'on pût être vaincu par fortune. Dans les rencontres solennelles, précédées de serments, on était vaincu par la volonté de Dieu, et c'était l'accomplir que d'achever sur l'échafaud la victime, si elle respirait encore.

La rencontre, comme on peut voir dans la grande ordonnance de Philippe le Bel en 1306, et dans le livre de l'Isle-Adam sur le «gage de bataille», en 1467, avait, en ces occasions, un caractère imposant et religieux; elle était rehaussée par la présence des plus grands personnages: du roi, du seigneur du lieu, du connétable du royaume, assistés de greffiers et de notaires. L'intervention céleste était invoquée à chaque phase des cérémonies préalables: «Et tant plus, pour donner à connaissance qu'ils sont vrais chrétiens, partant de leurs hôtels, se signeront de leurs mains droites et porteront le crucifix ou bannières où seront pourtraits Notre Seigneur, Notre Dame ou les anges ou saints et saintes où ils auront leurs dévotions.» L'appelant parlait le premier, déclarait son défi, demandait à prouver son dire en combat et priait qu'il lui fût baillé «portion du champ, du vent et du soleil». Le défendant parlait à son tour; la partie du champ à la droite du juge était attribuée à l'appelant et la gauche au défendant.

D'une voix retentissante, les hérauts d'armes remémoraient aux assistants leurs devoirs: «Or, oïez! or, oïez! or, oïez!» Ordre à tous, seigneurs, chevaliers et toutes manières de gens, de se tenir à l'écart du champ clos, lequel avait, d'après l'ordonnance, «quarante pas de large et quatre-vingts de long,» et était fermé de poutres, de planches, parfois de pierres ou même de tas de neige. Défense d'être à cheval; défense de proférer aucun cri, de faire aucun bruit. «Ainçois le Roi, notre Sire, vous commande et défend que nul ne parle, ne signe, ne tousse, ne crache, ne crie, ne fasse aucun semblant quel qu'il soit, sous peine de perdre corps et avoir.»

Sur ce avait lieu la plus imposante de toutes les cérémonies, la prestation des serments, dont le troisième et dernier, le plus grave de tous, était juré en ces termes, les deux ennemis s'étant agenouillés, se tenant par la main gauche, la main droite dégantée, leurs gantelets posés sur la croix, emblème de celui qui vint dire aux hommes: Aimez-vous les uns les autres -

«Je, tel, N..., appelant, jure sur cette vraie figure de la passion de notre vrai rédempteur Jésus-Christ, et sur ces Évangiles qui ici sont, sur la foi du baptême, comme chrétien, que je tiens de Dieu, sur les très souveraines joies du paradis auxquelles je renonce pour les très angoissantes peines d'enfer, sur mon âme, sur ma vie et sur mon honneur, que j'ai bonne, sainte et juste querelle à combattre cestui faux et mauvais traître, meurtrier, parjure, menteur, tel, N... que je vois ci-présent devant moi, et de ce j'en appelle Dieu mon vrai juge, Notre-Dame et Monsieur Saint George le bon chevalier à témoins; et... je n'ai et n'entends porter sur moi ni sur mon cheval, paroles, pierres, herbes, charmes, charois (sortilèges), conjurements ni invocations d'ennemis (diables), ne nulles autres choses où j'aie espérance d'avoir aide, ni de lui nuire, ni ai recours fors que en Dieu, par mon corps et mon cheval et par mes armes; et sur ce, je baise cette vraie croix, et les saints Évangiles, et me tais.»

Le défendant jure à son tour; le prêtre qui a reçu les serments prend le livre, la croix, «les boute hors et s'en va.» en faire justice. Et le vainqueur, après que le vaincu est hors des lices, s'en doit partir à cheval, et en ses armes, à honneur et à grand joie... et doivent être confisqués les biens du vaincu,» ou du moins ce qu'il en reste après que le vainqueur a reçu satisfaction 18.

