L'alcool au volant
Je l'ai appris de la façon la plus inattendue. Au chalet que nous occupions, nous avions à dîner nos voisins, les seuls êtres humains à la ronde, deux amoureux de la forêt, de l'hiver, de la liberté et des chiens esquimaux. À mon grand étonnement, ils ont refusé le vin que nous leur offrions. C'était pourtant le temps des fêtes. J'ai insisté lourdement, leur disant qu'ils ne risquaient guère de rencontrer un policier pendant le trajet de retour en traîneau à chiens.
Ils m'ont expliqué que la sanction vient des chiens eux-mêmes et qu'elle peut être fatale. Ces bêtes, encore à demi sauvages, profitent de la moindre distraction de leur maître pour reprendre, avec fracas, la clé des bois. Un conducteur de traîneau doit toujours être en pleine possession de lui-même. L'Alcootest, c'est le nez des chiens qui le fait.
Le seul moyen de transport convenant à la fois à notre climat, et à nos buveurs, c'est le cheval. Cet animal pardonne tout à son conducteur et ne cherche nullement à profiter de ses moments de faiblesse. Tout le monde a entendu raconter des histoires comme celle-ci. Un homme saoul rentre chez lui en traîneau; à un tournant, il tombe dans un fossé et le cheval revient calmement à la maison avec un traîneau vide. La femme, qui attend son homme à la fenêtre, comprend vite ce qui se passe et refait le trajet en sens inverse. C'est ainsi que le cheval sauvait la vie des buveurs, tandis que l'automobile les tue et que le chien les malmène en profitant de leurs faiblesses. C'est le cheval donc qui est le meilleur ami de l'homme qui boit.