José Guadalupe Posada naît à Aguascalientes, dans le nord du pays, le 2 février 1852. C'est un jour de fête au Mexique, el Día de la Candelaria (la Chandeleur), qui est ici aussi importante que la «Fête des Morts» en novembre. C'est sûrement un signe dans le destin de Posada. Cette époque est encore marquée par les luttes pour le pouvoir qui traversent le Mexique et qui suivent les guerres de la Réforme. Le pays est exsangue et profondément coupé en deux depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat imposée par Hidalgo.
Posada se révèle dès son plus jeune âge un dessinateur très doué. Ses dessins et ses gravures trouveront d'ailleurs plus de force par l'utilisation d'une technique de gravure encore peu utilisée au Mexique à cette époque : la lithographie. Mais son style très libre se heurtera rapidement à la susceptibilité de quelques uns. A dix-neuf ans, les premières caricatures qu'il publie dans la journal local "El Jicote" sont vite repérées et aussitôt censurées : il doit fuir. Mais cet épisode lui permet de venir à Mexico où il finit par travailler pour les grands journaux d'opposition au gouvernement de Porfirio Diaz qui tourne peu à peu à la dictature. Ses caricatures, des riches et des puissants de son temps, et sa signature deviennent inséparables des El Argos, La Patria, Fray Gerundio, El Fandango, El Ahuízote,... journaux qui finissent d'ailleurs tous par devenir clandestins. Posada devient une cible pour les conservateurs. Il vit dorénavant en fuite permanente. Ses rencontres inspirent son style et ses thèmes qui restent populaires : il ne dessine pas, il dénonce... Ses nombreux «voyages» le conduisent à León de los Aldamas, près de Guanajuato, où il fait la rencontre de José Trinidad Pedroza, un lithographe dont il finit par devenir l'ami au point que celui-ci lui cède son atelier de lithographie en 1876. En quasi-retraite, il pourra perfectionner son art.
José Guadalupe Posada fut un artiste très prolixe. Ses réalisations embrassent tous les thèmes de son époque, il fait partie des caricaturistes comme Leopold Mendez qui se permettent de critiquer le pouvoir dans ce pays qui n'est toujours pas habitué à la démocratie. C'était avant tout un dessinateur qui n'a pas eu droit de son vivant à la reconnaissance qu'il méritait de la part du milieu artistique : pas assez académique... Il a dessiné aussi bien des publicités, des affiches de spectacles, des illustrations pour les journaux, mais aussi des choses plus personnelles. Son œuvre mêle ainsi bien les histoires vraies, les "faits divers", que les histoires fantastiques et légendaires que l'on se raconte au Mexique. Si les artistes officiels n'ont pas reconnu en lui l'un des leurs, c'est parce que ses dessins, que l'on peut trouver de mauvais goût, ne faisaient finalement que reproduire la réalité de la vie mexicaine. La dureté du travail, la vanité des puissants, la souffrance des humbles... Il ne se souciait pas de ce manque de reconnaissance officielle, car pour lui seul comptait son public, les humbles et les sans-voix dont il faisait partie : lui aussi venait du peuple. Il allait cependant à contre-courant des croyances de l'époque : «avec le temps tout devrait s'améliorer...» Non, pour lui, le temps qui passe n'est pas synonyme de progrès...
En 1884, il peut s'installer à Mexico avec sa compagne María de Jesús Vela (qu'il a épousée en 1875), rue Santa Teresa (aujourd'hui rue Guatemala) puis au 5 de la rue Santa Inés (aujourd'hui rue de la Moneda). Il s'associe à l'un des éditeurs très en vue à Mexico, Antonio Venegas Arroyo, qui publie de nombreux almanachs (genre très apprécié à cette époque), mais aussi des recueils de poésie et des écrivains : ces parutions demandent une abondante quantité d'illustrations. Posada en obtient la responsabilité et il aura «carte blanche». Ces dessins en couverture sont les meilleurs arguments de vente de son employeur et ce sont eux qui feront sa renommée. C'est à cette époque qu'apparaissent les premiers «calaveras», les squelettes dont Posada fera les personnages principaux de nombreuses gravures. Ces «calaveras» qui dansent, qui se battent, qui vivent sous nos yeux, ce ne sont pas seulement des représentations des pauvres, de la misère, de l'injustice : c'est le peuple mexicain tout entier. Et ces centaines de dessins de couverture seront autant de critiques de la société mexicaine qui seront finalement le seul but de son travail. Il dessine aussi les «Aventures de Don Chepito», le vieil homme chauve et naïf qui se fait toujours bastonner par des femmes ou voler par des bandits: l'antihéros par excellence, ça aussi c'est nouveau.