Ces procédés subsistèrent jusque bien avant dans le seizième siècle; mais la confiance n'était plus la même qu'autrefois; on aimait toujours le duel, et même davantage qu'en aucun temps; mais non pas le duel judiciaire. A force de constater des catastrophes notoirement injustes, des doutes étaient venus sur l'excellence de la méthode, et l'Église avait essayé d'en restreindre, puis d'en interdire l'emploi. Les rois avaient rendu des ordonnances aux mêmes fins; on en a du douzième siècle; Saint Louis aurait voulu supprimer entièrement ces duels, mais ne put 19. Au quatorzième siècle, .les doutes apparaissent jusque dans la prière à Dieu, par laquelle Philippe IV termine son ordonnance 20. Plus tard dans le siècle, les doutes sont publics, avoués; c'est un signe des temps que de voir le Religieux de Saint-Denis traiter d'«injustissimum duellum» un duel régulier, précédé de serments, suivi de la pendaison du vaincu à Montfaucon et d'un pèlerinage d'actions de grâce du vainqueur en Terre Sainte (1386).

Le duel terrible dans lequel périt à la même époque le poète chevalier Othon de Granson, «fleur de ceux qui riment en France,» contribua à répandre ces doutes. Tombé en disgrâce à la cour de Savoie, il avait laissé en partant, suivant le procédé qu'on imitait dans les pas d'armes, «certains articles» et «jeté son gage», déclarant qu'il était prêt à combattre «tous ceux qui le voudraient charger de son honneur». Il partit alors pour l'Angleterre, «où il était bien connu et aimé pour sa chevalerie, tant du roi comme de sa noblesse,» et aussi de Chaucer le poète, celui-la même qui l'avait appelé «flour of hem that make in France».

Tandis qu'il était à Calais, attendant un vent favorable, il apprit que son gage était relevé par Girard d'Estavayé, qui le tenait pour déloyal. Il revint aussitôt, malgré qu'il «avait plus de soixante ans d'âge, dont par droit d'armes et par le jugement de l'Arbre des Batailles, homme qui passe soixante ans ne doit, par juge, être reçu à exécuter gage de bataille, parce que, de icelui, les membres défensifs et l'haleine de l'homme sont altérés et diminués de leur puissance». Le combat eut lieu à Bourg en Bresse, le 7 août 1397.

«Au commencer leur bataille, ledit messire Othon, enferra son ennemi d'un coup de lance en la cuisse senestre, et, s'il eût voulu poursuivre, messire Girard avait du pire; mais il le laissa (se) déferrer, et advint de cette bataille comme j'ai dit, que messire Othon de Granson fut abattu et navré à mort, et fut la fin si piteuse que son ennemi lui leva la visière de son bassinet et lui creva les deux yeux, en lui disant:
Rends-toi et te dédis!
Ce que le bon chevalier, pour détresse qui lui fut faite, ne se voulut oncques dédire ni rendre; et disait toujours, tant qu'il put parler: Je me rends à Dieu et à Madame Sainte Anne. — Et ainsi mourut.

Un maréchal de France qui là était, en habit dissimulé, pour voir l'exécution de ce gage,» requit le comte de Savoie qu'il lui donnât, «comme maréchal de France,» le corps du vaincu; ce qui fut fait, bien que la Bresse fût terre d'Empire; «et lui fut le corps délivré, en délaissant beaucoup de cérémonies honteuses, accoutumées de faire à homme vaincu 21.»

Le maréchal se fondait sur ce que, si Granson s'était rendu, c'était à Dieu et non à son ennemi: simple prétexte qu'on fut heureux de saisir; la confiance assurée dans la justice de ces épreuves était chose du passé.

Moins religieux, plus mondains, les duels ne cessent pas, bien au contraire; ils atteignent leur apogée au seizième siècle. Sauf en des cas exceptionnels, ils ne se présentent plus sous la forme d'un grave et solennel jugement; ils deviennent un simple sport, une manière de montrer qui on est et ce qu'on vaut. On se provoque pour des motifs si futiles qu'il est bien évident que le motif n'est rien et qu'on se bat, en réalité, pour le plaisir de se battre; c'est un jeu d'exercice pour s'entretenir le courage en bon état.

