Le sport et les moeurs au temps de Louis XIV

Jean-Jules Jusserand
I



Au dix-septième siècle, l'esprit de discipline l'emporte sur l'esprit de révolte; l'ordre l'emporte sur le désordre; le mouvement de réaction qui avait commencé à la fin de l'âge précédent, s'accentue et dépasse même ce juste milieu auquel il est, à vrai dire, impossible de s'arrêter: car, dans notre société fragile et imparfaite, l'arrêt au juste milieu équivaut à la mort. «La perfection n'est pas de ce monde,» dit un proverbe populaire: elle ne saurait être du monde des vivants. C'est déjà beau d'éviter les oscillations excessives et les saccades désordonnées: ce résultat, du moins, est obtenu, pour un temps, et la règle maintenant s'impose. Les guerres civiles cessent, mais l'extrême centralisation commence; les déchirements religieux ne mettent plus l'État en danger; mais la liberté de conscience est atteinte, et l'édit de Nantes va être révoqué.

Un besoin impérieux d'ordre et de régularisation se faisait sentir dès l'aurore du siècle, par tout le pays: sans cela, le génie d'Henri IV, de Richelieu et de Louis XIV fût demeuré inefficace. Cette aspiration universelle et l'action gouvernementale de ces grands hommes sauvèrent la France, dont on avait pu prédire, par moments, au cours du seizième siècle, la dissolution prochaine. «Les enfants pourront donc juger, écrivait Montluc en 1567, à qui il a tenu et quelle a été la source des guerres civiles, j'entends des grands, car ils n'ont pas coutume de se faire brûler pour la parole de Dieu. Si la Reine et M. l'amiral étaient en un cabinet et que feu M. le prince de Condé et M. de Guise y fussent aussi, je leur ferais confesser qu'autre chose que la religion les a mus à faire entre-tuer trois cent mille hommes; et je ne sais pas si nous sommes au bout, car j'ai ouï dire qu'il y a une prophétie, je ne sais pas si c'est de Nostradamus, qui dit que les enfants montreront à leurs mères, pour merveille, quand ils verront un homme, tant peu il y en aura, s'étant tous entre-tués. Mais n'en parlons, le cœur m'en crève à moi-même, qui n'y ai le moindre intérêt et qui m'en irai bientôt dans l'autre monde 1.

Une réaction était indispensable; elle se produisit lentement, acquérant des forces, d'année en année, pendant plus d'un demi-siècle; les donjons, signes d'indépendance seigneuriale, menace contre tous et même contre le roi, sont démantelés en grand nombre; les lois sur le duel, tournées en dérision par Brantôme, sont appliquées par Richelieu avec la peine de mort pour sanction; l'œuvre du cardinal est continuée par Louis XIV, qui rend une vingtaine d'ordonnances contre les duels 2, attire la noblesse à sa cour et devient si réellement le centre de ses empires que c'est la plus grave peine pour un noble d'être exclu de sa présence: Bussy-Rabutin en fut la preuve vivante. Jadis, le premier soin d'un mécontent était de quitter la cour, et c'était le Roi qui s'inquiétait de cette disparition, s'irritait ou s'affligeait, suivant le cas, de ce départ, et avec toute raison. L'envoi hors de la présence royale est maintenant un exil hors du Paradis. «Vivez donc aux champs, gentilshommes!» — Ce conseil de Rapin eût semblé à Bussy une raillerie atroce. On vit aux champs si on a une fonction, si on est ruiné, si on est exilé, si on est le mari de Mme de Montespan; bref, quand on ne peut pas faire autrement.

Ces changements considérables influent tout naturellement sur les petites choses comme sur les grandes: l'arrivée d'une saison nouvelle se manifeste à la pointe des mousses comme aux bourgeons des chênes. Que l'on considère le Roi, la cour, les trois États, la religion, les arts, les lettres ou simplement les jeux, il est impossible d'avoir le moindre doute: une saison nouvelle commence. «Voyez, écrit avec satisfaction un auteur du temps de Louis XIII, les nobles, les officiers des cours souveraines, les bons bourgeois, à quoi ils se délectent: ils méprisent ce qui, anciennement, était le plaisir des rois et des princes. La paume? elle est trop violente. La comédie? elle est trop commune. La boule? elle est trop vile. Et quoi donc? faut aller au cours avec le carrosse à quatre chevaux, le petit pas, pour deviser, chanter, lire quelque nouvelle impression, voir et contempler les actions des uns et des autres et, à l'exemple des plus honnêtes, se rendre agréable aux compagnies 3.»

L'équitation et l'escrime, qui avaient eu déjà leurs Ronsards au seizième siècle, ont maintenant leurs Malherbes et bientôt leurs Boileaux. On rédige pour eux des «Arts poétiques»:

Et le vers sur le vers n'osa glus enjamber.

La plupart des anciennes audaces sont proscrites en prose comme en vers, à la salle d'armes comme sur le Parnasse. Non seulement la violence des vieux exercices continue de s'atténuer, mais les seuls qui progressent sont ceux qui peuvent faire valoir une belle prestance, une élégante tournure, la grâce unie à la majesté; au premier rang de tous, l'équitation.

L'armement d'autrefois tombe en désuétude; la lance de guerre a disparu. «Les Espagnols seuls, écrit le duc de Rohan, sous Louis XIII, ont encore retenu quelques compagnies de lances qu'ils conservent plutôt par gravité que par raison 4.»

On ne porte plus les armures complètes, si ce n'est pour se faire peindre; les officiers mêmes rejettent la cuirasse, et il faut une injonction de Louis XIV pour la leur faire endosser: «Le roi, écrit Dangeau, a ordonné que tous les officiers de cavalerie, aux jours d'occasion et dans les détachements, eussent des cuirasses à l'épreuve du mousquet devant et du pistolet derrière, et a déclaré qu'il ferait casser le premier qui y contreviendrait 5.»

Dans les salles d'armes, on s'écarte bien loin de la nature, de la pratique, des nécessités réelles; la part de la théorie devient immense; on se livre à des exercices de doigté d'une finesse, d'une grâce et d'une habileté merveilleuses, mais qui ne servent guère dans une rencontre. Déjà, sous le règne précédent, Thibault d'Anvers, contemporain des précieuses, avait enseigné aux précieux de l'escrime le fin du fin de leur art. Il démontrait, «par règles mathématiques, sur le fondement d'un cercle mystérieux, la théorie et la pratique des vrais et jusqu'à présent inconnus secrets du maniement des armes à pied et à cheval 6.» Son livre, de proportions colossales, orné de magnifiques gravures, est une apocalypse expliquée; le comble du secret révélé, la martingale des joueurs d'épée. Ses gravures sont encombrées de figures géométriques, de lettres, de lignes, de cercles, rapprochant les dimensions, le poids et les poses du corps de ceux de l'épée. L'échec est impossible; il suffit de bien suivre la méthode: encore, il est vrai, faut-il la comprendre, et c'est là le point. Beaucoup d'escrimeurs, qui n'avaient pas la tête aux mathématiques, y renoncèrent et ne gardèrent le livre que par curiosité, pour ses gravures, comme on a chez soi Nostradamus sans y croire. Le goût pour la finesse, qui allait se répandant, trouvait suffisamment à se satisfaire avec l'escrime enseignée maintenant dans les salles: l'escrime au fleuret, mince, flexible et léger, et ses règles rigoureuses et compliquées. Car on continuait de les aimer ainsi depuis la Renaissance, et on en voulait de pareilles en toute chose. Scudéry voit des règles jusque dans l'art d'après lequel on compose les Grands Cyrus. Les beaux jours de l'école du fleuret commencent, employé déjà au seizième siècle; mais il équivalait alors, comme poids et forme, à l'arme de combat et consistait en une rapière terminée par un bouton, une fleurette: d'où son nom. C'est à cause de cette similitude que Laerte peut mêler une rapière aux fleurets sans qu'Hamlet le remarque, et donner ainsi, au milieu de son jeu, le signal de la grande hécatombe finale dans la pièce de Shakespeare. Les fleurets dont parle Montaigne étaient de cette sorte, et ceux aussi que mentionne Régnier quand il énumère les passe-temps mondains de son époque. Le cavalier à la mode, sous Henri IV:
    Fait crever les courtaux en chassant aux forêts,
    Court le faquin, la bague, escrime des fleurets...
    Talonne le genet et le dresse aux passades,
    Chante des airs nouveaux, invente des ballets,
    Sait écrire et porter les vers et les poulets 7.

