L'Encyclopédie sur la mort


Marie de l'Incarnation ou la déraison d'amour

Jean-Daniel Lafond

Nous publions ci-dessous un extrait du texte théâtral «tissé avec » les écrits de Marie de l'Incarnation, «en particulier sa troublante Relation spirituelle de 1654 et les 278 lettres oubliées en 1681, après sa mort, par son fils dom Claude Martin. Ce sont les confidences et les récits d'autant de faits d'expérience et de faits de vie d'une femme du XVII° siècle qui rejoignent les questions et les émotions de notre temps et nous interpellent. C'est aussi le texte incandescent d'une folie de Dieu de l'amour qui raconte à la fois une histoire de femme, une histoire d'exil et la fondation d'un pays.» (J.-D. L., «Une allégorie de la vie» dans Marie de l'Incarnation ou la déraison d'amour, Montréal, Léméac, 2009, p. 8) L'extrait choisi est emprunté au tableau 23, op. cit., p. 63-64). Marie décrit sa mort comme un «heureux moment», un don total à son Sauveur, une délivrance de soi.
Marie est sur son lit, vêtue de blanc. Elle est à demi assise, calée dans des oreillers. Une planche de bois lui sert d'écritoire. La nuit est profonde. Il ne reste que la lumière de la chandelle.

De Québec, 9 août 1668

Mon très cher fils,

Vous croyez que je vais mourir.
Je ne sais quand arrivera cet heureux moment,
qui me donnera toute à notre Divin Sauveur.
Mes forces étant extrêmement diminuées,
il faudrait peu de choses pour m'emporter.
Je chante si bas qu'à peine me peut-on entendre,
mais pour réciter à voix droite j'ai encore assez de force.
Je me suis résolue avant ma mort de laisser
le plus d'écrits
qu'il me sera possible.
J'ai écrit un gros livre algonquin de l'histoire sacrée et de choses saintes,
avec un dictionnaire et un catéchisme iroquois,
qui est un trésor.

[...]

«Quoique, dans mon fond, je ne veuille ni vie ni mort,
quand je pense néanmoins à la mort ou que j'en entends parler,
mon coeur s'épanouit et se dilate,
parce que c'est elle qui doit me délivrer de ce moi-même,
qui me nuit plus que toutes les choses du monde.
Elle voit la vanité
et l'aveuglement du coeur humain,
qui se brûle à la lampe et à la fumée.

Elle semble d'endormir.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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