Les jeunes gens vivent côte à côte, au milieu des fêtes et des guerres, entourés d'objets d'art mieux appréciés qu'ils n'ont jamais été, fredonnant les couplets de Ronsard, mais toujours au moment de tirer l'épée: peut-être pour une grande querelle de parti, peut-être pour un amusement mortel. «La cour est la plus étrange que vous l'ayez jamais vue,» écrit en 1576 un bon juge en fait d'armes, Henri de Navarre, futur Henri IV; «nous sommes presque toujours prêts à nous couper la gorge les uns aux autres. Nous portons dagues, jaques de mailles et bien souvent la cuirassine sous la cape... Le Roi est aussi bien menacé que moi... Je n'attends que l'heure de donner une petite bataille, car ils disent qu'ils me tueront, et je veux gagner les devants 22.»

La lourde épée des croisés et leur énorme lance n'étaient plus de saison: il fallait être prêt à toute heure; être toujours léger, dispos, muni d'armes fines et sûres, cuirassé sans qu'on le vît; la bouche souriante, mais l'œil attentif; la main jouant avec le médaillon du collier, mais prête à saisir la dague ou l'épée. C'est le temps des rapières aiguës, redoutables par leurs pointes et leurs tranchants, des savants maîtres d'escrime, des bottes secrètes. Ce fut une science proprement italienne qui se répandit alors en France: autrement compliquée et subtile que l'ancien jeu tout simple, convenable pour des armes pesantes, qu'enseignaient, au moyen âge, les «escrémisseurs» français 23. La nécessité des mœurs fit s'acclimater chez nous la nouvelle science, d'abord telle quelle, puis, sous Louis XIV, avec des modifications caractéristiques. Les plus anciens manuels faisant autorité étaient italiens; par-dessus tous, au seizième siècle, celui d'Achille Marozzo, de Bologne, «maître général de l'art des armes 24,» ensuite celui de Grassi 25. On étudia ces livres et on les imita chez nous; on allait à Milan prendre des leçons d'armes: «J'y demeurai un mois, dit Brantôme, tant pour voir la ville qui est des plus plaisantes d'Italie, que pour apprendre à tirer des armes du grand Tappe, très bon tireur d'armes alors.»

Toutefois, cet art nouveau, avec ses secrets, ses feintes et parades, ne plaisait pas à tous, et certains, parmi les plus nobles et les plus fiers, répugnèrent d'abord à y recourir; il leur semblait que ce fût déroger; qu'il y eût une part de traîtrise dans ce jeu, et qu'il fût indigne des ancêtres. «En mon enfance, dit Montaigne, la noblesse fuyait la réputation de bien escrimer comme injurieuse et se dérobait pour l'apprendre, comme un métier de subtilité dérogeant à la vraie et naïve vertu.»

Il en fut de l'escrime ou «milice de l'épée» comme des armes à feu, honnies d'abord, mais que les plus rétifs durent bien, à la fin, se résoudre à employer 26. Quand les rois donnèrent l'exemple, les scrupules ne furent plus de mise. Henri II, rapporte Brantôme, excellait à «tirer des armes, qu'il avait bien en main, et trop pour M. de Bouccard, son écuyer, auquel il creva l'œil... dont il lui en demanda pardon, car c'était un fort honnête et brave gentilhomme». Ronsard félicite Henri II précisément de cet art des feintes qui paraissait à l'ancienne noblesse une subtilité indigne d'elle:
Car où est l'escrimeur qui ses armes approuche
De toi, sans remporter au logis une touche?...
Nul mieux que toi ne sait comme il faut démarcher;
Comme il faut un coup feint sous les armes cacher,
Comme on garde le temps et comme on se mesure,
Comme on ne doit tirer un coup à l'aventure 27.
Les assauts d'armes devinrent des passe-temps élégants; on faisait venir des tireurs habiles, en même temps que des comédiens, pour égayer une soirée à la cour.