Au cours du siècle, tout en connaissant encore le «fleuret lourd», on emploie de plus en plus le «fleuret léger 8», analogue au nôtre. On risquait, sans doute, comme l'a justement remarqué M. Maurice Maindron, d'amener l'escrime, avec cette arme ténue, «à un état théorique et artificiel qui n'a fait que s'exagérer de nos jours, en donnant à l'instrument de l'exercice une légèreté supérieure à celle de l'arme qu'il doit en réalité représenter.» Mais on n'y prit pas garde alors. On se passionnait pour les principes, les belles doctrines, la recherche de l'absolu; on fuyait les vulgarités, les trivialités, la nature basse. On ne se roulera plus à terre comme Bayard ou Saint-Mégrin. Bayard, avant de rouler par terre, entrait au champ clos comme dans une danse: c'était une figure de langage; maintenant, c'est presque une réalité; on se met en garde en faisant la révérence. — «Allons, monsieur, la révérence!» dit le maître d'armes à M. Jourdain. — «Pour bien faire la révérence,» écrit Le Perche dans un traité publié au dix-septième siècle, qui n'a rien de comique et fit autorité pendant plus de cent ans, «après s'être bien mis en garde, il faut d'abord ôter son chapeau de la main gauche et le laisser tomber sur le genou gauche, en traînant le pied droit derrière le gauche 9,» etc.

Une école toute française d'escrimeurs se forme alors, distinguée, dit encore M. Maindron, «par une simplification scientifique dans les attaques, les parades et les positions du corps, dans un jeu de plus en plus serré et correct, substitué aux expédients tirés de la force et de l'agilité personnelles.» Les inconvénients d'un enseignement un peu trop théorique et s'écartant des réalités du combat étaient moins sensibles à une époque où le changement des mœurs et la rigueur des lois avaient fini par rendre le duel beaucoup plus rare qu'au siècle d'avant, et où il était moins nécessaire que les maîtres d'armes montrassent avant tout, avec leurs bottes secrètes, l'art de tuer.

Telle qu'elle se constitua sous le Grand Roi, la nouvelle école des escrimeurs français n'obtint pas moins bonne réputation que l'ancienne. Pour l'escrime des armes, écrit Michel de Marolles, «jusques à quel point est-ce que l'ont portée feu M. de Bouteville, les barons de Lupes et de Vaillac, Ganville, M. le comte de Saint-Aignan d'aujourd'hui... et un très grand nombre de tireurs d'armes et de prévôts de salles, que ceux du dehors ne sauraient se vanter d'avoir battus 10!»

Cette école, guérie de l'excès de révérences et mouvements de chapeau qui la distingua un moment, s'est perpétuée jusqu'à nos jours; elle garde encore ses caractéristiques principales et n'est pas déchue de son antique célébrité.


II



Les questions d'élégance, de grâce et de dignité préoccupent le cavalier du dix-septième siècle autant au moins que l'escrimeur; l'équitation savante grandit en importance. On avait commencé, dès la Renaissance, à en rechercher les règles et principes; maintenant les magistrales théories abondent, et celles qui viennent de notre pays ont d'autant plus d'autorité que jamais notre renom comme cavaliers n'avait été plus brillant. Les «académies» où l'on enseignait les arts nécessaires à un jeune gentilhomme se multiplient en France dans cette période. Elles furent d'abord imitées d'Italie et ressemblaient mal à celles que rêvait La Noue; on y chercherait en vain ce juste équilibre du corps et de l'esprit qu'avait préconisé le sage Bras-de-Fer: le corps l'emportait, on n'en saurait douter. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur certain interrogatoire d'un élève, mis à la Bastille, à la demande de son père. Le père était Jean Varin, célèbre aujourd’hui comme graveur et qui était célèbre alors comme graveur et comme avare:
    - «S'il n'est pas vrai que le sieur Varin son père, voyant qu'il n'avait pas inclination aux études, l'a mis en l'Académie Royale pour y apprendre toute sorte d'exercices, et l'y a entretenu avec beaucoup de dépense?
    - Il est vrai que son père, du vivant de sa mère, le mit à l'Académie Royale et lui donna pour cela les choses nécessaires, et paya la pension ordinaire, à raison de seize cents livres par an.
    - S'il n'est pas qu'après avoir été quelque temps à l'Académie Royale, il en a été chassé... ayant fait déguiser des filles en garçon pour y venir?»

Il nie; il n'a jamais introduit à l'école aucune académiste féminine; il est parti, rappelé par son père, ayant pris correctement congé de M. et Mme de Poix 11.

Dans ces académies, on enseignait surtout l'équitation. Se bien tenir à cheval était une nécessité si haute que Louis XIV attribua quatre mille livres de pension à M. de Nesmond, pour avoir appris à monter au duc de Berry: or, ce maître en avait déjà cinq mille pour avoir donné le même enseignement au duc de Bourgogne 12; Corneille, sur la fin de sa vie, après tous ses chefs-d'œuvre, recevait deux mille livres. Michel de Marolles, dans sa description en vers de Paris, consacre un chapitre aux académies, où la jeunesse apprend à monter à cheval:
    Elle y trouve toujours l'honnête discipline,
    Les sages écuyers qui la font observer...
    Joignant à la morale une saine doctrine.

Il nomme une dizaine de ces écuyers, commémorant, avec les plus grands éloges, le souvenir de Longpré, du Lyonnais Glapier, mais surtout du fameux Pluvinel, élève de Pignatelli le Napolitain.

Antoine de Pluvinel, mort en 1620, dont le Manège Royal 13 nous a déjà servi, avait laissé, en effet, une trace profonde et, même aujourd'hui, on le cite encore à Saumur. Pour lui, l'équitation n'était pas seulement un art, c'était une religion; aussi n'avait-il pas manqué de rédiger, avant de mourir, un bréviaire du cavalier parfait. «J'ai cru devoir cela,» dit-il au roi Louis XIII, «à votre gloire particulière et à celle de la nation française, de laisser à la postérité ce que l'expérience et mon labeur continuel et extraordinaire m'avaient appris.» Il se flatte d'avoir contribué à ce résultat qu'on ne va plus en «pays éloignés», c'est-à-dire en Italie, apprendre les arts équestres, mais que les étrangers, au contraire, viennent s'instruire dans le nôtre. Il se vante d'ailleurs un peu, car, même avant ses leçons, nous n'avions pas mauvaise renommée: «Je n'estime point, disait Montaigne, qu'en suffisance et en grâce à cheval, nulle nation nous emporte.» Et nous n'étions pas seuls à nous rendre ce témoignage: Shakespeare, contemporain de Pluvinel, ayant à nommer, dans Hamlet, un cavalier modèle, désigne «un gentilhomme de Normandie», et, généralisant, observe: «En fait d'équitation, les Français savent leur affaire.» (They can well on horseback.)

