L'Encyclopédie sur la mort


Ronsard Pierre de

Ronsard deNé en septembre 1524 au Château de la Possonnière, près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois et mort le 28 décembre 1585 au Prieuré de Saint-Cosme en Touraine. Promis à devenir courtisan, Pierre de Ronsard est atteint d'une surdité qui l'oblige à abandonner la carrière des armes et de la diplomatie. Il reçoit les ordres mineurs et se consacre aux lettres. Aumônier ordinaire du roi en 1559, il devient le poète officiel de la cour. Dans ses Hymnes, André Gide* découvre un «Ronsard insoupçonné». De ce poète de la Renaissance, il écrit: «On a trop vu l'amour alimenter sa poésie; sa majeure source d'inspiration, c'est l'ivresse; une ivresse mythologique, philosophique, chrétienne même parfois (mais d'un christianisme qui s'allie étrangement au paganisme) à laquelle il doit cette sorte de transport lyrique, cette éruption verbale surabondante, intempérée, qui devait écarter de lui les lecteurs à tête froide des siècles suivants et qui ne sera retrouvée, égalée, dépassée que, beaucoup plus tard, par Hugo» («Préface», Anthologie, p. 23-24). L'«Hymne à la la mort», dédié à Louis des Maures, chante la finitude*de la vie présente et l'immortalité de l'âme*. Le poète préfère, aux longues souffrances de la maladie, une mort soudaine ou une mort en héros ou en martyr.

Hymne à la mort (1555) - Extrait

[...]
Que ta puissance, ô Mort, est grande et admirable!
Rien au monde par toi ne se dit perdurable,
Mais, tout ainsi que l'onde aval des ruisseaux fuit
Le pressant coulement de l'autre qui la suit,
Au futur importun, qui les talons lui trace.
Ce qui fut se refait; et tout coule comme une eau,
Et rien au-dessous le Ciel ne se voit de nouveau;
Mais la forme change en une autre nouvelle,
Et ce changement-là, Vivre au monde s'appelle,
Et Mourir, quand la forme en une autre s'en va.
Ainsi, avec Vénus, la nature trouva
Moyen de ranimer par longs et divers changes
La matière restant, tout cela que tu manges ;
Mais notre âme immortelle est toujours en un lieu,
Au change non sujette, assise auprès de Dieu,
Citoyenne à jamais de la ville éthérée,
Qu'elle avait si long temps en ce corps désirée.
Je te salue, heureuse et profitable Mort,
Des extrêmes douleurs, médecin et confort,
Quand mon heure viendra, Déesse, je te prie,
Ne me laisse longtemps languir en maladie,
Tourmenté dans un lit; mais puis qu'il faut mourir,
Donne-moi que soudain je te puisse encourir,
Ou pour l'honneur de Dieu, ou pour servir mon Prince,
Navré d'une grand'plaie au bord de ma province.

Second Livre des Hymnes

Je n'ai plus que les os

Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,
décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé,
que le trait de la mort sans pardon a frappé.
Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble.

Apollon et son fils, deux grands maîtres, ensemble
ne me sauraient guérir; leur métier m'a trompé.
Adieu plaisant soleil; mon oeil est étoupé,
mon corps s'en va descendre où tout se désassemble.

Quel ami me voyant en ce point dépouillé
ne remporte au logis un oeil triste et mouillé,
me consolant au lit et me baisant la face,

en essuyant mes yeux par la mort endormis?
Adieu, chers compagnons, adieu mes chers amis,
je m'en vais le premier vous préparer la place.

mise en musique par Francis Poulenc (1899-1963) , "Je n'ai plus que les os", FP. 38 (1924)
http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

Notes

Source : A. Gide, Anthologie de la poésie française, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1949, p. 150-151.

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