Histoire de l'histoire de la Rome antique

Jules Michelet

L'évolution de la pensée historique et de la vision de l'histoire de la Rome antique, de Juste-Lipse, jusqu'à Niebuhr, en passant par Louis de Beaufort et Giambattista Vico, le précurseur de la méthode historique nouvelle, la scienza nuova.

Ce n'est pas d'hier que l'on a commencé à se douter que l'histoire des origines de Rome pourrait bien n'être pas une histoire. C'est un des premiers sujets auxquels se soit appliqué l'esprit critique à son réveil. Depuis que Rome ne commandait plus au monde par l'épée des légions, elle le régentait avec deux textes, le droit canonique et le droit romain. Elle recommandait ce droit non seulement comme vérité, comme raison écrite, mais aussi comme autorité. Elle lui cherchait une légitimité dans l'ancienne domination de l'empire, dans son histoire. On prit donc garde à cette histoire. Le précurseur d'Érasme, Laurent Valla, donna le signal au commencement du quinzième siècle. Au seizième, un ami d'Érasme entreprit l'examen de Tite-Live, toutefois avec ménagement et timidité, comme son prudent ami écrivait sur la Bible. Ce critique, le premier qui ait occupé la chaire de belles-lettres au Collège de France (1521), était un suisse, un compatriote de Zwingle. Natif de Glaris, on l'appelait Glareanus. La Suisse est un pays de raisonneurs. Malgré cette gigantesque poésie des Alpes, le vent des glaciers est prosaïque; il souffle le doute.

Au dix-septième siècle, ce fut le tour de la patiente et sérieuse Hollande. Les Scaliger et les Juste-Lipse, cette moderne antiquité de l'université de Leyde, presque aussi vénérable que celle qu'elle expliquait, avaient prêté à la critique l'autorité de leur omniscience. Dans l'histoire, et jusque dans la philologie, s'introduisait l'esprit de doute, né des controverses théologiques, mais étendu peu à peu à tant d'autres objets. Cet esprit éclate dans les animadversiones de l'ingénieux et minutieux Périzonius, professeur de Leyde (1685). Il rapprocha, opposa des passages, montra souvent les contradictions de ces anciens si révérés; il inquiéta plus d'une vieille croyance de l'érudition. Son livre, dit Bayle, est l'errata des historiens et des critiques. Le plus beau titre de Périzonius est d'avoir reconnu la trace des chants populaires de la Rome primitive à travers l'uniforme et solennelle rhétorique de Tite-Live, et deviné la poésie sous le roman.

Enfin parut le véritable réformateur. Ce fut un français; un français établi en Hollande, Louis De Beaufort, précepteur du prince de Hesse-Hombourg, membre de la société royale de Londres, à laquelle ont appartenu tant d'autres libres penseurs. Celui-ci fit un procès en forme à l'histoire convenue des premiers temps de Rome. Dans son admirable petit livre ( de l'incertitude, etc., 1738), qui mériterait si bien d'être réimprimé, il apprécia les sources, indiqua les lacunes, les contradictions, les falsifications généalogiques. Ce livre a jeté le vieux roman par terre. Le relève qui pourra. Beaufort n'avait que détruit. Sa critique toute négative était inféconde, incomplète même. Qui ne sait que douter, manque de profondeur et d'étendue, même dans le doute. Pour compléter la destruction du roman, pour recommencer l'histoire et la recréer, il fallait s'élever à la véritable idée de Rome. Toute création suppose une idée. L'idée partit du pays de l'idéalisme, de la grande Grèce, de la patrie de saint Thomas et de Giordano Bruno. Le génie de Pythagore est l'inspiration primitive de cette terre. Mais le monde entier est venu ajouter; chaque peuple, chaque invasion y a déposé une pensée, comme chaque éruption une lave. Les Pélasges et les Hellènes, les Étrusques et les Samnites, les Romains et les Barbares, Lombards, Sarrasins, Normands, Souabes, Provençaux, Espagnols, tout le genre humain, tribu par tribu, a comparu au pied du Vésuve. Le vieux génie du nombre et la subtilité scolastique, la philosophie spiritualiste et l'école de Salerne, le droit romain et le droit féodal, dans leur opposition, tout y coexistait. Et au-dessus de tout cela, une immense poésie historique, l'inspiration du tombeau de Virgile, l'écho des deux toscans qui ont chanté les deux antiquités de l'Italie, Virgile et Dante; enfin, une mélancolique réminiscence de la doctrine étrusque des âges, la pensée d'une rotation régulière du monde naturel et du monde civil, où, sous l'œil de la providence, tous les peuples mènent le chœur éternel de la vie et de la mort. Voilà Naples, et voilà Vico.