Pluvinel rédige donc son manuel et bréviaire du cavalier sans défaut, avec toute la gravité que comporte un sujet si considérable; car «un bel homme et un beau cheval est la plus belle et la plus parfaite figure de l'Humanité que Dieu ait mis sur la terre». Il trace des règles et établit des principes; il exclut les fantaisies inutiles, et en maintient d'autres qui lui semblent indispensables et conformes aux principes. Qu'il s'agisse de l'escrime, de l'équitation ou de l'art des vers, de Bucéphale ou de Pégase, tous les doctrinaires du temps s'inspirent des mêmes idées générales: Pluvinel écrit comme versifiera Boileau et comme Le Nôtre dessinera ses jardins. La dignité de la pose, la noblesse simple et pourtant voulue de la tournure, paraissent à notre écuyer de la dernière importance; rien n'est indifférent et ne doit être laissé au hasard; le chapeau du cavalier ne doit pas plus avoir des dimensions quelconques qu'il ne sera permis bientôt aux ifs de Versailles d'étendre à leur guise leurs branchages en tous sens. Pluvinel fixe la hauteur du feutre, la largeur des bords, précise la manière dont la plume doit être plantée, et, afin qu'aucune erreur ne soit possible, une gravure représente cette œuvre d'art. Les chausses seront «assez amples et sans bourrelet, afin qu'elles se couchent mieux sur la selle du cheval et que toute la beauté de la cuisse du cavalier se voie et qu'il se fasse paraître de belle taille et menu à la ceinture». L'élégance de la ligne fut, pendant tout ce siècle, un sujet de préoccupation, pour l'homme surtout, à cause du costume qui faisait valoir sa tournure. Achevant le portrait d'une précieuse célèbre, un indiscret glisse dans son éloge cette remarque: «Toutes les beautés d'Émilie ne sont pas sur son visage; ses bras sont blancs et ses mains si délicates qu'elles sont toute prêtes à enchaîner des cours; elle a les jambes si admirables et les pieds si bien faits qu'il n'y a point d'hommes qui ne souhaitassent les avoir de même 14.»

Pluvinel étudie avec un soin extrême les passades, les groupades, les voltes, les courbettes, les «caprioles» du cheval. L'équitation telle qu'il l'entend prend, comme l'escrime au fleuret, un caractère semi-factice qu'elle garda plus d'un siècle. Tous les maîtres du temps, quoi qu'ils enseignent, ont la prétention de se soumettre à la nature sans doute, mais dans la limite seulement où le permettent «les principes». Ils ne remarquent pas que ce qu'ils nomment les principes n'est parfois que l'arbitraire; arbitraire tantôt élégant et anodin, tantôt dangereux; toujours commode, puisqu'il dispense de regarder au delà; d'autant plus inquiétant que le consentement commun et l'enseignement des habiles le rendent peu à peu inaccessible et inattaquable: on ne saurait toucher aux principes.

Dans les académies de ce genre se forma toute la jeunesse destinée à briller aux camps ou à la cour pendant le dix-septième siècle; et l'école de Pluvinel compta notamment, parmi ses élèves, ce jeune marquis du Chillou, plus connu dans le monde sous le nom qu'il porta ensuite de cardinal de Richelieu.

Richelieu eut, toute sa vie, le goût des exercices physiques et de quelques-uns mêmes qui rappelaient plus les libres allures du seizième siècle que la dignité du dix-septième. «Malgré les grandes occupations qu'avait le cardinal de Richelieu, il ne laissait pas quelquefois, lit-on dans le Menagiana, de trouver le temps de se délasser de ces grandes fatigues qui accompagnent toujours le ministère. Il aimait, surtout après les repas, les exercices violents, mais il ne voulait pas être surpris dans ces moments de joie et de plaisirs. M. de Bois-Robert, qui était toujours auprès de lui pour le divertir, m'a conté qu'un jour M. de Gramont, qui était considéré au Palais-Royal comme étant de la famille... et à qui, pour cette raison, les entrées étaient fort libres, trouva le cardinal, après dîner, qui se divertissait dans la grande galerie du Palais-Royal à sauter le long de la muraille le plus haut qu'il pouvait. M. de Gramont voyant cela fit un tour d'habile courtisan et, disant à M. le cardinal qu'il (Son Eminence) sautait bien mieux que lui (Gramont), il commença à sauter cinq ou six fois. M. le cardinal qui savait la cour encore mieux... vit bien ce que cela voulait dire et depuis l'en estima davantage 15.

Mais Richelieu, qui croyait peut-être, comme Mercurialis, que le saut est un préventif contre la pierre, excella surtout dans l'art de l'équitation et fit honneur à son maître. «Une estampe de Callot le représente devant la Rochelle, à cheval, la robe relevée, les jambes bottées, l'épée à la main. Les contemporains se moquaient de cet accoutrement. Il en paraissait, tout au contraire, fort satisfait. Sous le prêtre on retrouve toujours en lui le soldat 16.»

A un point de vue, du moins, dans l'éloge qu'il avait fait des académies et particulièrement de la sienne, Pluvinel n'avait pas exagéré. Les étrangers venaient avec empressement chez nous apprendre les arts équestres. Nos père et mère, écrivent deux jeunes Hollandais en 1656, «nous destinèrent Paris pour lieu de notre principal séjour, comme étant une ville où l'on peut étudier toutes les autres de l'Europe et où, par l'assemblage de plus d'un million d'âmes qui l'habitent, on rencontre tout ce qui peut façonner l'esprit et le corps, et donner de belles manières à l'un par la conversation et un beau port, de l'adresse et de la vigueur à l'autre par les exercices qui s'y enseignent parfaitement bien.» Quelques étrangers d'humeur satirique voyant les Français d'alors, recherchés dans leur mise et leurs discours, faire de si beaux saluts, les ont décrits comme des faiseurs de saluts. Quand nos jeunes Hollandais furent à l'académie, ils s'aperçurent que les gens de France apprenaient aussi autre chose et même que cette autre chose était assez rude: «Nous y montons tous les jours trois chevaux, sans compter celui de bague. Cet exercice est si rude au commencement que nous n'en pouvons commencer d'autre, que la douleur de nos cuisses soit passée; elle est telle d'abord qu'à peine peut-on marcher, et pour nous bien consoler, un académiste nous dit que nous aurions à la souffrir quinze jours durant, comme nous l'avons en effet expérimenté 17.»

Aussi nos compatriotes n'étaient-ils pas peu fiers de leur habileté dans cet art. «Les Français,» dit le duc de Newcastle dans son livre (que d'ailleurs il publia en français) sur le dressage des chevaux, «croient que tout ce qu'il y a de cavalerie au monde soit chez eux 18.» Les maîtres d'équitation et les maîtres d'escrime français se rencontraient un peu partout en Europe et étaient en particulier nombreux à Londres. Newcastle même était élève de Saint-Antoine, fameux écuyer donné à Jacques 1er par Henri IV en 1603. Tout ce que lord Herbert de Cherbury dit des chevaux est tiré de La Broue et de Pluvinel 19.

A leur tour, après les tournois, les joutes disparaissent; bientôt il n'en reste plus que l'image pompeuse et galante: les courses de bagues et les carrousels les remplacent. La théorie du grand exercice chevaleresque du moyen âge avait été écrite jadis par un roi-chevalier, René d'Anjou; c'est un signe des temps que le Traité des tournois, joutes, carrousels et autres spectacles publics de l'époque de Louis XIV ait pour auteur un consciencieux ecclésiastique, le P. Ménétrier 20. Le révérend écrivain rédige à son heure, avec force citations latines, une sorte d'art poétique et de Gradus ad Parnassum pour les adeptes de ces nobles passe-temps. Il veut des exercices «magnifiques», dignes de cavaliers «spirituels»; le cérémonial, les devises, les inventions ingénieuses ont à ses yeux une importance suprême. Tout, d'ailleurs, dans son traité, se rapporte au Roi, centre du royaume et lumière du monde: «Un règne aussi glorieux, aussi tranquille et aussi heureux que celui-ci est l'effet de la grande âme et des inclinations vraiment royales de Sa Majesté qui, mêlant agréablement les divertissements de la cour aux fatigues de la guerre, ne paraît pas moins adroite, magnifique et spirituelle dans tous ces délassements qu'Elle est soigneuse, vigilante et infatigable dans tous les autres exercices. On vit, le 23e de mars de l'an 1656, ce grand prince, plus brillant par la grandeur de la gloire qui l'environnait que par la splendeur de ses habits à la romaine, courre la bague dans le Palais Cardinal avec une adresse incomparable. Il n'en fit pas moins paraître dans ces courses de têtes où, représentant le chef des Romains contre quatre autres nations (grand carrousel de 1662), il fit avouer à tous ceux qui le virent en ces exercices qu'il avait l'air et la grandeur de ces anciens maîtres du monde... L'habit romain et la devise du soleil qu'il a toujours portés en ces courses découvrent également et la grandeur de son âme et l'élévation de son génie, qui conserve la majesté et la dignité du monarque jusque dans ces divertissements. C'est ainsi qu'on a vu la cour de France la plus galante et la plus spirituelle aussi bien que la plus adroite et la plus vaillante du monde, depuis sept ou huit règnes.» C'est ainsi encore que Mme de Sévigné et Mme de Grignan, échangeant leurs impressions sur un carrousel, se préoccupaient surtout des devises, devenues si importantes: «Nous avons raisonné sur les devises 21.» Il s'agissait du carrousel des «Galants Maures», dont le nom même est caractéristique, donné en 1685: le temps des Pas de Saladin était fini.