«Après dîner, écrit de Paris l'ambassadeur d'Angleterre en 1572, le duc d'Anjou fit représenter devant nous une comédie et nous montra des eskrymeurs.» La cour donnant le ton, les seigneurs durent suivre, et les paysans, comme d'ordinaire, imitèrent de loin les seigneurs. Dans ses Propos rustiques, Noël du Fail expose comment «maître Pierre, prié par les anciens qu'il fît quelque honnêteté de son épée, commença à montrer certains points d'escrime et tous mortels, disant: ce faux montant est dangereux avec une soudaine démarche à côté, ou bien, en entrant d'un estoc volant, ou si vous voulez d'une basse taille, car jamais fendant ou revers ne vous saurait toucher, car vous êtes toujours couvert. Voilà un coup de quoi on ne donne rémission...» Il parle, il s'essouffle; tout le village est dans l'admiration. «Maître Pierre étant au bout de son savoir cessa son jeu.» (1547.)

Sous Charles IX parut le premier traité français consacré à la science nouvelle, la science à secrets, l'escrime avec feintes. C'est le Traité d'Henri de Saint-Didier, contenant les secrets du premier livre sur l'épée seule, mère de toutes armes... fort utile et profitable pour adextrer la noblesse et suppôts de Mars. L'ouvrage très bien imprimé et orné de jolies gravures fut publié en 1573. Saint-Didier, pénétré de l'importance de son art, déclare que, pauvre et vieilli dans les guerres, après avoir enseigné les armes au roi, au duc de Guise et à bien d'autres, il veut être encore utile, maintenant qu'il vit, par force, tranquille, retiré dans son cabinet. Il va donc écrire et il espère que «les muses viendront l'assister». Elles viennent en effet et rarement plus ample moisson de vers élogieux n'a servi, même à cette époque, de préambule à un ouvrage. Parmi tous ces poèmes figure un sonnet d'Amadis Jamyn, le page et l'élève de Ronsard. L'art, l'habileté, les feintes sont maintenant admis, et Jamyn félicite Saint-Didier de les enseigner:

Et d'autant que, par art et docte expérience,

Tu ranges Mars douteux en ta sujétion.

Saint-Didier entre dans son sujet et expose «comment il se faut planter pour bien mettre l'épée au poing, tant en temps de paix qu'en temps de guerre, avec les démarches, gardes, dégainements et assituations requises en cet art». Il connaît les Italiens et profite de leur expérience; mais il se sert aussi de la sienne, discute les idées des maîtres d'outre-monts, les réfute souvent et en adopte d'autres.

Il se forme ainsi une école française d'escrime 28 et, bien que cet art nouveau ne fût pas une invention française, la manière dont les Français la pratiquèrent ne tarda pas à être remarquée. On en parla au dehors. Henri IV envoie au Prince de Galles un «escrimeur» français en 1603. Dans une de ses comédies, Shakespeare représente un médecin français grotesque: le docteur Caius a tous les ridicules, mais «il est habile à se servir de sa rapière» 29; c'est une habitude française.

L'escrime et le goût des duels se répandirent donc, d'autant plus meurtriers que les seconds et les tiers prenaient part aussi à la querelle, sans même savoir parfois de quoi il s'agissait, et s'entre-tuaient pour le plaisir.

«Mettez trois Français aux déserts de Libye,» disait Montaigne voyant ces mœurs, «ils ne seront pas un mois ensemble sans se quereller et égratigner.» Au seizième siècle, pour les causes les plus vaines, avait lieu le duel «à toute outrance», contre toute raison, blâmé en vain par les hommes réfléchis, par des sceptiques comme Montaigne et des gens de guerre comme La Noue, et soutenu par le préjugé, qui était le plus fort. «Mais, dira quelqu'un,» écrit La Noue, «les duels ne sont-ils pas interdits en France? — Oui, ceux qui se font avec lois et cérémonies publiques (qui sont pareillement interdits par le Pape ès lieux où sa monarchie s'étend: qui est une bonne ordonnance). Néanmoins, pour cela, nous ne sommes à repos; car, maintenant que tout respect est perdu, on assigne les combats sans autorité, et se bat-on quand il en prend fantaisie, tant contre ceux que l'on hait que contre ses propres amis.» C'est véritablement un sport et il n'y faut pas plus de motifs de haine que pour une partie de paume. «Et si on voulait bien compter tous ceux qui se tuent en chacune année par ces discordes privées, on trouverait qu'il s'est donné des batailles où il n'est point mort tant de noblesse et de soldats.» Tout cela est causé par l'orgueil, les dissensions civiles, le relâchement de la discipline générale: «De toutes ces causes conjointes ensemble, avec la mauvaise disposition que les longues guerres ont engendrée, s'est formé ce hideux animal qui se nomme Querelle, lequel, s'étant jeté au milieu de la noblesse, la va petit à petit dévorant, sans qu'elle s'en aperçoive. Quel acte fut celui de ces six gentilshommes courtisans qui s'assignèrent lieu aux Tournelles, où ils s'acharnèrent si bien que quatre demeurèrent sur la place, et les autres, fort blessés? Tels y avait entre eux, qui eussent pu, avec le temps, atteindre à de hautes dignités, et néanmoins, poussés d'une souveraine folie, aimèrent mieux périr en la plus belle fleur de leur âge: ce qui est déplorable.»

