Lorsqu'une paroisse réclame avec succès l'institution de la confrérie de la bonne mort, on peut lire dans les archives épiscopaux la formule suivante :
«Tous les jours de la vie chrétienne [...] doivent être une préparation continuelle à la mort, puisqu'elle est le terme qui nous attend tous, terme inévitable qui doit décider du bonheur ou du malheur de notre éternité [...]. Il est donc de la prudence chrétienne de mettre tout en oeuvre pour se préparer à ce pénible passage.» (voir Archives de l'Archevêché de Québec, Registre d'insinuation G, feuillet 186, verso, cité par S. Gagnon*, Mourir hier et aujourd'hui, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1987, p. 10)
La fondation des confréries de la bonne mort «remonte aux premiers temps du Régime français. Les laïcs étaient encouragés par le clergé, qui en assumait la direction, à y adhérer afin de mériter leur salut. Ils avaient aussi la garantie que les membres survivants et leurs successeurs prieraient pour leur salut jusqu'à la disparition de la confrérie. Ils évitaient ainsi de mourir seuls et entraient dans une famille élargie qui pouvait atténuer la solitude de la ville, surtout au dix-neuvième siècle.» (1) Brigitte Caulier a retenu trois confréries de la paroisse Notre-Dame de Montréal qui ont bénéficié d'une longue existence: les Dames de la Sainte-Famille (1663-1960) réservée aux mères de famille, la Congrégation des Hommes de Ville-Marie (1693-1967), pour les hommes et la confrérie de l'Adoration du Saint-Sacrement et de la Bonne-Mort (1732 - début du vingtième siècle). Ces trois confréries «avaient instauré un système bien rôdé d'entraide pour leurs membres malades et agonisants dans le but ultime d'assurer à chacun une bonne mort chrétienne dans la sérénité.» La bonne mort est celle où l'on meurt entouré de ses proches ou de confrères et consoeurs. Décéder seul ne correspond pas aux règles de l'art du bien mourir.
Les discours sur la bonne mort étaient renforcés par des exercices pratiques de préparation au bien mourir: « Les associés penseront chaque jour à la mort, et détermineront en particulier quelque petite pratique, qui puisse souvent leur rappeler cette pensée, chacun selon son attrait et sa dévotion. Ils réciteront chaque jour sept fois Requiem aeternam...». Il leur fut également recommandé de se confesser et de communier une fois par mois, de faire une retraite mensuelle afin de se préparer à la mort et de faire toutes leurs actions comme si ce jour-là ils devaient mourir. (2)
(1) Brigitte Caulier, «Pour une bonne mort: les confréries et la mort à Montréal (XVIIe- XIXe siècles», Frontières, vol.5, n°1, 1997, p. 14-18.
(2) F. Mesplet et C. Berger, Règlement de la Confrérie de l'Adoration perpétuelle du S. Sacrement et de la Bonne-Mort, 1776, cité par B. Caulier, op. cit., p. 17-18.