Le Révérend Père divise, décrit, classifie, cite les Anciens, vante les carrousels comme portant «toutes les marques d'une institution savante», et définit les tournois en termes qui montrent comment on avait perdu alors jusqu'au sens de ce jeu semi-héroïque et semi-barbare: «Les tournois, dit-il, sont des courses de cheval en tournoyant avec des cannes au lieu de lances.»

La ressemblance des conseils donnés à leurs élèves par les professionnels du sport avec ceux que Boileau adresse aux jeunes versificateurs est singulière; on ne peut ouvrir un traité d'équitation ou d'escrime sans que le rapprochement s'impose: règle, mesure, cadence, ce sont les mêmes mots, et si ce ne sont pas tout à fait les mêmes choses, ce sont les mêmes idées. Le soin de la cadence est poussé si loin que les exercices équestres, jadis accompagnés de rudes fanfares sonnant la charge, sont maintenant embellis par une musique de danse dont les chevaux doivent suivre la mesure, et que les carrousels deviennent réellement, comme le dit le P. Ménétrier, des «danses de chevaux». Les plus fameuses de ces danses, dans la première partie du siècle, avaient été réglées par le vieux Pluvinel, qui se flattait d'être connaisseur en matière de cadence, comme Malherbe inversement se piquait d'entendre la guerre, les armes et l'équitation. Les musiciens eux-mêmes étaient à cheval et ce ballet équestre avait été dansé en la place Royale, centre alors du Paris élégant.

Carrousels et courses de bagues sont, dans cette période, l'amusement favori des grands et de la cour. Ce qui n'était jadis qu'un exercice préparatoire à la joute et au tournoi devient l'important et prend une existence propre. On fait des courses de bagues ou de «têtes», pour montrer son adresse et son élégance à un public brillant, et sans se préoccuper aucunement d'utilité militaire. Les courses de bagues, moins anciennes que la quintaine, avaient été inventées comme celle-ci pour habituer au maniement de la lance 22; on les pratiquait couramment à la Renaissance et même avant, et les poètes rédigeaient en jolis vers de plaisants défis; tel celui-ci, adressé par Mellin de Saint-Gelais à six chevaliers qui croyaient en Amour, au nom de six chevaliers qui en faisaient-fi:
    A vous, seigneurs, quiconque vous soyez,
    Qui, de bon sens et raison fourvoyés,
    Suivez Amour inconstant et volage,
    Qui, pour un peu de bien et d'avantage
    Qu'il sait promettre et assez mal tenir,
    Le voulez dieu prétendre et maintenir; —
    Nous, sans espoir, et mal traités des dames,
    Nous, ennemis d'Amour et de ses flammes,
    Voulons prouver en plein champ de bataille
    Qu'Amour n'est dieu ne rien qui guères vaille... 23.

Malgré cette mention du champ de bataille, il s'agit seulement de courses de bagues. Cet amusement grandit en popularité et atteignit, comme sport élégant, son apogée sous Louis XIV, en même temps que les courses de «têtes». Pluvinel avait compris les courses de bagues dans son enseignement, non sans maugréer contre la décadence des mœurs chevaleresques qui faisait de l'exercice d'autrefois, difficile et fatigant, car on courait en armure, un simple passe-temps frivole. «La coutume de courir la bague en pourpoint, dit-il, se pratique tous les jours et se continuera, parce qu'il s'y trouve moins de peine pour le chevalier et pour le cheval, et aussi que nos gens de guerre ont quitté l'usage des lances pour tuer les hommes et que les dames peuvent, ce me semble, honorer plus souvent de leur présence les concours de bagues, car, quand les courses sont finies ils se peuvent mettre dans les carrosses des plus belles, avec permission, sans les faire attendre davantage, pour s'en aller promener où bon leur semblera et deviser à cœur content.»

Sous le Grand Roi, on court non seulement en pourpoint, mais en plumes, en rubans, en costumes de héros antiques ou de princes de romans. Les Français, qui avaient jadis transporté en Orient les tournois à leur suite, montrent maintenant des courses de bagues et de têtes aux Turcs. Le marquis de Nointel, ambassadeur de Louis XIV, ne croit pouvoir mieux faire que de célébrer par des exercices de ce genre la fête de son maître, en plein Constantinople, le 25 août 1676; chaque cavalier a un emblème qui est une allusion aux exploits du Roi. «Les devises les expliquaient assez nettement et avec esprit,» écrit Nointel lui-même, qui n'est pas mécontent de son œuvre 24.

La fête fameuse en souvenir de qui la place du Carrousel reçut le nom qu'elle porte encore, consista en «courses de têtes et de bagues faites par le Roi et par les princes et seigneurs de sa cour en l'année 1662 25». La place Royale, habituellement affectée à ces divertissements, avait été jugée trop étroite; on construisit des estrades pouvant contenir quinze mille spectateurs; les costumes montrèrent à souhait combien la cour était magnifique, et les devises, combien elle était spirituelle. Les diverses quadrilles équestres étaient dirigées par le Roi, en roi des Romains, le prince de Condé, en empereur des Turcs, le duc de Guise, en roi des Américains, etc. Les gravures nous montrent des personnages vêtus de soie et de brocart d'or, couverts de bijoux et de diamants; hommes et chevaux sont frisés, enrubannés, empanachés; ils ont autour d'eux tout un voletis de plumes et de rubans; ils portent sur la tête des perruques merveilleuses; on dirait que leurs chevaux en ont aussi; la queue de ces animaux, immense, ondulée et frisée, semble postiche. Le duc de Guise, en roi américain, a sur son casque un monument de plumes à trois étages.

On débuta par des courses de têtes. Dans ce jeu, des têtes de carton ou de bois, posées à des hauteurs diverses, doivent être abattues avec des armes variées, lance, dard, épée, hache et même quelquefois pistolet: «Chacun de ces chevaliers courait, la lance à la main, le long de la barrière et emportait une tête de Turc posée sur un buste de bois doré sur la barrière même, de la hauteur de six pieds. Puis, quittant la lance, avec une demi-volte à la droite, prenait un dard sous la cuisse et revenait darder la tête de More sur un autre buste distant de cinq pieds de la même barrière et de la hauteur de quatre pieds.» Il y avait ensuite divers exercices d'ensemble; puis il fallait partir au galop et, d'un coup d'épée, emporter, en se penchant sur sa selle, «une tête posée sur un buste de bois à un pied de terre.» Les courses de bagues eurent lieu le deuxième jour; le roi «y donna encore des preuves incroyables de son adresse»; le prix, qui consistait en un diamant, fut gagné par le comte de Sault, «de la quadrille du prince de Condé.»

Ainsi finit, conclut Charles Perrault, «cette superbe fête, dont la magnificence a surpassé celle des plus fameux tournois;» sans d'ailleurs, comme on peut voir, leur ressembler aucunement.