Le rôle des seconds et des tiers, qui met si bien en lumière le caractère sportif de ces jeux mortels, semble au vieux Bras-de-Fer absolument incompréhensible: «Quand je viens à penser à un autre abus qui est maintenant en grand usage entre les plus galants, je me trouve ébahi, de quoi, étant si pernicieux, il a si longue durée. C'est que, lorsque quelqu'un, prend fantaisie de s'aller battre, il faut que celui qui le seconde (comme on parle) ou qui le tierce, se batte aussi à outrance, contre les seconds et les tiers de la part contraire. Même il y a presse à qui sera de ce nombre... Saurait-on imaginer une plus folle folie que celle-là, de voir un gentilhomme, sans nulle occasion de haine contre un sien compagnon de cour, mais plutôt ayant entre eux quelque obligation d'amitié, néanmoins, par une certaine obligation de galanterie, s'aller couper la gorge avec lui, encore que ce fût son parent 30?»

C'est qu'il ne s'agissait pas de haine, mais de jeux ou, comme dit La Noue, d'une manière de galanterie. Ses contemporains cherchaient à s'aveugler en parlant de point d'honneur. «La vraie grandeur, disait Hamlet, consiste à trouver dans une paille le sujet d'une querelle immense, quand l'honneur est en cause 31.» Sans doute, mais qu'entendez-vous par là? répliquait La Noue aux gens de cette opinion; nos ancêtres n'étaient pas moins braves que nous, et ne se battaient pas pour rien à toute outrance; ils avaient d'autres jeux: «Le vrai point d'honneur était mieux entendu qu'à cette heure.»

La Noue tâchait de préparer l'avenir, sans espoir d'enrayer sur-le-champ ces passions déchaînées: on ne saurait semer et moissonner à la même heure. Les combats étaient innombrables; les lettres, les mémoires, les histoires du temps en sont remplis; les contemporains en notaient curieusement les détails afin de constituer, par précédents, une sorte de jurisprudence: duel fameux de Jarnac et de La Châtaigneraie, duel de Saint-Mégrin et de Troïlo Orsini, duel de Bayard même. Bayard, entrant au champ clos, en face de son adversaire, don Alonse de Soto Maior (qui avait traité le bon chevalier de discourtois et n'avait voulu s'en dédire), se mit à genoux, pria, baisa la terre et «marcha droit à son ennemi, aussi assuré que s'il eût été en un palais à danser parmi les dames». Après diverses péripéties, Bayard traverse la gorge de l'Espagnol. «Don Alonse, se sentant frappé à mort,» raconte le Loyal Serviteur, «laissa son estoc et va saisir au corps le bon chevalier, qui le prit aussi comme par manière de lutte, et se promenèrent si bien que tous deux tombèrent à terre, l'un près de l'autre. Le bon chevalier, diligent et soudain, prend son poignard et le met dedans les naseaux de son ennemi, en lui criant: — Rendez-vous, seigneur Alonse, ou vous êtes mort. — Mais il n'avait garde de parler, car déjà était passé 32.»