Dans le vaste système du fondateur de la métaphysique de l'histoire, existent déjà, en germe du moins, tous les travaux de la science moderne. Comme Wolf, il a dit que l'Iliade était l'œuvre d'un peuple, son œuvre savante et sa dernière expression, après plusieurs siècles de poésie inspirée. Comme Creuzer et Gœrres, il a fait voir des idées, des symboles dans les figures héroïques ou divines de l'histoire primitive. Avant Montesquieu, avant Gans, il a montré comment le droit sort des mœurs des peuples, et représente fidèlement tous les progrès de leur histoire. Ce que Niebuhr devait trouver par ses vastes recherches, il l'a deviné; il a relevé la Rome patricienne, fait revivre ses curies et ses gentes. certes, si Pythagore se rappela qu'il avait, dans une vie première, combattu sous les murs de Troie, ces allemands illustres auraient dû peut-être se souvenir qu'ils avaient jadis vécu tous en Vico. Tous les géants de la critique tiennent déjà, et à l'aise, dans ce petit pandémonium de la scienza nuova (1725).

La pensée fondamentale du système est hardie, plus hardie peut-être que l'auteur lui-même ne l'a soupçonné. Elle touche toutes les grandes questions politiques et religieuses qui agitent le monde. L'instinct des adversaires de Vico ne s'y est pas trompé; la haine est clairvoyante. Heureusement, le livre était dédié à Clément XII. L'apocalypse de la nouvelle science fut placé sur l'autel, jusqu'à ce que le temps vint en briser les sept sceaux. Le mot de la scienza nuova est celui-ci: l'humanité est son œuvre à elle-même. Dieu agit sur elle, mais par elle. L'humanité est divine, mais il n'y a point d'homme divin. Ces héros mythiques, ces Hercule dont le bras sépare les montagnes, ces Lycurgue et ces Romulus, législateurs rapides, qui, dans une vie d'homme, accomplissent le lent ouvrage des siècles, sont les créations de la pensée des peuples. Dieu seul est grand. Quand l'homme a voulu avoir des hommes-dieux, il a fallu qu'il entassât des générations en une personne, qu'il résumât en un héros les conceptions de tout un cycle poétique. À ce prix, il s'est fait des idoles historiques, des Romulus et des Numa. Les peuples restaient prosternés devant ces gigantesques ombres. Le philosophe les relève, et leur dit : ce que vous adorez, c'est vous-mêmes, ce sont vos propres conceptions. Ces bizarres et inexplicables figures qui flottaient dans les airs, objets d'une puérile admiration, redescendent à notre portée. Elles sortent de la poésie pour entrer dans la science. Les miracles du génie individuel se classent sous la loi commune. Le niveau de la critique passe sur le genre humain. Ce radicalisme historique ne va pas jusqu'à supprimer les grands hommes. Il en est sans doute qui dominent la foule, de la tête ou de la ceinture; mais leur front ne se perd plus dans les nuages. Ils ne sont pas d'une autre espèce, l'humanité peut se reconnaître dans toute son histoire, une et identique à elle-même. Ce qu'il y a de plus original, c'est d'avoir prouvé que ces fictions historiques étaient une nécessité de notre nature. L'humanité, d'abord matérielle et grossière, ne pouvait, dans des langues encore toutes concrètes, exprimer la pensée abstraite qu'en la réalisant, en lui donnant un corps, une personnalité humaine, un nom propre. Le même besoin de simplification, si naturelle à la faiblesse, fit aussi désigner une collection d'individus par un nom d'homme. Cet homme mythique, ce fils de la pensée populaire, exprima à la fois le peuple et l'idée du peuple. Romulus, c'est la force et le peuple de la force; Juda, l'élection divine et le peuple élu. Ainsi, l'humanité part du symbole, en histoire, en droit, en religion. Mais, de l'idée matérialisée, individualisée, elle procède à l'idée pure et générale. Dans l'immobile chrysalide du symbole, s'opère le mystère de la transformation de l'esprit; celui-ci grandit, s'étend tant qu'il peut s'étendre; il crève enfin son enveloppe, et celle-ci tombe, sèche et flétrie. Ceci est sensible surtout dans le droit; le droit date ses révolutions et les grave sur l'airain. Celles des religions, des langues et des littératures ont besoin d'être éclairées, suppléées par l'histoire de la législation et de la jurisprudence. Rome, qui est le monde du droit, devait occuper une grande place dans une formule de l'histoire du genre humain; nulle part n'est plus visible et plus dramatique la lutte du symbole et de l'idée, de la lettre et de l'esprit. Vico a saisi dans l'exemple du droit romain cette loi générale du mouvement de l'humanité. Il a donné le mot véritable de la grandeur de Rome, que n'avait pas soupçonné Montesquieu; c'est que ce peuple double, tenace et novateur à la fois, recevant toute idée, mais lentement et après un combat, n'a grandi qu'en se fortifiant. « En changeant de forme de gouvernement, dit-il, Rome s'appuya toujours sur les mêmes principes, lesquels n'étaient autres que ceux de la société humaine. Ce qui donna aux romains la plus sage des jurisprudences, est aussi ce qui fit de leur empire le plus vaste, le plus durable de tous ».