Il ne faut pas, toutefois, se laisser tromper par ces frivoles apparences. Dans ces personnages, tout n'était pas plumes et rubans; sous ces colifichets se mouvaient des réalités vivantes; ce mamamouchi enturbanné, avec son croissant et ses plumes, c'était le vainqueur de Rocroi, le prince de Condé; ce cavalier au casque de féerie, c'était le héros de Bapaume, le maréchal de Gramont. Avec leurs dentelles et leurs falbalas, ces petits marquis frisés qui encombraient Versailles n'étaient pas de coton, mais d'acier. Le Roi aimait la pompe, les parades et les revues; mais il aimait aussi les beaux régiments, les campagnes bien conduites, les provinces solidement occupées; il passait le Rhin avec trop de fanfares, mais enfin il passait le Rhin. Saint-Simon, très dur pour lui, se moque de sa vanité, de cette manie qu'il avait de fredonner lui-même les airs composés à sa louange; mais il est obligé de reconnaître que tout n'était pas vains dehors en ce personnage dont les actes avaient d'autant plus d'importance qu'il était maintenant le modèle de tout le monde: «De là, dit l'écrivain, en terminant un portrait des moins flattés, ce goût des revues qu'il poussa si loin que ses ennemis l'appelaient le roi des revues, ce goût des sièges pour y montrer sa bravoure à bon marché, s'y faire retenir à force, étaler sa capacité, sa prévoyance, sa vigilance, ses fatigues, auxquelles son corps robuste et admirablement conformé était merveilleusement propre, sans souffrir de la faim, de la soif, du froid, du chaud, de la pluie, ni d'aucun mauvais temps. Il était sensible aussi à entendre admirer le long des camps son grand air et sa grande mine, son adresse à cheval et tous ses travaux 26.» Sans doute il avait tort d'attacher tant d'importance aux éloges, mais c'est un fait qu'il avait grand air et grande mine, qu'il était adroit à cheval et endurant dans les travaux de la guerre.

Il contribua même, par son exemple, à propager quelque peu le goût de ces exercices naturels que la Renaissance avait commencé de remettre en honneur et dans lesquels on ne voyait guère, auparavant, des amusements dignes de gentilshommes. Il ne laissa pas à Rousseau le soin de découvrir les mérites de la natation et, si partisan qu'il fût de la parure, de la pompe et des plumes, il apprit à nager, ce qui ne comporte ni parure ni plumes, avec une rapidité et une perfection qui eussent fait envie à Émile lui-même. A son exemple, les courtisans apprirent, et les Joyeuse, les d'Harcourt, les Vivonne de plonger à qui mieux mieux et de suivre à la nage le roi qui, deux semaines après sa première leçon, passait et repassait la Marne sans fatigue 27.

Il montait, conduisait, chassait par tous les temps et jusque dans un âge très avancé. Les princes et le reste de son entourage faisaient de même. «Personne en France, dit Saint-Simon, ne tirait si juste, si adroitement ni de si bonne grâce, et il y allait une ou deux fois la semaine, surtout les dimanches et fêtes qu'il ne voulait point de grandes chasses et qu'il n'avait point d'ouvriers.» Nos jeunes Hollandais apprennent que le Roi, âgé alors de dix-huit ans, est à Vincennes et s'exerce «à la chasse avec une telle affection qu'il y va à pied avec un fusil tout de même qu'un simple gentilhomme de la campagne 28».

En 1712, âgé de soixante-quatorze ans, il continue de manier le fusil: «En moins de trois heures, écrit Dangeau, il tua soixante-deux pièces de gibier, sans avoir senti la moindre douleur au bras, dont il avait été si incommodé les premiers jours qu'il fut à Fontainebleau 29.» Il avait pour ses chiens l'affection du vrai chasseur et il a fait peindre leurs portraits par de si bons peintres qu'ils sont maintenant au Louvre, avec ceux des grands seigneurs de son temps, et le sien même.

Jusqu'à la fin de sa vie, il chasse à courre, tantôt à cheval, tantôt dans une petite calèche qu'il conduisait lui-même avec beaucoup d'habileté, par monts, par vaux, à travers bois, mais qu'il lui arriva cependant une fois de verser «en voulant tourner un peu court» 30. Le 28 juin 1713, deux ans avant sa mort, il court le cerf à Rambouillet; «un orage furieux qui vint au commencement de la chasse en troubla un peu le plaisir,» mais bien peu à ce qu'il semble, et, en tout cas, ne la fit pas remettre. «Madame la duchesse de Berry et les dames qui étaient à cheval avec elle furent mouillées à faire pitié, mais cela ne les dégoûta point de la chasse.»

Monseigneur (Louis, grand dauphin), le duc de Berry, fils de ce prince, sont des chasseurs intrépides, et même ne se distinguent que par là. «Monseigneur alla le matin aux toiles où l'on tua quatre gros sangliers qui estropièrent huit chevaux. — Monseigneur courut le cerf, revint dîner à Fontainebleau, en repartit après trois heures et arriva à cheval à Versailles; il ne fut que deux heures et demie en chemin.» Il se fait une spécialité de la chasse aux loups, ayant toute une armée de chevaux, de piqueurs et de chiens pour les prendre: grâce à lui les environs de Paris en sont «purgés». Son endurance est extraordinaire; il court un loup dix heures d'horloge, «par une chaleur horrible,» et finit par le prendre à Crouy. Le duc de Berry chasse dans la plaine Saint-Denis, en 1706, et tire sept cents coups de fusil; mais c'est un de ses mauvais jours et il abat moins de trois cents perdreaux 31. Tout ce pays était alors très giboyeux, et jusqu'à Montmartre devenu, depuis, moins champêtre: «De là nous fûmes, écrivait Lefèvre d'Ormesson en 1670, à la chasse au-dessous de Montmartre, où l'on voit des perdrix et des lièvres une infinité 32.» Le duc se plaisait aux difficultés: il tirait à cheval, se servant de simples pistolets, «et il est si adroit qu'il a tué aujourd'hui beaucoup de faisans, quelques-uns envolant 33.»

Pour cette société chasseresse, continuent à écrire, avec grande abondance, les faiseurs de manuels, Selincourt entre autres, imbu de l'esprit le plus aristocratique et pénétré, autant que Gaston Phébus lui-même, de l'importance de son art. Selincourt est omniscient; il a réponse à tout et donne des conseils pour toutes les circonstances. Il sait combien il est nécessaire de tenir compte de la lune pour saigner ou purger les chiens. La question, si grave pour le chasseur, des pronostics de pluie n'a pas de mystère pour lui et il fournit cinq pages de pronostics. Quelques-uns sont encore en honneur, par exemple: quand les chats s'humectent la patte «et se frottent la tête et les oreilles», il pleuvra; d'autres sont difficiles à noter: «Les taupes travaillent davantage;» pour d'autres enfin, on avait peut-être autrefois des facilités d'observation que nous n'avons plus: «Les poux mordent plus fort 34.»


III



Les courses de chevaux étaient, dès ce moment, et bien avant l'époque de l'anglomanie, très goûtées en France. En sa forme primitive, ce jeu est, par nature, de tous les temps et de tous les pays; l'idée de lutter de vitesse est une des premières qui puisse venir à l'esprit de cavaliers jeunes et ardents montés sur des bêtes rapides. La France ne manquait pas de cavaliers de cette sorte. Ils se défiaient, couraient et faisaient, sans le savoir, des steeple-chases. Froissart fournit un exemple remarquable de courses pareilles au quatorzième siècle, avec le roi et un de ses frères pour compétiteurs et, comme limite du jeu, la distance entre Montpellier et Paris.

«Or advint un jour, lui,» Charles VI, âgé alors de vingt et un ans, «étant à Montpellier, que en genglant à (en causant avec) son frère de Touraine,» Louis, plus tard duc d'Orléans, père de Charles, le poète, et grand-père de Louis XII, «il dit: Beau frère, je voudrais que moi et vous fussions ores à Paris... car j'ai grand désir que je voie la Reine et vous, belle-sœur de Touraine.» (Valentine Visconti.)

