Jean de Boyssonné (v.1500-1558), juriste et poète, professeur de droit à l'université de Toulouse, consacra à Théodule, petit garçon de Rabelais*, son ami, mort à l'âge de deux ans, «toute une flore latine d'élégies, de distiques, d'hendécasyllabes, de vers iambiques» Anatole France publie la traduction de ces poèmes faite par Arthur Heulhard dans Rabelais (1928, p. 118-120). Voici une page d'extraits de ces poèmes. Dans les premiers vers, le poète juriste fait parler l'enfant* qui s'identifie tellement à son père qu'il ne semble pas avoir de vie hors du père, sauf les dites paroles. Impression légèrement corrigée dans le deuxième poème, mais le décès de l'enfant devient une forme de renoncement sacrificiel* à la vie. Or, dans le troisième poème, c'est l'identification au Christ qui efface toute valeur à la brève vie de l'enfant en elle-même. Est-ce que c'est pour cette raison qu'Anatole France parle de «roideur et de solennité»? À situer cette poésie dans le contexte de la spiritualité de ce temps.
DE THÉODULE RABELAIS MORT ÂGÉ DE DEUX ANS
Tu demandes qui repose en ce tombeau si petit? C'est le petit Théodule lui-même; à la vérité en lui tout est petit, âge, forme, yeux, bouche, enfin pour le corps c'est un enfant. Mais il est grand par son père, le docte et l'érudit, versé dans tous les arts qu'il convient que connaisse un homme bon, pieux et honnête. Ce petit Théodule les aurait tous tenus de son père, si le destin l'avait fait vivre, et, de petit qu'il était, il serait un jour devenu grand.
À THÉODULE RABELAIS MOURANT À L'ÂGE DE DEUX ANS
Pourquoi nous quitter si tôt, je te le demande, Rabelais? Pourquoi ce désir de renoncer aux joies de la vie? Pourquoi tomber avant le jour, trahissant la tendre jeunesse? Pourquoi s'apprêter à mourir d'une mort prématurée?
RÉPONSE
Ce n'est pas, Boysson, par haine de vivre que j'abandonne la vie; si je meurs, c'est pour ne pas mourir à jamais. J'ai pensé que la vie avec le Christ est la seule vie qui doive être précieuse aux bons.
Tu demandes qui repose en ce tombeau si petit? C'est le petit Théodule lui-même; à la vérité en lui tout est petit, âge, forme, yeux, bouche, enfin pour le corps c'est un enfant. Mais il est grand par son père, le docte et l'érudit, versé dans tous les arts qu'il convient que connaisse un homme bon, pieux et honnête. Ce petit Théodule les aurait tous tenus de son père, si le destin l'avait fait vivre, et, de petit qu'il était, il serait un jour devenu grand.
À THÉODULE RABELAIS MOURANT À L'ÂGE DE DEUX ANS
Pourquoi nous quitter si tôt, je te le demande, Rabelais? Pourquoi ce désir de renoncer aux joies de la vie? Pourquoi tomber avant le jour, trahissant la tendre jeunesse? Pourquoi s'apprêter à mourir d'une mort prématurée?
RÉPONSE
Ce n'est pas, Boysson, par haine de vivre que j'abandonne la vie; si je meurs, c'est pour ne pas mourir à jamais. J'ai pensé que la vie avec le Christ est la seule vie qui doive être précieuse aux bons.