L'anéantissement du corps implique la perte de la liberté*; nos morts ne sont que des objets du regard d'autrui. Un regard qu'ils ne sont pas en mesure de renvoyer, et ils ne peuvent donc pas désavouer le cours que leurs successeurs impriment à leur projet, qui trahit toujours l'original. (Mercé Rius, Quatre essais sur Sartre, L'Harmattan, 2010, p. 171)
En ce sens, mourir, c'est être condamné, quelque soit la victoire éphémère qu'on a remportée sur l'autre et même si l'on s'est servi de l'autre pour «sculpter sa propre statue», à ne plus exister que par l'autre et à tenir de lui son sens et le sens même de sa victoire. Si l'on partage, en effet, les vues réalistes que nous avons exposées dans notre troisième partie, on devra reconnaître que mon existence d'après la mort n'est pas la simple survie spectrale, «dans la conscience de l'autre, de simples représentations (images, souvenirs, etc.) qui me concerneraient [...]. Richelieu, Louis XV, mon grand-père ne sont aucunement la somme des souvenirs ou des connaissances de tous ceux qui en ont entendu parler; ce sont des êtres objectifs et opaques, mais qui, simplement, sont réduits à la seule dimension d'extériorité. À ce titre, ils poursuivront leur histoire dans le monde humain. (L'Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1991, p. 589)