Certes, répondit le duc, mais des souhaits ne suffisent pas; il y faut «force et exploit de chevaux».

Voyons, dit le Roi, «lequel y sera plus tôt de vous ou de moi, faisons y gageure. — Je le veux, dit le duc, qui volontiers se mettait en peine pour gagner l'argent du Roi.

«Ahatie (défi) fut là prise pour cinq mille francs à gagner sur celui qui dernier serait venu à Paris, et à partir le lendemain et tout d'une (à la même) heure; et ne pouvait mener que un valet chacun avec lui ou un chevalier pour un valet.» Il était convenu, d'ailleurs, afin de rendre la course plus émouvante, que tous les moyens seraient bons: cheval, bateau, voiture; il fallait compter sur sa force, son adresse, son habileté à tirer parti des occasions et des ressources éventuelles de la route, enfin sur sa chance. On pouvait, de plus, courir de nuit aussi bien que de jour; aucun arrêt n'était obligatoire. Ils partirent donc à l'heure dite, associant à leur expédition, non pas un valet pour les assister mais un ami pour les distraire et prendre part à leur plaisir: le sire de Garancières pour le roi, et le sire de La Vieuville pour le duc. «Or chevauchèrent ces quatre, qui étaient jeunes et de grande volonté, nuit et jour, ou ils se faisaient charrier quand ils voulaient reposer...

Or cheminèrent le roi de France et son frère, le duc de Touraine, à grand exploit et se mettaient chacun en grande peine pour gagner l'argent et les florins l'un de l'autre. Considérez la peine que ces deux riches seigneurs, par jeunesse et par liberté de courage, entreprirent, car tous leurs états demeurèrent derrière. Le roi de France mit quatre jours et demi à venir en la cité de Paris et le duc de Touraine n'y en mit que quatre et un tiers, de si près suivirent l'un l'autre. Et gagna le duc la gageure, par tant que le roi de France se reposa huit heures de nuit à Troyes en Champagne; et ledit duc se mit en un batel en Seine, et se fit mener et navier parmi la rivière de Seine jusques à Melun, et là monta à cheval tant qu'il vint à Paris; et s'en alla à (l'hôtel) Saint-Pol, devers la Reine et devers sa femme, et demanda nouvelles du Roi; car encore ne savait-il s'il était venu ou non. Et quand il eut su que point n'était venu, si fut tout réjoui, et dit à la reine de France: — Madame, vous en ouïrez tantôt nouvelles.

Il dit vérité, car le Roi, depuis la venue de son frère de Touraine, ne séjourna point longuement. Et quand son frère vit le Roi, il alla contre lui et lui dit: — Monseigneur, j'ai gagné la gageure, faites-moi payer!

- C'est raison, répondit le Roi, et vous le serez. — Là recordèrent-ils devant les dames tout leur chemin et par où ils étaient venus et comment, sur quatre jours et demi, ils étaient là arrivés de Montpellier, où bien a, de Paris, cent cinquante lieues. Les dames tournèrent tout en revel et ébattement. Mais bien jugèrent qu'ils avaient eu grand peine, fors tant que jeunesse de corps et de cœur leur avait ce fait faire. Et bien sachez que le duc de Touraine se fit payer en deniers comptants 35.»

Tel est le récit de Froissart. Est-il exact? On se l'est demandé; on examina le texte et on vit qu'il prêtait à bien des remarques. Quatre jours et demi de Paris à Montpellier, c'est peu; et quel singulier itinéraire! S'en aller passer à Troyes quand on veut prendre au plus court; quel feu follet avait pu égarer dans la nuit les illustres voyageurs? Froissart est le plus charmant des conteurs, mais le métier des conteurs est de faire des contes.

La science prononça: le chroniqueur avait inventé. Mais la science dut se dédire. Froissart confond, colorie, exagère, prend les noms et les années les uns pour les autres, mais n'invente pas; il se trompe, mais il est de bonne foi. Si l'on regarde, on constate souvent que les faits n'ont pas pu se passer comme il dit; si l'on regarde mieux, on trouve toujours qu'il y a un fond de vrai. Il était réservé à l'un des savants qui avaient nié et rejeté l'histoire du grand steeple-chase de fournir la preuve que Froissart n'avait pas imaginé l'aventure. Comme beaucoup d'autres, M. Moranvillé avait été frappé des impossibilités et des contradictions du récit; il avait observé aussi que des documents authentiques permettaient de suivre, jour par jour, le voyage de retour de Charles VI en 1390 (nouveau style); il passe à Nîmes, Avignon, Dijon, très lentement, assistant à des fêtes en Bourgogne du 13 au 17 février. M. Moranvillé en était là de ses constatations lorsque, feuilletant un recueil de pièces conservé à la Bibliothèque Nationale, son attention fut attirée par le mandement suivant:

«Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, à nos amés et féaulx (etc.), savoir vous faisons» que nous avons reçu de notre Receveur général des aides «la somme de neuf cent cinquante francs d'or, laquelle nous avons fait distribuer en cette manière, c'est assavoir: A plusieurs personnes, en récompensation de ce que nous et aucuns de nos gens avions pris de leurs chevaux en venant hâtivement de Bar-sur-Seine à Paris, au retour du voyage que naguère avons fait en notre pays de Languedoc — trois cents francs». Suivent d'autres payements divers. — «Donné à Paris en notre hôtel de Saint Pol, le 26e jour de mars, l'an de grâce mil trois cent quatre vingt et neuf, et de notre règne le dixième 36.»

Ce document tranchait la question: la course était véritable, elle avait été réellement faite lors du retour de Montpellier; les parieurs avaient réellement passé par Troyes; mais le point de départ, au lieu d'être Montpellier, était Bar-sur-Seine: Troyes est sur la route directe de Bar-sur-Seine à Paris. La distance n'était pas de cent cinquante lieues, mais de quarante-cinq, et les parieurs, qui avaient assez peu épargné les chevaux empruntés pour que l'un d'eux payât le louage trois cents francs (pesant 2,670 de nos francs actuels, avec un pouvoir d'achat de 10,680 francs — évaluation de M. le vicomte d'Avenel), ne durent pas y mettre quatre à cinq jours. On peut dire que tout Froissart est dans ce récit.

D'autres paris du même genre furent souvent faits, au cours des âges; moins mémorables: car il s'agissait là, même ainsi réduite, d'une course presque digne de nos automobilistes. Sur certains points du territoire, en Bretagne, en Bourgogne, l'usage de courses de chevaux, amusement populaire et non «scientifique», se perpétua longtemps. Sous Louis XIV, l'existence chez nous de distractions de ce genre était assez notoire pour inspirer des sentiments d'envie et de regret aux Anglais de Cromwell, mal guéris de leur goût pour les vains plaisirs de ce monde. Le Protecteur, dans un discours au Parlement, le 17 septembre 1656, leur faisait honte de leur frivolité: «On se plaint parmi vous de ne plus avoir de courses de chevaux, combats de coqs et le reste... Tant que Dieu ne nous aura pas amené à un autre état d'esprit, il ne pourra nous supporter. — Oui (dira-t-on), mais il supporte bien les gens de France; en France ils font ceci et cela. — Mais ont-ils, en France, l'Évangile que nous avons? Ils n'ont vu le soleil qu'un peu et nous avons, nous, de grandes lumières. Si Dieu vous donne un esprit de réforme, vous préserverez cette nation du danger de retomber encore dans ces folies 37.»

