«Dès la scène d’exposition, le spectateur sait qu’il est en « Aulide » (v. 43), dans un « camp » militaire (v. 342), dans lequel séjourne l’armée d’Agamemnon, qui attend de pouvoir cingler sur Troie. [Face à Agamemnon], «se dresse sa fille, Iphigénie. Tendre amoureuse d’Achille, elle est surtout une fille totalement dévouée à son père. Son amour filial est total et aveugle : elle dit « aime[r] », « adore[r] » (v. 1002) même son père, et entend faire parler la voix du sang plutôt que celle du cœur. Ainsi, contre la volonté d’un amant qui veut la sauver, elle se résigne à subir la volonté paternelle. Son « cœur de votre honneur jaloux / Ne fera point rougir un père tel que vous » (v. 1203-1204). « Victime obéissante » (v. 1177), Iphigénie est donc, dans la pièce, moins un être d’action que de déploration. Elle n’entend pas infléchir son destin mais le subir.» («Iphigénie de Racine» http://www.studyrama.com/article.php3?id_article=7542) Iphigénie sera sauvée in extremis par Achille, son amant.
CLYTEMNESTRE
Qu'ils viennent donc sur moi prouver leur zèle impie
Et m'arrachent ce peu qui me reste de vie.
La mort seule, la mort pourra rompre les noeuds
Dont mes bras nous vont joindre et lier toutes deux.
Mon corps sera plutôt séparé de mon âme
Que je souffre jamais... Ah, ma fille !
IPHIGÉNIE
Ah, Madame !
Sous quel astre cruel avez-vous mis au jour
Le malheureux objet d'un si tendre amour ?
Mais que pouvez-vous faire en l'état où nous sommes ?
Vous avez à combattre et les Dieux et les hommes.
Contre un peuple en fureur vous exposerez-vous ?
N'allez point, dans un camp rebelle à votre époux,
Seule à me retenir vainement obstinée,
Par des soldats peut-être indignement traînée,
Présenter, pour tout fruit d'un déplorable effort,
Un spectacle à mes yeux plus cruel que la mort.
Allez. Laissez aux Grecs achever leur ouvrage,
Et quittez pour jamais un malheureux rivage.
Du bûcher qui m'attend, trop voisin de ces lieux,
La flamme de trop près viendrait frapper vos yeux.
Surtout, si vous m'aimez, par cet amour de mère,
Ne reprochez jamais mon trépas à mon père.
CLYTEMNESTRE
Lui ! par qui votre coeur à Calchas présenté...
IPHIGÉNIE
Pour me rendre à vos pleurs que n'a-t-il point tenté ?
CLYTEMNESTRE
Par quelle trahison le cruel m'a déçue !
IPHIGÉNIE
Il me cédait aux Dieux, dont il m'avait reçue.
Ma mort n'emporte pas tout le fruit de vos feux.De l'amour qui vous joint vous avez d'autres noeuds ;
Vos yeux me reverront dans Oreste mon frère.
Puisse-t-il être, hélas ! moins funeste à sa mère !
D'un peuple impatient vous entendez la voix.
Daignez m'ouvrir vos bras pour la dernière fois,
Madame, et rappelant votre vertu sublime...
Eurybate, à l'autel conduisez la victime.