L'Encyclopédie sur la mort


Tasso Torquato

Connu sous l'appellation Le Tasse (en italien, il Tasso), Torquato Tasso, célèbre poète italien, est fils de Porzia dei Rossi et de Bernardo Tasso qui, secrétaire d'un prince napolitain, tombera en disgrâce et se réfugiera à Rome et à Paris. Né le 11 mars 1544 à Sorrente (région de Campanie, Italie), le Tasse décède le 25 avril 1595 à Rome au monastère de Saint-Onuphre où son corps fut enseveli.

Ami de princes et d'évêques, voire même de papes chez qui il chercha protection et consolation à cause de son délire de persécution. Jouissant d'amitiés féminines à plusieurs cours ducaux ou princiers, il eut aussi la réputation d'être homosexuel*. Il résida à plusieurs reprises à la cour du duc de Ferrare d'où il dut être éloigné en raison de ses accès subits de colères violentes. Il séjourna pendant sept ans à la maison d'aliénés de Sainte-Anne d'où il réussit à s'enfuir et à trouver refuge auprès de sa soeur Cornélie. À la fin de sa vie, le pape Clément VIII devint son protecteur et le voulut couronner poète au Capitole, mais le Tasse meurt sans avoir pu assister à son triomphe.

Goethe* lui consacra une tragédie en cinq actes dont la scène se passe à Belriguardo au château de plaisance des ducs de Ferrare. Le Tasse y est en compagnie des personnages suivants: Alphonse II, duc de Ferrare, Léonore D'Este, soeur du duc, Léonore Sanvitale, comtesse de Scandiano et Antonio Montecatino, secrétaire d'État. Goethe connaissait le poète italien par son père qui tenait La Jérusalem délivrée, poème épique du Tasse, comme une de ses oeuvres préférées. Il savait qu'à Ferrare, «le Tasse s'éprit d'une dame du nom de Léonore, qui était de grande noblesse et se montra inaccessible; il est possible qu'il se soit agi de la soeur même du duc. [...] Le poète en fut très affecté et tomba dans une mélancolie* proche de la folie.» Les années 1779-1781, pendant lesquelles Goethe songea à faire du poète italien le héros d'un drame, furent «décisives pour ses relations avec la baronne Charlotte de Stein. Huit jours après son arrivée à Weimar, à la fin de 1775, Goethe avait fait la connaissance de cette grande dame. [...] Goethe s'éprit d'elle et entreprit sa conquête sans tarder, mais Charlotte de Stein ne céda pas à son fougueux adorateur. Elle ne le repoussait pas non plus. Peu à peu, elle réussit à l'assagir; elle lui apprit à se plier à des règles dont elle voulait lui faire reconnaître le bien-fondé.» Il dira plus tard dans ses conversations avec Eckermann (6 mai 1827) : «J'avais la vie du Tasse, j'avais ma propre vie, et tandis que j'amalgamais ces deux figures, si singulières avec leurs caractéristiques, en moi surgit l'image de Tasse, auquel j'opposai - contraste prosaïque - le personnage d'Antonio, pour lequel je ne manquais pas de modèles. Du reste, la vie de cour et les intrigues amoureuses de Weimar n'étaient-elles pas les mêmes que celles de Ferrare? Je peux donc déclarer avec raison que ce drame est «l'os de mes os et la chair de ma chair» (les citations proviennent de Éveline Henkel, «Notice» dans Goethe, Théâtre complet, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade, 1988, p. 1644-1656).

«Oeuvre civilisatrice», au sens pédagogique du terme, éloge prononcé par Maurice Barrès au sujet d'Iphigénie de Goethe, «s'applique encore avec plus justement à une oeuvre issue de la discipline, voire de la macération du moi, à ce Tasse qu'on décrie tant pour son atmosphère cérémonieuse, prude et artificielle. Ce sont oeuvres du renoncement germaniquement éducateur aux avantages de la barbarie, avantage que le voluptueux Wagner s'accordait, lui, avec un formidable succès qui a trouvé sa punition logique dans la popularité de plus en plus grossière où tombent ses orgies ethniques.» (Thomas Mann*, Goethe et Tolstoï, Paris, Petite Bibliothèque, 1967, p. 97)

La Jérusalem délivrée
Le sujet de ce poème du Tasse est la conquête de Jérusalem, alors aux mains des Sarrasins, par l'armée des Croisés, sous la conduite de Godefroy de Bouillon et des princes alliés. Selon le résumé que le Tasse a lui-même donné de son poème en 1576, le récit s’ouvre sur le rassemblement des chrétiens devant la ville (chant I), pour se clore sur la prise de Jérusalem par les fidèles sous le commandement de Raymond de Toulouse et la mise en fuite de l’armée égyptienne par Godefroy (chant XX). Entre-temps, les prouesses se multiplient, tout comme les péripéties qui retardent l’issue de la guerre : combats singuliers aux portes de la ville - Clorinde et Tancrède (chant III), Argant et Dudon, Renaud et Gernant (chant V), Argant et Otton (chant VI), Tancrède et Argant (chant XIX) ; mais aussi intervention de démons (chant IV) et de l’archange Michel (chant IX), fabrication de machines de guerre (chant XI), sortilèges d’Ismen contre les chrétiens et prières de Godefroy (chant XIII), songe prémonitoire (chant XIV) ; trahisons (Argant, chant II) et révoltes dans le camp chrétien (chant VIII). Entre-temps également, la magicienne Armide aura usé de ruses (chant V) pour diviser les chrétiens (chant VII), ou retenir en son jardin le preux Renaud (chants XIV-XVI), et Herminie, fille du roi d’Antioche, aura rejoint le camp chrétien (chants VI et XIX). Et au chant XII, la belle Clorinde aura été tuée par son amant chrétien, Tancrède.

Le contexte de l'extrait choisi est le suivant: durant le siège de Jérusalem, Argant et Clorinde prennent la résolution d'aller embraser la tour que les chrétiens ont élevée pour donner l'assaut. Ils sont découverts et poursuivis. Argant rentre dans Solyme, mais Clorinde reste seule au milieu des ennemis. Tandis qu'à la faveur de la nuit elle cherche à se perdre dans la foule, Tancrède l'aperçoit, et lui propose le combat. Clorinde succombe, et reçoit le baptême des mains du héros.

La Jérusalem délivrée

« Voici qu'est maintenant venue l'heure fatale

Où la vie de Clorinde est promise à la fin.

Il frappe son beau sein de la pointe du fer,

Qui s'y plonge et qui boit avidement son sang ;

Et son corsage, orné de broderies d'or fin,

Dont la douce tendresse enserrait sa poitrine,

Il l'emplit d'un flot tiède. Elle se sent déjà

Mourir et, défaillant, son pied vacille et cède. »

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-02

Notes

La Jérusalem délivrée, Chant XII « Mort de Clorinde ».
Traduction de André Rochon. Éditions Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1994.

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