Il est de fait que diverses sortes de courses: chevaux montés, attelés, etc., avaient lieu en France; mais il est vrai de dire aussi que, comme pour quelques autres jeux, le code de règles donnant à ce sport la forme qu'il a gardée jusqu'à nos jours est d'origine anglaise. La splendeur des écuries de Newmarket, «toute boisées et sculptées,» où, Cromwell mort, les chevaux furent nourris «d'œufs frais et de vin d'Espagne 38», faisait l'admiration des voyageurs. En attendant qu'on en construisît de semblables sur le continent, le goût des exercices de vitesse se répandait, et comme le sport par procuration, consistant à voir agir les autres, n'était pas entré dans les mœurs, les plus grands seigneurs couraient sur leurs propres chevaux. L'idée de courir par délégué et de faire monter à sa place des «palefreniers» ou «postillons», comme on appelait chez nous les «jockeys» (dont le nom est d'ailleurs français: c'est Jaquet transformé à l'anglaise) 39, fut empruntée à l'Angleterre. Nous trouvons ainsi des courses de chevaux à Achères en 1683; Louis XIV y assiste avec la Reine, le dauphin et toute la cour; il donne mille pistoles au gagnant 40. En 1684, «le prince d'Harcourt perd une course considérable à Saint-Germain contre M. de Marsan 41.» Monseigneur assiste à une course au Pecq, le 25 avril 1692, et à une autre, le 11 novembre; le roi et la reine d'Angleterre, exilés, y viennent. Cette dernière course, assure Dangeau, fut «fort belle et le cheval du Grand Prieur (de Vendôme) gagna de deux longueurs de cheval»: on se sert déjà des expressions d'aujourd'hui. Un peu plus tard, «il se fit une course, du pont de Sèvres à la porte de la Conférence, entre M. le duc de Mortemart, M. le marquis de Saint-Germain et M. de Raré. Ils coururent eux-mêmes sur leurs chevaux et chacun pariait cent louis d'or pour le sien. M. de Raré gagna; il vint en moins de onze minutes d'un terme à l'autre. Il faut pour cela,» ajoute sentencieusement le rédacteur du Mercure, «qu'un cheval soit bien vite et que celui qui le monte ait beaucoup d'adresse à le mener 42.»

Une course de chevaux attelés fut, en 1694, un événement mondain considérable et passionna la cour, la ville, le Roi et les princes. Le duc d'Elbeuf avait parié quatorze cents louis d'or neufs contre M. de Chemeraut, que son attelage ferait la route de Paris à Versailles et retour en moins de deux heures. «Six juments noires, dit le Mercure, ont fait cette course; elles sont hollandaises et leurs queues étaient coupées à l'anglaise ainsi que leur crin. Elles ont servi à tirer le canon du prince d'Orange et ont été prises à la bataille de Steinkerque.» On en avait capturé une quantité; mises en vente, elles avaient été achetées, au nombre de quatorze, par le duc d'Elbeuf, qui avait fait, avec les meilleures, un attelage à six et s'en servait pour aller à Versailles. Il ne cessait de vanter leur mérite, et il en résulta un défi et pari solennel. «M. de Chemeraut paria que les juments de M. le duc d'Elbeuf, en partant de Paris, de dessous la porte de la Conférence, ne pourraient aller jusques à la porte de Versailles où ce duc serait obligé de faire tourner son brancart avec les six juments autour d'un pilier dressé devant la première grille, repartir de là pour Paris et arriver, en deux heures de temps, à la porte de la Conférence, avant que la seconde fût sonnée. Les parties prièrent M. le prince de Conti, dont la grande intégrité est connue, de vouloir bien leur faire l'honneur d'être juge de la course et du pari. M. d'Elbeuf et M. de Chemeraut convinrent ensemble d'une pendule que l'on fit mettre à côté de la porte de la Conférence, où M. le prince de Conti voulut bien demeurer pour voir commencer et finir la course.»

Elle fut exécutée le 1er mars; le Roi lui-même voulut la voir, la foule aussi. On ne pressa pas les chevaux à l'aller. «Ils arrivèrent à Versailles une heure et une minute après leur départ... Sitôt que l'on eut tourné autour du pilier où le Roi était, M. d'Elbeuf monta sur le siège du cocher, et fit donner du vin d'Espagne à ses juments par six palefreniers qui attendaient pour cela. Il partit aussitôt après, et toute la course, tant pour aller que pour revenir, ne dura qu'une heure cinquante-trois minutes. Ainsi ce prince gagna le pari avec l'applaudissement de la cour et du peuple dont le chemin se trouva bordé depuis Paris jusqu'à Versailles 43.»

Il convient, enfin, de constater que de vraies courses à l'anglaise, semblables déjà à celles d'aujourd'hui, avec jockeys aux couleurs de leurs maîtres, pistes, juges ou umpires, favoris, handicaps, bookmakers, paris sur les différents chevaux, commencèrent à s'acclimater chez nous dès cette époque. La présence de la cour des Stuarts, en exil à Saint-Germain, y contribua sans doute pour une bonne part.

Une de ces courses eut lieu le 1er juillet 1700; le Mercure nous en a conservé une description détaillée: «Il ne s'en fait guère de pareilles en France, et elles sont assez ordinaires en Angleterre. C'est ce que les Anglais appellent courir la vaisselle 44. Ils ont des chevaux qu'ils estiment fort, qu'ils vendent cher et qui ne sont dressés que pour cela. M. le duc de Chartres en a un qu'il a fait acheter six cents pistoles à Londres. La vitesse de ce cheval a donné occasion à cette dernière course. M. l'ambassadeur d'Angleterre en a trois qu'il n'estime pas moins et M. le Grand Prieur en a un qui ne cède pas aux autres. On proposa de parier sur la vitesse de ces cinq chevaux anglais. Les grands seigneurs de la cour, selon l'usage d'Angleterre, s'offrirent de donner quelque chose pour celui des palefreniers qui monterait le cheval qui arriverait au terme marqué plus tôt que les autres. On nomma un homme de confiance qui tint un mémoire des personnes et des sommes qu'ils offraient. On fit ensuite planter quatre gros poteaux en carré, à la distance de mille pas l'un de l'autre. On nomma des juges de la course. Monseigneur voulut bien l'être. M. le comte de Brienne l'était aussi d'un côté et milord Graffin de l'autre.»

Le roi d'Angleterre y vint avec le prince de Galles et leur suite. Monseigneur, le duc de Bourgogne, le duc de Chartres, le prince de Conti, le Grand Prieur, «s'y trouvèrent aussi, avec un concours prodigieux de personnes de marque de la cour et de la ville.»

La «course se fait autour de ces quatre poteaux et on la recommence à trois reprises, après qu'à la fin de chacune on a essuyé et rafraîchi les chevaux avec du biscuit et du vin d'Espagne, avec quoi on les nourrit. Le premier poteau d'où l'on part est en forme de potence, où sont attachées des balances où l'on pèse les hommes et les harnais des chevaux qui doivent courir. On attache du plomb aux plus légers pour les rendre tous d'un poids égal. Le signal donné, les cinq palefreniers à cheval, habillés fort galamment de taffetas et de satin, tous de couleur différente, partent comme des éclairs et reviennent en peu de minutes au premier pilier d'où ils sont partis, tournant toujours en dehors des quatre». Car, ajoute le narrateur, donnant un renseignement qui lui paraît indispensable et qu'on ne peut lire aujourd'hui sans sourire, celui qui prendrait au plus court et «couperait par dedans, aurait perdu la course sans retour 45.» Il y avait des paris considérables; le favori était le cheval du duc de Chartres, mais ce fut, comme en 1692, celui du Grand Prieur de Vendôme qui gagna. Vaillant soldat, mais mauvais capitaine et pire ecclésiastique, ce frère de l'illustre général connut surtout ce genre de victoires.

