Le médecin grec vu par Caton

Jacques Dufresne
La cité qui a conquis le monde dans l'Antiquité, Rome, avait refusé longtemps de se faire conquérir par les médecins. Les premiers médecins grecs ayant immigré à Rome furent expulsés sous prétexte qu'ils ramollisaient les moeurs de la grande cité guerrière.
La médecine grecque finira par imprégner la civilisation romaine, mais non sans avoir rencontré une farouche résistance, incarnée par Caton. Grand défenseur des moeurs austères de la Rome antique, Caton avait la plus vive méfiance à l'égard des médecins grecs, qu'il associait aux parfums et aux soieries de la décadence. «Crois-moi sur parole, écrivait-il à son fils, si ce peuple (les Grecs) parvient à nous contaminer avec sa culture, nous sommes perdus. Il a déjà commencé avec ses médecins qui, sous prétexte de nous soigner, sont venus ici détruire les barbares. Je t'interdis d'avoir affaire à eux».

Dans son Traité de l'agriculture,Caton a lui-même indiqué comment chacun devait se soigner. Il considérait la maladie comme une épreuve destinée à former le caractère et peut-être aussi, sans le dire expressément, comme une forme de sélection naturelle. Fiez-vous d'abord à votre instinct, disait-il à ses compatriotes. Il indiquait ensuite quelques techniques chirurgicales élémentaires, que tout soldat devait connaître, et quelques herbes. Le remède par excellence, le remède universel, c'était le chou, qui était aussi l'une des plantes les plus répandues.

Mais les médecins grecs finirent par avoir gain de cause et, grâce à l'un d'entre eux, un hippocratique venu de Pergame, Galien, leur discipline s'assura une hégémonie de près de quinze cents ans en Occident. Galien avait cependant eu d'illustres prédécesseurs au Ier siècle apr. J.-C., Celse auteur du De Medicina et Pline l'Ancien, auteur d'une Historia Naturalis contenant de nombreuses descriptions de traitement en vogue dans la Rome traditionnelle. Ni Celse, ni Pline cependant n'étaient médecins.

Autres articles associés à ce dossier

Vie de Caton

Plutarque


À lire également du même auteur

Une rétrovision du monde
C‘est dans les promesses d’égalité que Jean de Sincerre voit la premi&egra

Éthique de la complexité
Dans la science classique, on considérait bien des facteurs comme négligeables. C'

Résurrection de la convivialité
Ivan Illich annonçait dès les années 1970 une révolution, litt&eacu

Mourir, la rencontre d'une vie
Si la mort était la grande rencontre d’une vie, que gagnerait-elle, que perdrait-elle &

Bruyère André
Alors qu'au Québec les questions fusent de partout sur les coûts astronomiques li&e

Noël ou le déconfinement de l'âme
Que Noël, fête de la naissance du Christ, Dieu incarné, Verbe fait chair, soit aus

De Desmarais en Sirois
Démocratie ou ploutocratie, gouvernement par le peuple ou par l'argent? La question se po

Le retour des classiques dans les classes du Québec
Le choix des classiques nous met devant deux grands défis : exclure l’idéal




Articles récents