Bien des pratiques qui nous auraient paru purement magiques, il y a
100 ans, enferment une rationalité qui nous semble aujourd'hui manifeste. C'est le cas en particulier du Festival des rêves chez les Hurons. Voici l'explication qu'en donne Henri F. Ellenberger à partir de récits qu'on trouve dans les Relations des Jésuites. C'est évidemment à dessein qu'Ellenberger emploie le mot inconscient dans son analyse. Il ne fait aucun doute à ses yeux qu'il faut considérer le Festival des rêves comme une préfiguration de la psychiatrie dynamique, c'est-à-dire celle où l'on mise sur les forces du psychisme pour obtenir la guérison.
Les
Hurons distinguaient trois causes de maladie: les causes naturelles, la sorcellerie, les désirs insatisfaits. L'individu avait conscience de certains de ses désirs insatisfaits; d'autres, appelés
ondinnonk, restaient inconscients, mais pouvaient lui être révélés par ses rêves. Il pouvait toutefois oublier ces rêves, et certains désirs insatisfaits ne se manifestaient même pas en rêve. Des devins, appelés les
saokata, étaient capables de découvrir ces désirs insatisfaits en regardant, par exemple, dans un récipient rempli d'eau. Quand le malade était atteint d'une maladie fatale, les devins déclaraient que l'objet de son désir était impossible à atteindre. Quand il avait quelques chances de guérir, ils énuméraient divers objets susceptibles d'être désirés par le malade et l'on organisait un «Festival des Rêves». On faisait cadeau au malade des objets ainsi recueillis, ceci au cours d'un banquet agrémenté de danses et d'autres manifestations de joie collective. Il n'était pas question de restituer ces objets aux donateurs. Ainsi, le malade retrouvait non seulement la santé, tous ses désirs satisfaits, mais il en sortait parfois enrichi. Certains donateurs, par contre, pouvaient tomber malades à leur tour et rêver qu'ils recevaient une compensation pour les pertes qu'ils avaient subies. Un «Festival des Rêves» était ainsi un mélange de thérapeutique, de réjouissances collectives et d'échange de biens.