«Le don ou l'offrande du poème coïncidant avec le rite funéraire enlève Marie à la mort en transformant sa cendre en une rose de paroles désormais à l'abri de toute atteinte» (John E.. Jackson, «Douleur, deuil et mémoire» dans Y. Bonnefoy, dir. , La conscience de soi de la poésie, Seuil, 2008, p. 192).
Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'aube de ses pleurs au point du jour l'arrose;
La grâce dans sa feuille, et l'amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur;
Mais, battus ou de pluie ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.
Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Extrait de l’œuvre Sur la mort de Marie, deuxième livre des Amours, publié en 1578 par Pierre de Ronsard.