Certains détails de ces combats rappelaient encore le moyen âge et les anciens duels auxquels l'idée d'un jugement de Dieu était associée. Le duel de Jarnac et de La Châtaigneraie ne commença qu'à la tombée du jour, les cérémonies préliminaires ayant occupé la journée entière, à partir de six heures du matin (1547). Bayard, dans son duel, traîne le cadavre par une jambe «ignominieusement, comme un tronc mort ou un chien», mais uniquement pour ne pas créer de précédent et afin de maintenir la règle médiévale que le cadavre est la propriété du vainqueur; il le rend ensuite au «parrain» de la victime «Je vous le rends, et vraiment, je voudrais, mon honneur sauf, qu'il fût autrement,» montrant ainsi, par nouvelle preuve, que don Alonse avait eu tort de nier sa courtoisie.

Dans ces champs clos bornés de pierres ou de planches, dans ces tueries élégantes du Pré-aux-Clercs, la férocité des temps anciens et la grâce des temps nouveaux étaient étrangement réunies. La jurisprudence était encore incertaine; les coups et parades de la main gauche faisaient partie intégrante de la science et furent de mise jusqu'au dix-huitième siècle; les meilleurs maîtres d'armes les enseignaient; Saint-Didier montrait comment, «à prinse, faut faire contreprinse,» c'est-à-dire saisir de la main gauche l'épée de l'adversaire qui a empoigné la vôtre 33: tous usages rappelant la liberté des anciens duels judiciaires du moyen âge, où chacun pouvait «combattre à cheval et à pied», à son gré «porter telles armes qu'il voulait», offensives ou défensives 34. Entré au champ comme pour une danse, on se roulait à terre comme dans une lutte: ainsi faisait Bayard, ainsi fit Saint-Mégrin; on profitait, quitte à discuter ensuite, de maints hasards et circonstances fortuites. Beaucoup, d'ailleurs, étaient d'avis, dit Brantôme, «qu'il ne fallait point parler de courtoisie nullement, sinon qui entrait en champ clos fallait se proposer vaincre ou mourir et surtout ne se rendre point.» Le baron de Guerres, roulant sur le sol avec son adversaire, l'étouffe et l'aveugle en lui remplissant la bouche et les yeux de sable 35. Saint-Mégrin trouve moyen d'arracher une épine d'un buisson et, tenant son ennemi à terre, le force à se rendre sous menace de lui crever les yeux. Marozzo considère comme faisant partie de l'escrime l'art de se défendre sans armes contre un homme armé: ses élèves doivent être toujours prêts, qu'il s'agisse d'un duel dans les formes ou de l'attaque inattendue d'un bravo.

Comme aux joutes, daines, demoiselles, princesses illustres accouraient «pour voir le cruel passe temps». On peut lire dans Brantôme le récit d'un duel, à Ferrare, en présence de Bayard, de Gaston de Foix duc de Nemours et de la duchesse de Ferrare, «laquelle pour lors était des plus belles et accomplies princesses de la chrétienté, fût pour le corps que pour l'esprit, et qui parlait force belles langues. Aussi M. de Nemours, pour sa perfection, en était épris un peu beaucoup et en portait les couleurs, gris et noir, comme dit le conte, et une faveur qu'il avait sur soi le jour de la bataille de Ravenne,» en ce jour fatal et glorieux où pavots et lauriers devaient se mêler sur le front du vainqueur. Cette duchesse, «aussi bonne et courtoise comme belle et vertueuse,» un peu difficile à reconnaître sous des traits aussi doux, s'appelait Lucrèce Borgia.

Quant à la question même, si débattue, des moyens permis et défendus, elle resta longtemps incertaine et le seizième siècle ne la vit pas tranchée. Brantôme se contente de dire: «En ces combats hâtifs et précipités, il ne faut parler de la vie; mais quand on respire encore, il faut être courtois sur le vaincu: la gloire en est très belle et pie.» Pour ce qui est du duel, on ne saurait, pense le même auteur, songer à l'abolir; René de Birague, garde des sceaux, qui voulut le faire, fut couvert de moqueries: alors il faudrait donc «abolir le point d'honneur des hommes et des femmes. Cela est bon à des religieux et hermites». Et qu'on ne nous parle de religion: il y a des duels dans l'Écriture, et le seigneur de Bourdeille, se rappelant qu'il est abbé de Brantôme, ouvre la Bible et appuie son dire sur l'exemple inattendu de David et Goliath.

