Au peuple craignant un triste séjour aux pays des morts selon l'imaginaire homérien, Épicure annonce une nouvelle libératrice: les âmes périssent après la mort et il n'y a pas du tout d'enfer. Épicure cherche à délivrer ses amis de la crainte de la mort, provoquée par des soucis oppressants, par la soif de la puissance sociale et de l'argent, par le désir de la gloire.
Que craignons-nous dans la mort? Un peuple nourri d'Homère craint le sort des ombres,des âmes mortes. Dans la quasi-vie inerte et morne qu'elles mènent dans le lugubre séjour d'Hadès, au pays des morts, elles ressentent avec le souvenir de ce qui fut, l'extrême tristesse de leur condition; elles savent que la seule vie qui vaille est la vie sur Terre. Le châtiment dans l'Hadès, lieu de rétribution dont surtout l'aspect négatif frappait les imaginations. La crainte que le corps ne reçoive pas de sépulture et que, par conséquent, l'âme ne puisse entrer dans l'Hadès et reste errante, repoussée par tous, n'ayant sa place ni dans la société des vivants ni dans la société des morts. La crainte que le corps souffre après la mort. La crainte d'être privé des joies de la vie. La déception du désir de l'immortalité. Épicure libère l'homme de la peur. Il annonce la bonne nouvelle que les âmes périssent après la mort et qu'il n'y a pas du tout d'enfer.
C'est l'insensé, l'homme qui est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est, qui vit où il ne vit pas et ne vit pas où il vit, qui, au lieu de jouir de ce qu'il a d'une joie sans trouble, gâte immédiatement son plaisir par un nouveau désir (88).
Puisque le bonheur se définit, négativement, par l'absence de trouble, on a tout le bonheur lorsqu'on n'a plus aucune crainte, plus aucune inquiétude, plus aucun «trouble». Le sage ne serait pas plus heureux de l'être plus longtemps. Et, finalement, «la durée de la vie n'ajoute rien au bonheur ni de l'insensé ni du sage (89).»
La crainte de la mort provoque la préoccupation anxieuse (curae), l'état de non-repos de l'homme qui ne trouve nulle part la paix et qui est le contraire de l'ataraxie. «Il [l'insensé] est comme dans l'insomnie, où l'on cherche une position pour dormir: il cherche en vain une position de vie. Et comme il n'y parvient pas, il ne vit pas vraiment, car il n'y a pas de vie sans le consentement de soi en soi-même. Il se fuit lui-même, comme cherchant à se débarrasser d'un poids qui l'oppresse, mais sans succès, car il le transporte avec lui (90).»
La crainte de la mort provoque également l'ambition et l'amour de l'argent. La puissance sociale et les richesses ne sont pas recherchées principalement pour elles-mêmes, mais parce qu'elles paraissent constituer une sécurité. Or, il est évidemment illusoire de chercher à se mettre en sécurité contre la mort. De plus, celui qui accroît sa puissance sociale et ses richesses, accroît en fait son insécurité, car il suscite l'envie et la crainte qui l'abattent bientôt. Le plus sûr est donc de ne pas prendre part à la course aux honneurs et aux richesses et de «vivre caché». La seule véritable sécurité se trouve dans la sagesse, c'est-à-dire dans «la capacité de regarder toutes choses, et en particulier la mort, avec un esprit que rien ne trouble, et dans le plus grand bien dont s'accompagne la sagesse : l'amitié (91).»
La crainte de la mort provoque le désir de gloire. Mais le fait d'être connu, célèbre, d'attirer les regards, ne donne pas plus de sécurité. D'être «reconnu» ne nous sauve donc en rien de la mort, puisque c'est «être reconnu par des mortels, c'est-à-dire par des êtres qui vont périr (92).»
Notes
88. Marcel Conche, Épicure: Lettres et Maximes, Paris, Presses Universitaies de France, «Épiméthée», 1987, p.52.
89, Ibid., p. 53.
90. ibid., p. 54.
91. ibid., p.55-56.
92. ibid., p. 56.
C'est l'insensé, l'homme qui est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est, qui vit où il ne vit pas et ne vit pas où il vit, qui, au lieu de jouir de ce qu'il a d'une joie sans trouble, gâte immédiatement son plaisir par un nouveau désir (88).
Puisque le bonheur se définit, négativement, par l'absence de trouble, on a tout le bonheur lorsqu'on n'a plus aucune crainte, plus aucune inquiétude, plus aucun «trouble». Le sage ne serait pas plus heureux de l'être plus longtemps. Et, finalement, «la durée de la vie n'ajoute rien au bonheur ni de l'insensé ni du sage (89).»
La crainte de la mort provoque la préoccupation anxieuse (curae), l'état de non-repos de l'homme qui ne trouve nulle part la paix et qui est le contraire de l'ataraxie. «Il [l'insensé] est comme dans l'insomnie, où l'on cherche une position pour dormir: il cherche en vain une position de vie. Et comme il n'y parvient pas, il ne vit pas vraiment, car il n'y a pas de vie sans le consentement de soi en soi-même. Il se fuit lui-même, comme cherchant à se débarrasser d'un poids qui l'oppresse, mais sans succès, car il le transporte avec lui (90).»
La crainte de la mort provoque également l'ambition et l'amour de l'argent. La puissance sociale et les richesses ne sont pas recherchées principalement pour elles-mêmes, mais parce qu'elles paraissent constituer une sécurité. Or, il est évidemment illusoire de chercher à se mettre en sécurité contre la mort. De plus, celui qui accroît sa puissance sociale et ses richesses, accroît en fait son insécurité, car il suscite l'envie et la crainte qui l'abattent bientôt. Le plus sûr est donc de ne pas prendre part à la course aux honneurs et aux richesses et de «vivre caché». La seule véritable sécurité se trouve dans la sagesse, c'est-à-dire dans «la capacité de regarder toutes choses, et en particulier la mort, avec un esprit que rien ne trouble, et dans le plus grand bien dont s'accompagne la sagesse : l'amitié (91).»
La crainte de la mort provoque le désir de gloire. Mais le fait d'être connu, célèbre, d'attirer les regards, ne donne pas plus de sécurité. D'être «reconnu» ne nous sauve donc en rien de la mort, puisque c'est «être reconnu par des mortels, c'est-à-dire par des êtres qui vont périr (92).»
Notes
88. Marcel Conche, Épicure: Lettres et Maximes, Paris, Presses Universitaies de France, «Épiméthée», 1987, p.52.
89, Ibid., p. 53.
90. ibid., p. 54.
91. ibid., p.55-56.
92. ibid., p. 56.