La malédiction poursuit Sven Elversson : on croit savoir qu’au cours d’une expédition polaire, il aurait mangé de la chair humaine. De retour dans son île natale, il est livré à la réprobation publique imposée par le pasteur du village. Désormais, quels que soient ses efforts pour se racheter, Sven fera figure de coupable* même aux yeux de la femme du pasteur, qui ne parvient pas à démêler les troubles sentiments que le "Banni" lui inspire. Selma Lagerlöf exprime à travers le Banni ses convictions pacifiques personnelles. La mort, au lieu d'être au service de la vie (si le grain de blé ne meurt...), s'impose comme le maître de la vie dans la guerre. La fusion entre vie et mort (absence d'opposition) n'existe pas seulement en situation de guerre, mais peut advenir aussi dans la subjectivité des personnes en temps de maladie*, de dépression* ou de mélancolie*, à l'heure de la séparation ou de la rupture. C'est le cas de la femme du pasteur chez qui l'association de la vie et de la mort est devenue si étroite qu'elle semble libérée de tout lien terrestre. Elle semble vivre dans le pays de la mort.
Ainsi parle le Banni:
«Et maintenant, alors que nous souffrons la dure tyrannie de la mort, maintenant seulement nous commençons à nous demander: n'existe-t-il vraiment rien sur terre qui soit suffisamment puissant pour engager le combat contre la mort?
Mais sur terre, nous le savons, il n'est qu'une chose qui puisse résister à la mort et qui soit son perpétuel ennemi fidèle, et cette chose s'appelle la vie.
[...]
Je suis celui qui est le Seigneur de la mort et de la vie, Et j'ai envoyé la mort sur la terre pour qu'elle soit serviteur de la vie. Je fais tomber les feuilles fanées afin que de nouvelles feuilles saines puissent venir l'année après. Je laisse les étoiles dans l'espace se consumer et s'éteindre afin que de nouvelles étoiles puissent surgir à la place des cendres des précédentes.
Je laisse le corps de l'homme qui a suffisamment vécu être enseveli dans la tombe afin que sur la terre apparaissent une nouvelle floraison et une nouvelle vie.
Mais puisque la mort est devenue maître au lieu de serviteur, je vais la poursuivre.
Car je n'apprécie pas que le blé soit moissonné avant maturité, ni que l'oisillon soit abattu par le chasseur avant qu'il ait construit son nid et assuré sa descendance.
Et je vais établir une frontière et une différence entre le temps de maintenant et celui qui doit venir, je la mettrai d'ici peu d'années. Et l'on appellera ce temps passé les siècles des ténèbres.
Mais vous, les âmes, retournez sur terre, et apprenez aux hommes à obéir à mon cinquième commandement, qui est le commandement de l'amour pour son prochain, et la clé de tous les autres!»
Source: Selma Lagerlöf, Le Banni, Arles, Actes Sud, 1999, p. 301 et 314-315.
Ainsi pense la femme du pasteur:
«Il est peut-être dangereux pour un vivant de s'associer avec la mort. Elle peut vous prendre au sérieux. Elle avait l'impression de ressentir qu'effectivement elle subissait une transformation. Tous les liens qui l'attachaient à sa vie antérieure se défaisaient l'une après l'autre.
L'amour pour son mari, le chagrin et les tourments de son mariage qui, auparavant, accaparaient toutes ses pensées: tout ceci s'évanouissait, disparaissait, laissant un grand vide, mais ni manque, ni amertume.
«C'est ce que ressentent les morts, pensa-t-elle. Ils sont ainsi libérés de tout lien terrestre. Même amour et chagrin les quittent.»
[...]
Quand elle pense à ses parents [...] : «Ici, ils ne pourront pas me joindre, pensa-t-elle. Jusqu'à présent ils m'ont assistée tant qu'ils l'ont pu. Maintenant je suis séparée d'eux. J'entre dans le pays de la mort.»
(op. cit., p. 215)
«Et maintenant, alors que nous souffrons la dure tyrannie de la mort, maintenant seulement nous commençons à nous demander: n'existe-t-il vraiment rien sur terre qui soit suffisamment puissant pour engager le combat contre la mort?
Mais sur terre, nous le savons, il n'est qu'une chose qui puisse résister à la mort et qui soit son perpétuel ennemi fidèle, et cette chose s'appelle la vie.
[...]
Je suis celui qui est le Seigneur de la mort et de la vie, Et j'ai envoyé la mort sur la terre pour qu'elle soit serviteur de la vie. Je fais tomber les feuilles fanées afin que de nouvelles feuilles saines puissent venir l'année après. Je laisse les étoiles dans l'espace se consumer et s'éteindre afin que de nouvelles étoiles puissent surgir à la place des cendres des précédentes.
Je laisse le corps de l'homme qui a suffisamment vécu être enseveli dans la tombe afin que sur la terre apparaissent une nouvelle floraison et une nouvelle vie.
Mais puisque la mort est devenue maître au lieu de serviteur, je vais la poursuivre.
Car je n'apprécie pas que le blé soit moissonné avant maturité, ni que l'oisillon soit abattu par le chasseur avant qu'il ait construit son nid et assuré sa descendance.
Et je vais établir une frontière et une différence entre le temps de maintenant et celui qui doit venir, je la mettrai d'ici peu d'années. Et l'on appellera ce temps passé les siècles des ténèbres.
Mais vous, les âmes, retournez sur terre, et apprenez aux hommes à obéir à mon cinquième commandement, qui est le commandement de l'amour pour son prochain, et la clé de tous les autres!»
Source: Selma Lagerlöf, Le Banni, Arles, Actes Sud, 1999, p. 301 et 314-315.
Ainsi pense la femme du pasteur:
«Il est peut-être dangereux pour un vivant de s'associer avec la mort. Elle peut vous prendre au sérieux. Elle avait l'impression de ressentir qu'effectivement elle subissait une transformation. Tous les liens qui l'attachaient à sa vie antérieure se défaisaient l'une après l'autre.
L'amour pour son mari, le chagrin et les tourments de son mariage qui, auparavant, accaparaient toutes ses pensées: tout ceci s'évanouissait, disparaissait, laissant un grand vide, mais ni manque, ni amertume.
«C'est ce que ressentent les morts, pensa-t-elle. Ils sont ainsi libérés de tout lien terrestre. Même amour et chagrin les quittent.»
[...]
Quand elle pense à ses parents [...] : «Ici, ils ne pourront pas me joindre, pensa-t-elle. Jusqu'à présent ils m'ont assistée tant qu'ils l'ont pu. Maintenant je suis séparée d'eux. J'entre dans le pays de la mort.»
(op. cit., p. 215)