Ainsi préoccupé de Rome, Vico aperçut le monde sous la forme symétrique de la cité. Il se plut à considérer le mouvement de l'humanité comme une rotation éternelle, corso, ricorso. il ne vit point, ou du moins ne dit pas, que si l'humanité marche en cercle, les cercles vont toujours s'agrandissant. De là le caractère étroit et mesquinement ingénieux que prend son livre en atteignant le Moyen Âge. Le génie du nombre et du rhythme, dont j'ai parlé ailleurs, limite partout les conceptions de l'Italie. L'Enfer de Dante, si bien mesuré, dessiné, calculé dans l'harmonie de ses neuf cercles, est profond du ciel à l'abîme; il n'est point large et vague, comme celui de Milton. Dans son étroite hauteur, il a toutes les terreurs, hors une, celle de l'infini. Le monde du nord est tout autrement vague que celui du midi, moins arrêté, plus indécis, comme d'une création commencée. Les paysages des Apennins sont sévères et tracés au burin. Il y a dans le midi quelque chose d'exquis, de rafiné, mais de sec, comme les aromates. Si vous voulez la vie et la fraîcheur, allez au nord, au fond des forêts sans fin et sans limite, sous le chêne vert, abreuvé lentement des longues pluies. Là se trouvent encore les races barbares, avec leurs blonds cheveux, leurs fraîches joues, leur éternelle jeunesse. C'est leur sort de rajeunir le monde. Rome fut renouvelée par l'invasion des hommes du nord, et il a fallu aussi un homme du nord, un barbare, pour renouveler l'histoire de Rome.

« Dans mon pays, dit fièrement Niebuhr, chez les Dithmarsen, il n'y a jamais eu de serfs ».

Cette petite et énergique population s'est maintenue libre jusqu'au dix-septième siècle contre les grands états qui l'entourent. Là s'est conservé au milieu de tant de révolutions l'esprit d'indépendance individuelle des vieilles peuplades saxonnes. Les Germains, selon Tacite, vivaient isolés, et n'aimaient point à se renfermer dans des villes. Les Dithmarsen sont encore épars dans des villages. L'esprit féodal du Moyen Âge n'a jamais pénétré dans leurs marais. C'est, avec la Frise, ce qui représente le mieux la Germanie primitive.

