Auteur de Rabelais, Anatole France situe la vie et l'oeuvre de François Rabelais à l'aube de la Renaissance: «Avec le génie antique l'humanité renaissait. L'Italie s'était éveillée la première à la science et à la beauté. Dans la patrie de Dante* et de Pétrarque*, la sagesse antique n'avait jamais pu mourir entièrement.» Pour illustrer ses propos, Anatole France raconte un «fait étrange, conté par un annaliste pontifical du quinzième siècle, Stéphano Infessura, est comme le symbole de ce réveil.» (op. cit., p. 8)
C'était le 18 avril 1485: le bruit court dans Rome que des ouvriers lombards, en creusant la terre le long de la voie Appienne, ont trouvé un marbre blanc: JULIA FILLE DE CLAUDIUS. Le cercle soulevé, on vit une vierge de quinze à seize ans, dont la beauté, par l'effet d'onguents inconnus ou par quelque charme magique, brillait d'une éclatante fraîcheur. Ses longs cheveux blonds répandus sur ses blanches épaules, elle souriait dans son sommeil. Une troupe de Romains, émue d'enthousiasme, souleva le lit de marbre de Julia et la porta au Capitole où le peuple, en longue procession, vint admirer l'ineffable beauté de la vierge romaine. Il [le peuple] restait silencieux, la contemplant longuement, car sa forme, disent les chroniqueurs, était mille fois plus admirable que celle des femmes qui vivaient de leur temps. La ville fut si grandement émue de ce spectacle que le pape Innocent, craignant qu'un culte païen et impie ne vint à naître sur le corps souriant de Julia, la fit dérober nuitamment et ensevelir en secret. Mais le peuple romain ne perdit jamais le souvenir de la beauté antique qui avait passé devant ses yeux.
La Renaissance en Italie et dans toute l'Europe fut cela. Ce fut l'antiquité retrouvée, les lettres, les sciences antiques restaurées. Quelle vertu féconde, quelle puissance de vie renferment les chefs d'oeuvres de la Grèce* et de Rome*! Ils sortent de la poussière et soudain la pensée humaine déchira son linceul. De ces vestiges épars, ensevelis depuis plus de mille ans, jaillit une source éternelle de rajeunissement.
Anatole France, Rabelais, Paris, Calmann-Lévy, 1928, p. 8-9
La Renaissance en Italie et dans toute l'Europe fut cela. Ce fut l'antiquité retrouvée, les lettres, les sciences antiques restaurées. Quelle vertu féconde, quelle puissance de vie renferment les chefs d'oeuvres de la Grèce* et de Rome*! Ils sortent de la poussière et soudain la pensée humaine déchira son linceul. De ces vestiges épars, ensevelis depuis plus de mille ans, jaillit une source éternelle de rajeunissement.
Anatole France, Rabelais, Paris, Calmann-Lévy, 1928, p. 8-9