Il devait être réservé à un ecclésiastique de plus haut rang, cardinal de la Sainte Église Romaine et duc du royaume de France, d'endiguer une première fois ce courant, nonobstant le point d'honneur des hommes et des femmes et l'exemple de Goliath.


Notes
1. Charron, De la Sagesse, liv. III, chap. XIX.
2. Claude Binet, les Plaisirs de la vie rustique, Paris, 1583, in-12, fol. 5, dédié à Pibrac, contenant l'éloge de la vie simple et champêtre que mènent Janot et Fleurie sa bergère.
3. Une table de ce genre, avec les piquets, attaches ou stumps, les balles et la batte, figure dans les miniatures du Livre d'Ango (vers 1514), fol. 39. Ms. Lat. Nouv. Acquis. n° 392, à la Bibliothèque Nationale.
4. Par «Forbet l'aisné, maistre en cest exercice,» Paris, 1599.
5. De Arle gymnastica Libri, in quibus... quidquid... ad corporis humani exercitationes pertinet diligenter explicatur... opus non modo medicis, verumetiam omnibus antiquarum rerum cognoscendarum et valetudinis conservandœ studiosis, admodum utile. Paris, 1577 (2° édition); dédicace datée de Padoue, 1573. Mercurialis avait d'abord pensé écrire «in vulgus», mais il reconnut que ce serait s'interdire toute influence et tout succès européen. Il écrivit donc en latin. Il a grand soin de spécifier qu'il peut justifier chacun de ses dires par un exemple antique:»Quod factum est a me, magna animi contentione.» Son livre avait d'abord paru à Venise en 1569 (moins complet) et y fut réimprimé en 1573, 1587, 1601. Parmi les ouvrages que fit naître chez nous le succès de Mercurialis, on peut citer: Agonisticon Petri Fabri Sanforiani... sive de re athletica ludisque veterum gymnicis, Lyon, 1595.
6. «Divina Providentia non ob aliud nobis pedes fabricavit,» fol. 87.
7. Il faut faire les exercices à ciel ouvert, «ob liberiorem et puriorem aerem, qui non in locis brevibus et occlusis, sed in viis apertis crebrius infunditur,» fol. 141.
8. Tout un chapitre: «An erectum stare sit exercitatio,» fol. 89.
9. Comment Gargantua feut institué par Ponocrates en telle discipline qu'il ne perdoit heure du jour. (Liv. I, chap. XXIII.)
10. Essais, éd. Louandre, 1891, t. III, p. 63.
11. Discours politiques et militaires du sieur de La Noue, Bâle, 1587, in-4°, pp. 178 et 200. L'ouvrage fut traduit en anglais et publié à Londres la même année.
12. «Aver tolto la corazza per moglie.» Cortegiano, liv. I, chap. XVII. Pour Londres, voir en particulier Ascham, The Scholemaster, éd. Arber, pp. 63, 64. (1re éd., Londres, 1570.)
13. Discours politiques, pp. 127 et suiv., 141 et suiv.
14. The compleat gentleman, fashioning him absolute in the most necessarie and commendable qualities concerning minde and bodie, Londres, 1627, in-4° (2e éd.). Voir chap. XIV, Of Exercise (of the) body; chap, XVI, Of Travaile, et la préface sur M. de Ligny, sur ses idées et sur la tenue de sa maison. Peacham, né vers 1576, avait donné en 1622 la première édition (moins complète) de son livre.
15. Vie de François de Bourdeille. — Œuvres, éd. Lalanne, t. X.
16. Voir un exemple d'escrime badine, avec des roseaux, changée en querelle violente, entre Richard Cœur-de-Lion et Guillaume des Barres, dans Benoît De Peterborough, De Vita et Gestis... Ricardi 1er, éd. Hearne, 1735 (année 1190).
17. Histoire de Guillaume le Maréchal, éd. P. Meyer, t. I, p. 208.
18. Le Livre du seigneur de l'Isle-Adam pour gaigede bataille, 1467; dans Prost, Traités du duel judiciaire, 1872, pp. 28 et suiv.
19. «Nous deffendons à tous les batailles par tout nostre demenge... et en lieu de batailles nous metons prueves de tesmoins.» Octave de la chandeleur, 1260. (Isambert, Anciennes Lois, t. I, p. 284.)
20. «Or faisons à Dieu prière qu'il garde le droit à qui l'ha, et que chascun bon chrestien se garde d'(enchoir) en tel péril, car entre tous les périls qui sont, c'est celuy que l'on doit plus craindre et redouter, dont maint noble s'en est trouvé déceu, ayant bon droit ou non, par trop se confier en leurs engins et en leurs forces, ou aveuglez par ire ou outrecuidance: et, aucunes fois, par la honte du monde... refusent paix ou convenables partis.» (Ibid., p. 845.)
21. Le Livre de l'advis de gaige de bataille, par Olivier De La Marche, dans Prost, ibid., pp. 4 et suiv.
22. Lettres missives de Henri IV, éd. B. de Xivrey, t. I, p. 81.
23. Paris comptait sept «escremisseeurs» en 1292. (Géraud, Paris sous Philippe le Bel, 1837, p. 506.)
24. Opera nova de Achille Marozzo Bolognese maestro generale de larte de larmi (première moitié du seizième siècle); gravures. Marozzo enseigne le maniement de toutes sortes d'armes, y compris l'épée à deux mains.
25. Giacomo Di Grassi, Ragione di adoprar sicuramente l'armi da offesa, come da difesa, Venise, 1570, in-4°, gravures.
26. Un scrupule de ce genre paraît encore dans les instructions de Jacques 1er d'Angleterre à son fils, en matière de sport: il lui interdit la chasse à tir comme étant une sorte de félonie contre les animaux, «a theevish forme of hunting.» (Basilicon Doron.)
27. Les Hymnes. — De Henri, deuxiesme de ce nom.
28. On trouvera l'énumération des principaux maîtres dans la Bibliographie de l'escrime ancienne et moderne, par Vigeant, maître d'armes, Paris, 1882, in-8°. — Consulter aussi Gomard, la Théorie de l'escrime, 1843 (liste des maîtres fameux).
29. Page: — «I have heard the Frenchman hath good skill in his rapier.» Il s'agit de «Caius the French doctor», Merry Wives (II, I).
30. Discours politiques, Bâle, 1587, p. 242
31. Rightly to be great...
(Is) greatly to find quarrel in a straw
When honour's at stake. (IV, 4.)

