Dans une lettre, datée du 4 août 1969, Mishima fait l'éloge de deux ouvrages de Kawabata:
Le Beau Japon en moi : texte du discours prononcé par Kawabata à Stockholm en décembre 1968, lors de la remise du prix Nobel de littérature. Publié dans divers journaux japonais le 16 décembre 1968, il fut ensuite édité en mars 1969 par Kôdansha;
et Présence et découverte du Beau: court essai sur l'esthétique japonaise traditionnelle, publié en mai 1969 dans le quotidien Mainichi Shimbunsha. Kawabata y reprend le texte d'une conférence qu'il avait prononcée le premier mai 1969 à Honolulu, où il séjournait à l'invitation de l'Université de Hawaï.
Le Beau Japon en moi : texte du discours prononcé par Kawabata à Stockholm en décembre 1968, lors de la remise du prix Nobel de littérature. Publié dans divers journaux japonais le 16 décembre 1968, il fut ensuite édité en mars 1969 par Kôdansha;
et Présence et découverte du Beau: court essai sur l'esthétique japonaise traditionnelle, publié en mai 1969 dans le quotidien Mainichi Shimbunsha. Kawabata y reprend le texte d'une conférence qu'il avait prononcée le premier mai 1969 à Honolulu, où il séjournait à l'invitation de l'Université de Hawaï.
4 août 1969
Le Beau Japon en moi est un texte qui explicite, avec une admirable lucidité, ce qui constitue le noyau de votre oeuvre littéraire, et je pense que tout ce qui a pu être publié en matière d'«essais sur Kawabata» va être à jamais balayé par cet opuscule. Il y a dans la manière dont vous exposez vos réflexions, une sorte de magie qui vous permet, en parlant de la vanité de l'effort, ou encore du néant, d'en imposer directement la sensation au lecteur. D'ailleurs, cette notion de néant - et c'est bien la première fois -, vous en évoquez l'essence dans ce qu'elle a de lumineux et de porteur de vie en des termes faciles à comprendre pour les Occidentaux, produisant ainsi une impression analogue à celle de votre «Chanson d'Italie», une impression qui se prolonge aussitôt, me semble-t-il dans les premières pages de Présence et découverte du Beau, lorsque vous évoquez la beauté de verres aux reflets éblouissants.
[...]
[Ces quelques pages] ont dû certainement, ne serait-ce que par la fraîcheur de l'expérience sensorielle qui s'en dégage, tenir sous le charme le public venu vous entendre parler du Dit du Genji*. Je me suis souvenu de cette peinture que fait Proust d'une cuisine, vous savez: ce passage où il décrit dans les moindres détails un couteau dont la partie exposée aux rayons du soleil l'air doublée de velours, ou encore des pointes d'asperges qui, avec leurs teintes irisées, semblent se fondre dans l'air.
[...]
Par ailleurs, j'ai été frappé de la manière que vous avez, tout en évoquant en apparence des sujets d'une grâce extrême, de lancer parfois au détour d'une phrase certaines réflexions - notamment sur le lien prédestiné et donc terrifiant qui existe entre une littérature et son époque, ou sur l'usage inquiétant que fait Kyoshi* du «bâton» en l'objectivant dans l'un de ses poèmes.
NOTES
* Composé dans les premières années du XI° siècle par une dame de la cour impériale, Murasaki Shikibu, ce récit qui comprend cinquante-quatre livres relate la vie et les amours du prince Genji, puis de son fils Kaoru. La subtilité de ses analyses psychologiques, la peinture si vivante de la société des aristocrates de l'époque, l'élégance de son style en font un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale.
** Takahama Kyoshi (1874-1959), poète du haïku. Le haïku auquel Mishima fait allusion ici, composé pour le nouvel an 1950, dit: «Année qui passe et qui vient et que traverse / comme un bâton» (traduction d'Y.-M. Allioux).
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[Ces quelques pages] ont dû certainement, ne serait-ce que par la fraîcheur de l'expérience sensorielle qui s'en dégage, tenir sous le charme le public venu vous entendre parler du Dit du Genji*. Je me suis souvenu de cette peinture que fait Proust d'une cuisine, vous savez: ce passage où il décrit dans les moindres détails un couteau dont la partie exposée aux rayons du soleil l'air doublée de velours, ou encore des pointes d'asperges qui, avec leurs teintes irisées, semblent se fondre dans l'air.
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Par ailleurs, j'ai été frappé de la manière que vous avez, tout en évoquant en apparence des sujets d'une grâce extrême, de lancer parfois au détour d'une phrase certaines réflexions - notamment sur le lien prédestiné et donc terrifiant qui existe entre une littérature et son époque, ou sur l'usage inquiétant que fait Kyoshi* du «bâton» en l'objectivant dans l'un de ses poèmes.
NOTES
* Composé dans les premières années du XI° siècle par une dame de la cour impériale, Murasaki Shikibu, ce récit qui comprend cinquante-quatre livres relate la vie et les amours du prince Genji, puis de son fils Kaoru. La subtilité de ses analyses psychologiques, la peinture si vivante de la société des aristocrates de l'époque, l'élégance de son style en font un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale.
** Takahama Kyoshi (1874-1959), poète du haïku. Le haïku auquel Mishima fait allusion ici, composé pour le nouvel an 1950, dit: «Année qui passe et qui vient et que traverse / comme un bâton» (traduction d'Y.-M. Allioux).