L'aliment de houille
Ta demeure dernière.
Brillat-Savarin! toi, Vatel!
Et vous aussi, mon colonel,
Grimod de la Reynière;
Vous tous, fins gourmets, nos aïeux,
À la gueule friande!
Que pensez-vous de ce houilleux
Aliment, tant plus merveilleux
Qu'il rappelle la viande?
Et d'aucuns s'en vont proclamant
Ta faillite, ô Science!
En leur stupide aveuglement,
Quand c'est aujourd'hui seulement
Que ton règne commence!
Quoi qu'il en soit, si le charbon
Devient, dans la marmite,
Un régal infiniment bon,
Demain, les mines de jambon
Ne seront plus un mythe...
Avant tout cet aliment doit
Être une économie
Pour les petites gens, sans quoi,
On se demanderait pourquoi
Cette absurde chimie?
Il faut qu'en son humble foyer
Un pauvre diable puisse
D'un peu de houille festoyer,
Sans en avoir guère à payer
Que le sel et l'épice.
Mais si cette houille prévaut,
En tant que comestible,
Sur les boeufs, les moutons, les veaux,
Elle atteindra des prix nouveaux
En tant que combustible?
Cependant que moutons et boeufs
Encombreront la Sphère,
Pulluleront ès prés herbeux,
Si bien que nos petits-neveux
Ne sauront plus qu'en faire.
Dans ce cas-là, qu'adviendra-t-il
De toutes ces pécores?
Eh bien, un chimiste subtil
Viendra de chez nous, du Brésil
Où de Bochie encore.
Qui traitera dans son humour,
Son confrère d'andouille,
Et qui, par un juste retour,
De ces boeufs et veaux, à son tour,
Extraira de la houille!