Mais le plus important est sa rencontre, grâce à Arroyo, du lithographe Santiago Hernández qui, il faut l'avouer, est l'inventeur des fameux «calaveras», les squelettes, que reprendra Posada en y ajoutant leur coté satirique et comique, mais surtout en y ajoutant une dimension politique et sociale inconnue jusque-là au Mexique. Posada rencontre aussi Manuel Manilla, un maître de la gravure, qui lui apprend les dernières subtilités de son art. Ainsi, de nombreux «calaveras» habituellement attribués à Posada sont en réalité des œuvres de Manilla (comme le «calavera zapatista»).
Ces fameux «calaveras» (qui en espagnol signifie aussi le «noceur», le «fêtard»), finissent par devenir les héros de bandes dessinée qui retracent, souvent même sans les dissimuler, les événements qui traversent l'actualité du pays. Ils trouvent un accueil favorable auprès du public qui n'a aucune prise sur les décisions politiques du pays. Ils sont comme un exutoire, un «Guignol» mexicain. Pour donner de la «personnalité» à ses squelettes, Posada utilise souvent un seul accessoire, et tout particulièrement le sombrero. Dans ses dernières années, Posada maîtrise parfaitement ces squelettes. Il en dessine de plus en plus, leur donnant, paradoxalement, plus de vie et de personnalité, jusqu'à ce que l'on oublie nous-mêmes le caractère foncièrement morbide de ces dessins. C'est là l'expression de ce paradoxe typiquement mexicain qui nous fait douter des frontières de la vie et de la mort.
Ses compositions, essentiellement des dessins, sont puissantes et dynamiques, elle tente de parler de la vie en y incluant souvent une dimension fantastique. Il s'inspire des œuvres de l'époque coloniale (surtout pour leur caractère légendaire et emphatique), de photographes de son temps comme Casasola ou Hugo Brehme. Les images et symboles des cultures précolombiennes comme le serpent, les squelettes, le feu, la foudre, le sang, les monstres, ..., font partie des ses thèmes favoris, puisant ainsi dans l'histoire de son pays mais surtout dans son inconscient collectif. Même pour une petite esquisse, la composition est toujours soignée et équilibrée. Il a un style inimitable, notamment pour ses portraits. Il sait représenter aussi bien la peur que la joie, la bêtise ou la bonté, adaptant son trait à son objectif. On s'amuse en voyant ces célèbres squelettes, les «calaveras», dans des situations familières ou grotesques, ses hommes politiques infâmes, ses soldats de la Révolution en pleine action, ses ivrognes, ses voleurs, ses «charros»... A travers son œuvre, c'est un panorama complet de la société mexicaine du début du siècle que l'on découvre, une société chaotique, en gestation, pleine de violence et de passion, et pleine de vie...
Après une vie mouvementée, Posada meurt en 1913 d'une gastro-entérite aiguë sans laisser de descendance : il a eu un fils naturel mais il est mort en bas âge. Paradoxalement, cet homme, qui célébra maintes fois la mort et qui devint célèbre grâce à ses squelettes tout à la fois anonymes et universels, fut mis en terre dans une fosse commune (même s'il s'agit de la fosse commune du Panthéon de Dolores), terminant son existence en squelette anonyme parmi d'autres squelettes anonymes, et «livré du même coup à l'oubli et à l'immortalité». Il restera un modèle pour ses successeurs et notamment pour tous ceux qui, comme Diego Rivera ou Siqueiros, ont été intéressés par le Surréalisme. Il est même aujourd'hui considéré par beaucoup comme le précurseur de la peinture moderne mexicaine. Aujourd'hui encore, ses dessins restent l'un des héritages culturels les plus importants de la nation mexicaine, et il n'est pas rare de voir ses œuvres réutilisées pour des publicités et des couvertures de magazines.
d'après http://www.vivamexico.info/Index1/Posada.html