Né à Salonique en 1902 et décédé à Moscou en 1963, inhumé au cimetière de Novodevitchi, Nâzım Hikmet Ran), poète et dramaturge turc, puis citoyen polonais, a connu la prison* et l'exil pour ses convictions communistes. Il passa sa vie entre l'union soviétique et la Turquie, où il fut persécuté et emprisonné.
Son oeuvre la plus connue est Pourquoi Benerdji s'est-il suicidé ? (Pais, Éditions de Minuit, 1980), écrite en sortant de son premier séjour de la prison entre 1930 et 1932. Dans ce roman, il pose la question du suicide : dans quelles conditions un révolutionnaire a-t-il le droit de se tuer ? Cet ouvrage est une réflexion sur l'importance de l'engagement dans un contexte général et sur le comportement de l'individu face à cet engagement. Mais c'est surtout la conclusion provisoire, d'un homme qui, tout au long des années vingt, a pris une part active à la vie politique de son pays. En 1930, avec Vladimir Maïakovski*, le 14 mars, le suicide acquiert une signification symbolique, en dépassant le cadre d'un acte individuel pour revêtir un caractère social et politique.
Entre autres recueils de poèmes, Hikmet publie ll neige dans la nuit et autres poèmes, traduction de Münevver Andaç et Guzine Dino, (Poésie/Gallimard, Paris, 1999). Un roman Les Romantiques (La vie est belle, moins vieux), traduit du turc par Munevver Andac, Messidor, Temps actuels, 1982. «Nâzim sentait venir la fin, le roman fut terminé en quelques mois, à toute allure. De caractère autobiographique, il relate un épisode de jeunesse dans les années 30, témoignant de trois obsessions majeures: celle de la rage d'amour, de l'exaltation révolutionnaire, et puis de la rage tout court par morsure de chien. [...] Dans Les Lettres à Taranta-Babu (1935), poème dédié à Henri Barbusse, le poète écrivait déjà:
Hé dis donc, Taranta Babu
hé donc , que c'est beau de vivre
nom de dieu que c'est beau de vivre...
VIVRE... Quelle drôle d'affaire
quelle drôle d'histoire Raranta-Babu,
que cette chose incroyablement belle
indiciblement joyeuse
soit tellement difficile aujourd'hui
tellement étroite
tellement sanglante tellement dégoûtante...» (op. cit., p. 7-8)
Au point de vue théâtral, Nâzim a publié aux Éditions L'espace d'un instant, 2005:
Ceci est un rêve, Opérette en trois actes et six tableaux (Bu Bir Rüyadlr, Istanbul1934), Traduit du turc par Noémi Cingoz. «C'est cela la vie, comme un rêve», dit en guise de morale le nomade de la fable. La conclusion nous renvoie à celle d'un poème de prison, avec un ton toutefois bien différent: «J'ai assez de courage pour faire au rêve la part de rêve.» (Richard Soudée, «Jouer Nâzim», op. cit., p. 7)
Ferhad et Sîrîn, Mehmene Banu et l'eau de la source de Demirdag, Un conte, Pièce en trois actes (Bursa, 1948) Traduit du turc par Noémi Cingoz. «Un exemple de l'intérêt de Hikmet pour les contes, pour leur caractère poétique, leur fantaisie, mais aussi pour la morale de l'histoire. Comme dans plusieurs autres cas, il adapte un conte traditionnel pour lui donner une portée actuelle, L'héroïsme de Ferhad qui sacrifie son bonheur personnel pour sauver les habitants d'un pays, est imprégné de l'idéal de Hikmet. Plusieurs fois montée, la pièce est considérée comme une oeuvre majeure. »(Richard Soudée, «Jouer Nâzim», op. cit., p. 7)
Ivan Ivanovich a-t-il existe?, Pièce en trois actes, Moscou 1955, Traduit par Nicole Maupaix à partir de la traduction russe du texte turc par Ekber Babayev et M Pavlova. Une critique du régime stalinien. «La pièce pose toujours la question: le vrai communisme a-t-il existé?... Sa déception était très forte à la fin. Lors de son dernier séjour à Paris, il m'a confié dans un café: "Tu sais, il n'y plus rien de sacré pour moi"» (Richard Soudée, «Jouer Nâzim», op.cit. , p. 6)
Pour Nâzim, «...la mort est terrible. II est terrible de ne plus oser, terrible de ne plus aimer. Je hais tout ce qui est mort. J'aime tout ce qui vit,»
En 2002, à l'occasion du centenaire de la naissance de Nâzim Hikmet, Mehmet Ulusoy (1942-2005) fit une nouvelle mise en scène de Pourquoi Benerdji s'est-il suicidé ?, avec le Théâtre national d'Istanbul. Après les années de censure et d'exil, Mehmet Ulusoy retrouvait l'accès à la scène dans son pays. Cette circulation enfin libre donnait raison à la phrase de Nâzim que le metteur en scène aimait citer : «J'ai souvent perdu et ma liberté* et mon pain, je n'ai jamais perdu l'espoir.»
www.ataturquie.asso.fr/info_art&lit_050612_1.htm
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