32. Histoire du gentil seigneur de Bayart, par le Loyal Serviteur; Société de l'Histoire de France, 1878, in-8°, p. 105. «Le camp ne fut que de grosses pierres mises l'une près de l'autre.»
33. «Et pour ce faire, le lieutenant estant sur le pied gauche tirera un roidde maindroit, ou estoc d'ault, sur le costé gauche dudit prevost, et à un mesme instant, tournera advancer le pied gauche et prendra la garde de l'espée dudit prevost venant par dessous son bras, et voulant donner le tour, le prevost a fait la contreprinse qui est tout de mesme comme luy avoit dit et monstré, comme est cy dessus à sa portraiture, cotté en chiffre, au derrière de son col, 85.» Les Secrets... sur l'espée seule, 1573, fol. 64.
34. Ordonnance de Philippe IV, 1306. (Isambert, Anciennes Lois, t. II, p. 838.)
35. Il n'y avait pas pensé de lui-même; ce furent ses amis du dehors qui lui en donnèrent l'idée. Ils profitèrent du désordre causé par l'écroulement d'une estrade pleine de dames, pour lui crier ce conseil malgré les défenses pour les assistants de prononcer aucune parole; de là résultèrent, comme on peut croire, de vives contestations. (Brantôme, Discours sur les duels. — Œuvres, t. VI, p. 238.)

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