Fils d'un célèbre orientaliste, homme du nord, Niebuhr n'a regardé ni vers le Nord, ni vers l'Orient. Il a laissé les finances et la politique, pour tourner de bonne heure ses pensées vers Rome. Dès que les armées autrichiennes eurent rouvert l'Italie aux allemands, en 1815, il se mit aussi en campagne, et commença son invasion scientifique. Sa première victoire fut à Vérone, comme celle du grand Théodoric. En arrivant, dans la bibliothèque de cette ville, il mit la main sur le manuscrit des institutes de Gaïus, qui, depuis tant d'années dormait là, sans qu'on eu sût rien. De là, il poussa victorieusement jusqu'à Rome, portant pour dépouilles opimes le précieux palimpseste, et brava l'abbé Mai dans son Vatican.

Sans doute, le conquérant barbare avait droit sur une ville à laquelle il rapportait ses lois antiques dans la pureté de leur texte primitif. Il entra en possession de Rome par droit d'occupation, tanquàm in rem nullius; et dressa dans le théâtre de Marcellus son prœtorium. c'est de là que pendant quatre ans il a fouillé hardiment la vieille ville, l'a partagée en maître entre les races qui l'ont fondée, l'adjugeant tantôt aux étrusques, tantôt aux latins. Il a remué la poussière des rois de Rome et dissipé leurs ombres. L'Italie en a gémi; mais la prédiction devait s'accomplir, comme au temps d'Alaric: barbarus ! heu ! Cineres... ossa quirini, nefas videre ! dissipabit insolens. Il a détruit, mais il a reconstruit; reconstruit, comme il pouvait, sans doute : son livre est comme le forum boarium, si imposant avec tous ses monuments bien ou mal restaurés. On sent souvent une main gothique; mais c'est toujours merveille de voir avec quelle puissance le barbare soulève ces énormes débris.

Il faut l'avouer, Niebuhr a su l'antiquité, comme l'antiquité ne s'est pas toujours sue elle-même. Que sont auprès de lui Plutarque et tant d'autres grecs, pour l'intelligence du rude génie des premiers âges? Il comprend d'autant mieux la vieille Rome barbare qu'il en porte quelque chose en lui. C'est comme un des auteurs chevelus de la loi salique, Wisogast ou Windogast, qui aurait acquis le droit de cité, et siégerait avec le sage Coruncanius, le subtil Scévola et le vieux Caton. Ne vous hasardez point d'attaquer ce collègue des décemvirs, ou d'en parler à la légère.

Aujourd'hui encore que ce grand homme n'est plus, il a laissé dans sa ville de Rome une colonie germanique. Voilà qu'ils viennent de faire l'inventaire et la description de leur conquête.

Et nous, français, ne réclamerons-nous pas quelque part dans cette Rome qui fut à nous? La longue et large épée germanique pèse sans doute; mais celle de la France n'est-elle pas plus acérée...? Pour moi, je n'ai pu me résigner: même dans les premières pages de mon livre, les seules où je me rencontre avec celui de Niebuhr, je ne l'ai pas suivi servilement; j'ai souvent fait bon marché de ses audacieuses hypothèses. Je sais qu'il est souvent impossible de tirer une histoire sérieuse d'une époque dont presque tous les monuments ont péri.

L'Italie a donné l'idée, l'Allemagne la sève et la vie. Que reste-t-il à la France ? La méthode peut-être et l'exposition. Une exposition complète du développement d'un peuple éclaire aussi son berceau. Pour retrouver les origines, peut-être ne faut-il pas toujours chercher à tâtons dans les ténèbres qui les environnent, mais se placer dans la lumière des époques mieux connues, et réfléchit cette lumière sur les époques incertaines. Pour expliquer autrement ma pensée, on ne peut juger d'un corps organisé que par son ensemble; la connaissance des parties qui subsistent, et l'intelligence de leurs proportions harmoniques, autorisent seules l'induction sur ce qui manque et manquera toujours.

