Culture médicale et statistiques

Jacques Dufresne


La culture médicale, disions-nous, est l’aptitude à intégrer les divers niveaux d’autonomie dans un ensemble harmonieux. Force est de constater que la lecture et l’interprétation des statistiques y occupe désormais une place centrale. Un investissement dans les déterminants sociaux (Voir plus loin la définition) peut très bien prévenir plus de maladies et sauver plus de vies qu'une dépense de même importance dans le cadre de la médecine curative. Hélas! les personnes en cause dans l’intervention sur les déterminants n’ont pas de visage, tandis que ce sont des personnes bien identifiées, parfois des proches, qui bénéficient d’un traitement coûteux souvent inefficace. Il faut donc beaucoup de courage de la part des autorités politiques et une capacité d’abstraction élevée dans la population pour accroître la part des ressources consacrée aux déterminants.

Il faut aussi pouvoir éviter les pièges des statistiques quand vient le temps de prendre une décision relative à un médicament ou un traitement. Simples à l’origine, les essais cliniques permettant d’évaluer médicaments et traitements, se sont complexifiés avec le temps. Comme chaque nouvelle étape dans la complexification fournit une occasion de manipuler l’opération pour en infléchir les résultats dans la direction souhaitée, seuls de grands experts, connaissant aussi bien les maladies que les méthodes de recherche et les statistiques, peuvent s’y retrouver. Au Québec, le docteur Pierre Biron est l’un de ces experts. S’il faut être de son niveau pour donner tort ou raison à un autre expert qui met en doute la valeur de l’ensemble des essais cliniques, chacun d’entre nous peut toutefois faire la différence entre une donnée réelle et un pourcentage. Si dans un groupe de cent (100) deux personnes sont guéries dans le groupe traité, contre une dans le groupe contrôle, on peut techniquement dire que le rendement de l’intervention est de cinquante pour cent (50%)! Voyant ces chiffres, la plupart des gens pensent que l’intervention est efficace une fois sur deux. Nous revenons sur cette question cruciale dans la section Enjeux

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