Ce sport ne devait, toutefois, entrer complètement dans les mœurs qu'à la période suivante, au temps de l'anglomanie. Quand Louis XIV mourut en 1715, c'était un amusement connu mais rare et qu'on ne voit jamais figurer dans l'énumération des sports à la mode au dix-septième siècle. Au début du siècle, Sainte-Aulaire en donnait la liste suivante: «Nous avons les arts d'écurie et palestrine, les courrements de bague, combats à la barrière, jeux de paume, pale-mail, ballon, le lutter, le voltiger et autres fort louables 46.» Arlequin, sur la fin du siècle, pour plaire à Colombine, énumère ses talents: sauf un ou deux exercices qui rappelaient le moyen âge et avaient disparu, ce sont à peu près les mêmes que chez Sainte-Aulaire: «Je sais tout ce qu'on peut savoir dans les sciences et dans les arts: je sais danser, voltiger, pirouetter, cabrioler, jouer à la paume, au ballon, lutter, escrimer, pousser d'estoc et de taille... 47.» Les règles, la fixité, avaient été l'idéal de cette époque classique et de ce roi ennemi du changement qui avait fourni la plus longue carrière de notre histoire, se flattant d'éclairer toutes choses d'une lumière égale: Nec pluribus impar.

La mobilité humaine ne pouvait tarder à reprendre ses droits, minant les digues et les remblais, préparant le jour où les canaux se changeraient en torrents.


Notes
1. Commentaires et lettres, éd. de Ruble, t. III, p. 138.
2. Voir dans la Noblesse française sous Richelieu, par le vicomte G. D'Avenel. (Paris, 1901), comment la fureur des duels subsista, jusqu'à ce règne où, aidé de l'opinion, le Roi put y mettre fin. On compte encore neuf cent trente morts causées par des duels sous la régence d'Anne d'Autriche (p. 273).
3. La Chasse au viel grognart de l'antiquité, 1622. C'est une description élogieuse des mœurs du jour au détriment du siècle précédent.
4. Histoire de la milice française, par le P. Daniel, Paris, 1721, 2 vol. in-4°, t. I, p. 432. Ainsi avait disparu la lance, «arme que les Français avaient de tout temps su manier mieux qu'aucune autre nation.»
5. Journal, 16 février 1692.
6. Académie de l'espée de Girard Thibault d'Anvers, 1628, in-fol. En tête, les blasons des principaux princes s'intéressant à l'escrime, et, en premier lieu, de Louis XIII.
7. Satire V (entre 1606 et 1608). Le faquin, autrement dit le quintan, la quintaine.
8. Furetière, Dictionnaire, 1690, au mot Fleuret.
9. L'Exercice des armes ou le maniement du fleuret, par Le Perche, album gravé, Paris, s. d.; réédité au dix-huitième siècle, avec costumes de cette époque (seule édition que j'aie vue; la première est rapportée par les uns à 1635, par les autres à 1676). Le Perche enseigne l'usage de la main gauche: «Après avoir passé pour saisir l'épée, il faut avancer le pied droit, et en même temps avancer la main gauche et saisir l'épée de l'ennemi.» Planche 26.
10. Mort en 1681. Mémoires (en prose) à la suite de son Paris (en vers), éd, Dufour, 1879, p. 320.
11. Ravaisson, Archives de la Bastille, Paris, 1866, t, I, p. 263.
12. Dangeau, Journal, 15 novembre 1702.
13. C'est le titre de la première édition: Maneige Royal, où l'on peut remarquer le défaut et la perfection du chevalier en tous les exercices de cet art, digne des Princes, fait et pratiqué en l'instruction du Roy par Antoine Pluvinel son escuyer principal... le tout gravé par Crispian de Pas, flamand, à l'honneur du Roy et à la mémoire de M. de Pluvinel (l'ouvrage était posthume), Paris, 1623, in-fol. La Bibliothèque Nationale possède le splendide exemplaire de Louis XIII, avec des gravures retouchées à la main. Les nombreuses éditions subséquentes (Instruction du Roy en l'exercice de monter à cheval) contiennent un texte beaucoup plus complet.
14. Recueil de portraits et éloges, dédié à S. A. R. Mademoiselle, Paris, 1659, 2 vol. in-8°, t. I, p. 136. Il s'agit de Sibylle d'Amalbi, comtesse de Cominges, femme de l'ambassadeur de France à Londres, et qui figure sous le nom de Césonie dans le Dictionnaire des Précieuses de Somaize.
15. Menagiana, 3e éd., Paris, 1715, 4 vol. in-12, t. III, p. 74.
16. G. Hanotaux, Richelieu, Paris, 1893, in-8°, t. I, p. 74.
17. Journal de deux jeunes Hollandais à Paris, 1656-1658 (les messieurs de Villers), Paris, 1899, in-8°, 6 mars 1657.
18. Méthode nouvelle et invention extraordinaire de dresser les chevaux, par Guillaume De Cavendysh, Duc De Newcastel, Londres, 1674, «Aux lecteurs; 1er éd., Anvers, 1658, superbes gravures.
19. Autobiography, éd. Sidney Lee, Londres, 1886, 8°, pp. 72 et suiv., Préceptes de La Broue, La Rochelle, 1593, in-fol., illustré.
20. Lyon, 1669, in-4°.
21. Aux Rochers, 13 juin 1685.
22. L'anneau était mis à la hauteur de l'œil du cavalier; on s'exerçait ainsi à viser, afin de se préparer aux joutes, juste à la hauteur convenable pour le coup classique. Un puissant ressort retenait la boucle dans une douille de fer fixée au poteau.
23. Œuvres, éd. Blanchemain, 1873, t. I, p. 153.
24. Albert Vandal, les Voyages du marquis de Nointel, Paris, 1900, in-8°, P. 209.
25. Courses de testes et de bagues, faites par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l'année 1662, Paris, de l'imprimerie royale, 1670, in-fol. Texte de Charles Perrault, gravures d'Israël Sylvestre.
26. Mémoires, éd. Chéruel, t. XII, p. 15.
27. Gazette du 5 août 1651. Sur son éducation sportive, voir La Mothe Le Vayer, Instruction de Mgr le Dauphin, 1640 (natation, lutte, paume, etc.).
28. Journal de voyage de deux jeunes Hollandais, Paris, 1899, 11 février 1657. La chasse à l'arbalète n'était pas encore tombée en désuétude à ce moment, comme on peut voir dans le Parfait Chasseur de Selincourt (1683, p. 206), qui glisse sur la chasse à l'arquebuse, par crainte d'exciter plus encore «les bourgeois et paysans» qui ne la pratiquent que trop malgré les défenses: «Il vaut donc mieux s'en taire que d'en trop parler,» p., 277.
29. Journal, 23 septembre 1712.
30. 31 décembre 1700.
31. Dangeau, 17 octobre 1684, 12 novembre 1686, ,8 juin 1685.
32. Journal d'Olivier Lefèvre D'Ormesson, éd. Chéruel, 1860, t. II, p. 601.
33. Dangeau, 2 novembre 1706.
34 Le Parfait Chasseur, Paris, 1683, pp. 234, 259, Du même temps (entre autres): le Véritable Fauconnier de C. De Morais, Paris, 1683.
35. Chroniques, liv. IV, chap. IX
36. Trouvé dans le ms. Fr. 20616, pièce 14, par M. Moranvillé, qui a rendu compte de sa découverte dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LIV, p. 718.
37. Letters and speeches, édités par Carlyle, Londres, 1888, t. III, p. 194.
38. Note rédigée vers 1687. Archives des Affaires Étrangères, Angleterre, t. CXXXVII.
39. Jaquet désignait un petit valet et parfois aussi (tout comme jockey) un petit vaurien. On disait primitivement en anglais Jackey, «diminutive of Jack... obviously borrowed from the French Jaques.» (Skeat.) Dans la vieille pièce The famous victories of Henri V, 1598, un des compagnons de débauche du jeune prince s'appelle jockey; un autre, The Theefe (le Voleur).
40. Gazette du 27 février 1683.
41. Dangeau, Journal, 20 octobre 1684.
42. Mercure galant, 1700, p. 202.
43. Mercure galant, mars 1694.
44. Traduction approximative de run for a plate (courir pour une pièce d'argenterie), qui était l'expression consacrée.
45. Mercure galant, juillet 1700, pp. 195 et suiv.
46. Bref discours sur les louanges de la Chasse, Louviers, 1888, in-8°; 1er éd., 1619.
47. Les Chinois, de Regnard et Dufresny, joués en 1692.

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