Hanté par la mort, qui s'est manifestée souvent dans sa vie par les décès douloureux de ses proches, Hugo donne aux pages de sa littérature romanesque une tonalité et une atmosphère qui évoquent la mort. Le chapitre, superbement intitulé Nix et Nox, nous offre un échantillon de l'imaginaire hugolien de la mort: la neige et la nuit se conjuguent avec la noirceur de la mort.
Ce qui caractérise la tempête de neige, c'est qu'elle est noire. L'aspect habituel de la nature dans l'orage, terre ou mer obscure, ciel blême, est renversé; le ciel est noir, l'océan est blanc. En bas écume, en haut ténèbres. Un horizon muré de fumée, un zénith plafonné de crêpe, La tempête ressemble à l'intérieur d'une cathédrale tendue de deuil. Mais aucun luminaire dans cette cathédrale. Pas de feux Saint-Elme aux pointes des vagues; pas de flammèches, pas de phosphores; rien qu'une immense ombre. Le cyclone polaire diffère du cyclone tropical en ceci que l'on allume toutes les lumières et que l'autre les éteint toutes. Le monde devient subitement une voûte de cave, De cette nuit tombe une poussière de taches pâles qui hésitent entre ce ciel et cette mer. Ces taches, qui sont les flocons de neige, glissent, errent et flottent. C'est quelque chose comme les larmes d'un suaire qui se mettraient à vivre et entreraient en mouvement. A cet ensemencement se mêle une bise forcenée. Une noirceur émiettée en blancheurs, le furieux dans l'obscur, tout le tumulte dont est capable le sépulcre, un ouragan sous un catafalque, telle est la tempête de neige,
Dessous tremble l'océan recouvrant de formidables approfondissements inconnus.
Dessous tremble l'océan recouvrant de formidables approfondissements inconnus.