Un plaidoyer pour Richard Wagner en 1868
Samedi le 07 février 2004
(…) Maintenant que M. Carvalho possède deux théâtres, espérons qu’il ne nous fera pas longtemps attendre le Lohengrin de Richard Wagner, promis depuis bien des mois. Pour la réussite de sa double entreprise, l’habile directeur doit se former un répertoire nouveau et non pas jouer les mêmes pièces sur deux scènes différentes. Le théâtre de la Renaissance (salle Ventadour) n’a que faire de répéter le Théâtre lyrique. Tout ce qui s’intéresse à la musique a le plus vif désir de juger, non sur des fragments, mais sur l’exécution complète de ses plus importantes partitions, le génie nouveau qu’on nomme Richard Wagner, et qui soulève à la fois des admirations si passionnées et des diatribes si violentes. À coup sûr, l’être qui déchaîne de tels enthousiasmes et de telles colères ne saurait être médiocre.
Les morceaux entendus prouvent d’ailleurs d’énormes facultés musicales et une incomparable puissance. On n’a aucune raison de nous cacher plus longtemps ce grand maître. Cette plaisanterie de musique de l’avenir a duré assez. Il nous faut non seulement le Lohengrin, mais le Tannhäuser, qu’on n’a pas écouté à l’Opéra, et les Niebelungen, et Le Vaisseau fantôme et Tristan et Iseult, et même Rienzi, que Wagner renie aujourd’hui comme trop rossinien. Il y a là, dans cette mine abondante d’où l’on n’a extrait que quelques pépites d’or, toute une Californie pour le directeur qui oserait l’exploiter, et vraiment l’audace ne serait pas grande, car les échantillons produits sont du métal le plus pur et du plus beau titre.