« Au Québec, Victor-Lévy Beaulieu, ou tout simplement VLB, entre assurément dans la catégorie des écrivains politiques dont l’œuvre, qui en impose et déconcerte, se rie des frontières savantes. Or, dans la littérature québécoise contemporaine, c’est Victor-Lévy Beaulieu qui a rendu à l’Irlande, à sa littérature et à son histoire tragique le plus bel hommage qui soit, un hommage en forme d’épopée et de mausolée narratif qui défient les genres littéraires usuels. Cet hommage est d’autant plus étonnant que la référence à l’Irlande dans la littérature et la politique québécoises contemporaines avait été intermittente, sinon chétive.
Victor Lévy-Beaulieu est assurément l’un des plus prolifiques de nos écrivains, il a à son actif au-delà d’une soixantaine de titres. Né en 1945, l’écrivain est un boomer, qui a suivi une trajectoire atypique, en portant plusieurs chapeaux dans l’espace public : éditeur, écrivain, polémiste et défenseur notoire de l’indépendance québécoise. Il a pratiqué tous les genres, le théâtre, le roman, la poésie, l’essai, le téléroman. VLB a dans sa besace plusieurs essais consacrés à des géants de la littérature, Victor Hugo, Jack Kérouac, Herman Melville, Voltaire, Léon Tolstoï. Son essai hilare sur James Joyce apparaît donc comme un aboutissement, un magnum opus ; c’est le plus volumineux de ses hommages, 1080 pages, contre 750 pour son Melville. C’est peut-être le plus achevé, le plus complexe, le plus étourdissant. C’est dire la place que VLB accorde à Joyce dans son panthéon.
La fascination de VLB pour Joyce est ancienne. Il l’aurait découvert dès 1964, et depuis n’aurait cessé de le lire, de l’étudier. Son Joyce raconte même l’histoire de cette découverte. Ce n’est pas le seul ouvrage où VLB révèle sa fascination pour Joyce, plusieurs ouvrages précédents l’avaient annoncée. Quant à l’ouvrage lui-même il aurait été écrit entre 1973-2005. Il est donc le fruit de près de quarante ans de lectures et d’écriture, livrées au lecteur comme une somme. « [L]a rédaction de James Joyce… a été en soi une véritable odyssée », écrit Jean-François Chassay. D’ailleurs, pour le bénéfice du lecteur, VLB fournit une abondante bibliographie sur l’histoire d’Irlande, James Joyce, plusieurs des ouvrages qui y sont indiqués sont annotés par VLB lui-même. […]
« Les peuples vaincus n’ont jamais d’histoire par-devers les autres et par beaucoup plus par devers eux-mêmes. Ne naissant pas au monde, ils ne naissent pas chez eux non plus. » Le Québec du reste, lance VLB, est une nation plus « hystérique qu’historique » En racontant l’histoire d’Irlande, VLB historicise son propre travail d’historien et étend le champ de l’histoire québécoise, qui inclut désormais celle d’une nation jumelle, qui partage avec lui une communauté de destin. Le Québec et l’Irlande sont deux nations « catholiques à gros grains », dit-il. C’est pour lutter contre le défaut d’histoire, la tendance à l’oubli qui est le sort des nations vaincues que VLB ambitionne de donner à son écriture une profondeur historique. Il agit ce faisant comme un écrivain national, non pas chantre du repli sur un récit national étriqué, mais héraut d’un récit surdimensionné, cosmique, gourmand, à plusieurs voix, où les chants celtes se mêlent aux chansons à répondre québécoises. C’est aussi une façon de s’inscrire en faux contre la littérature québécoise contemporaine, devenue à ses yeux fade, ignorante de tout héritage historique, au style pauvre et uniforme. L’errance cosmopolite dont se gavent les écrivains globe-trotter québécois masque selon lui une grande indigence. Ils ont aboli la référence à la France et la Grande-Bretagne dans leurs expériences d’écriture centrées sur des moi individuels sans épaisseur collective. VLB emprunte un tout autre chemin; il ose rétablir la filiation à l’Irlande, à l’aune de laquelle la Grande-Bretagne est prise à partie, à la fois comme nation conquérante et culture assimilatrice. […] »
Extraits de l’article suivant : Marc Chevrier « Victor-Lévy Beaulieu, James Joyce, les langues et le Québec hibernien », dans Linda Cardinal, Simon Jolivet et Isabelle Matte (dir.). Le Québec et l’Irlande, Québec, Septentrion, 2014, p. 214-235.
Le photographe franco-brésilien laisse derrière lui une oeuvre immense, 500 000 photos qui rendent compte de la condition humaine et de la difficile cohabitation entre l'homme et la nature. Certaines de ses photographies, aux noirs profonds uniques, atteignent des proportions "bibliques", en particulier celles prises lors de son reportage sur la mine d'or de Serra Pelada au Brésil, qui ont fait l'objet d'un splendide documentaire réalisé par son fils Juliano Roberto en compagnie du cinéaste Win Wenders.
Il se disait "pessimiste quand à la nature humaine, mais optimiste pour la planète. La planète saura nous survivre et trouvera des moyens de se débarasser de nous" (The Guardian). "Autant son regard sur l’homme était tragique et sombre, autant sa perception de la nature était vibrante de vie et de lumière" (Libération). Ce qui ne l'a pas empêché d'essayer de corriger les excès de la déforestation des forêts brésiliennes en replantant plusieurs millions d'arbres dans le cadre de son projet Instituto Terra.
«À 89 ans, Mario Vargas Llosa était l’une des dernières incarnations du grand écrivain international. Prix Nobel de littérature en 2010, troisième auteur latino-américain après Borges et Octavio Paz à entrer dans la prestigieuse collection de la Pléiade, mais de son vivant, légende de plusieurs continents, écrivain prolifique autant que figure politique, cosmopolite de vocation et francophile de coeur, élu à l’Académie française en 2021.» Le Point lui rend hommage dans ce portrait de l'un des derniers géants de la littérature et ressort des archives des extraits des nombreuses entrevues accordées au magazine au fil des années.
Dans Le Devoir, un commentateur évoque la figure d'un géant à deux têtes, un être bicéphale qui « ne cesse de se contredire sur les questions fondamentales et dont l’œuvre est un spectaculaire démenti de ce qu’il affirmait publiquement ». Tout en reconnaissant à Vargas Llosa le droit de se défendre: « L’une des fonctions qui m’avait semblé la plus importante de ma vocation, la littérature, c’est précisément d’être une forme de résistance au pouvoir, une activité depuis laquelle tous les pouvoirs pouvaient être en permanence remis en question, la bonne littérature montrant toujours les insuffisances de la vie, les limites de tout pouvoir à combler les aspirations humaines. »
Le Wall Street Journal souligne sa disparition en s'intéressant en particulier aux contours politiques de cet écrivain, marxiste pendant la révolution cubaine, puis défenseur du libre marché, qui s'est présenté à l'élection présidentielle dans son pays natal, le Pérou, et qui a écrit «des romans saisissants explorant les thèmes du despotisme, de la corruption et du fanatisme en Amérique latine.»
Les médias québécois ont souligné avec une rare unanimité la disparation de Serge Mongeau, décédé le 9 mai. « Le mot anglais activist conviendrait à Serge Mongeau. Sa pensée, parce qu’elle est simple sans doute, se transforme toujours en action, une action durable et cohérente. Les maîtres de sa jeunesse, René Dubos et Ivan Illich notamment l’ont mis sur la voie du vélo… et d’une manière générale de l'autonomie du vivant... »
Lire notre dossier Serge Mongeau.