Liberté et esclavage
Vendredi le 16 avril 1999
Sur le plan social, la Grèce antique pourrait être qualifiée d'esclavagiste. Par contre, sur le plan politique, l'esclave n'existe pas. Passage tiré d'Histoire de la pensée politique.
Il est exact que la liberté démocratique d'Athènes (par exemple) se maintenait en partie à l'appui de l'esclavage. Mais la généralisation selon laquelle les esclaves faisaient les travaux du peuple est erronée. Car la masse des pauvres qui, à Athènes comme dans la plupart des démocraties, étaient la majorité, n'avaient pas d'esclaves, faute d'argent pour l'achat et l'entretien de ceux-ci: la femme et les enfants en tenaient lieu. Si l'on compte à Athènes 50,000 citoyens et 100,000 esclaves, soit le double, il serait tout à fait faux de croire que chacun des citoyens fut propriétaire de deux esclaves ou même d'un seul, dont la possession eût fait de lui un monsieur aux amples loisirs. Il y avait les esclaves employés publics, les esclaves ouvriers dans les usines et les mines, les esclaves domestiques de grande maison. Qualifier une démocratie grecque, en invoquant l'esclavage, d'aristocratie de fait ou même d'oligarchie de fait, serait également, au plan social tout au moins, inexact. Pensons que l'assemblée du peuple athénien telle que la voyaient les yeux critiques de Socrate, avec ses cordonniers, foulons, maçons, colporteurs, brocanteurs! Ce qui est rigoureusement vrai, en revanche, c'est qu'au plan politique (où l'esclave n'existait absolument pas) le citoyen, si pauvre soit-il, est un personnage privilégié et la citoyenneté, si mince que soit son possesseur, est déjà une fonction.