Tout ce que j'ai dit plus haut, ne doit s'entendre que des quatre premiers siècles de Rome. Pour ceux qui suivent jusqu'à la fin de la république, tout est à faire : l'Allemagne ne fournit aucun secours. Il reste à dire ce qu'on croit savoir et qu'on ignore : quels hommes c'étaient qu'Hannibal et César; comment, de Scipion à Marc-Aurèle, Rome a été conquise par la Grèce et l'orient qu'elle croyait conquérir. Il reste à suivre dans son progrès dévorant, des Gracches à Marius, de Marius à Pompée et Cicéron, la puissance de l'ordre équestre, de cette aristocratie usurière qui dépeupla l'Italie, et peu à peu les provinces, envahissant toutes les terres, les faisant cultiver par des esclaves, ou les laissant en pâturages. Quant à l'empire, son histoire roule sur quatre points : le dernier développement du droit romain, le premier développement du christianisme, considéré en soi, et dans sa lutte avec la philosophie d'Alexandrie, enfin, le combat du génie romain contre le génie germanique. Quelle que soit mon admiration pour l'ingénieuse érudition de Gibbon, j'ose dire que ces quatre points n'ont été qu'effleurés dans son immense ouvrage.

Il y a dans la première partie que nous publions des lacunes inévitables; il y en a de volontaires. J'ai souvent parlé de l'esclavage, et point assez; j'ai indiqué à peine le point de départ du droit romain, et celui de la littérature latine. Ces développemens seront mieux placés dans la seconde partie. Il me suffisait dans celle-ci de marquer l'unité de la plus belle vie de peuple qui fut jamais. Un mot sur cette unité et sur les divisions qu'elle comporte. La civilisation romaine a trois âges. L'âge italien ou national finit avec Caton l'ancien. L'âge grec, commencé sous l'influence des Scipions, donne pour fruit le siècle d'Auguste en littérature, en philosophie Marc-Aurèle. Enfin, l'esprit oriental, introduit dans Rome plus lentement et avec bien plus de peine, finit pourtant par vaincre les vainqueurs de l'orient et leur imposer ses dieux. Cybèle est apportée en Italie dès la seconde guerre punique; mais il faut quatre cent ans de plus pour que deux syriens, Hélagabal et Alexandre Sévère fassent prévaloir les dieux de leur pays. Il faut un siècle encore, avant que le christianisme prenne possession de l'empire, avec Constantin. L'histoire politique de Rome, celle de la cité romaine, comporte une division analogue. I. Dans la première époque, la cité se forme et s'organise par le nivellement, et le mélange des deux peuples contenus dans ses murs, patriciens et plébéiens; l'œuvre est consommée vers l'an 350 avant l'ère chrétienne. Il. Dans la seconde époque, l'empire se forme par la conquête, le mélange et le nivellement de tous les peuples étrangers; l'empire se forme, mais la cité se dissout et se déforme, qu'on me passe l'expression. Jusqu'aux guerres de Numance et de Numidie inclusivement, ou si l'on aime mieux jusqu'à la guerre sociale (environ cent ans avant J-C), Rome soumet le monde, elle fait des sujets; depuis la guerre sociale ou italienne, elle fait des romains, des citoyens. Les italiens ayant une fois brisé les portes de la cité, tous les peuples y entreront peu à peu.

Toutefois la division ordinaire entre la république et l'empire a un grand avantage. Le moment où Rome cesse de flotter entre plusieurs chefs, pour obéir désormais à un seul général ou empereur, ce moment coïncide avec l'ère chrétienne. L'empire s'unit et se calme, comme pour recevoir avec plus de recueillement le verbe de la Judée et de la Grèce. Ce verbe porte en lui la vie et la mort : comme cette liqueur terrible dont une seule goutte tua Alexandre, et que ne pouvait contenir ni l'acier, ni le diamant, il veut se répandre, il brûle son vase, il dissout la cité qui le reçoit. En même temps que, par la proscription de l'aristocratie romaine et l'égalité du droit civil, commence le nivellement impérial, la doctrine du nivellement chrétien se répand à petit bruit. La république invisible s'élève sur les ruines de l'autre qui n'en sait rien. Jésus-Christ meurt sous Tibère.

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