«Le 2 février 1650, René Descartes succomba à une pneumonie, après seulement neuf jours de maladie. Cette mort surprit fort ses contemporains et elle fut considérée comme prématurée. Descartes n'avait-il pas laissé entendre qu'il possédait le secret de la prolongation de la vie humaine! Quelques semaines après l'événement tragique, La Gazette d'Anvers y fit une allusion sarcastique: «Il est mort en Suède un fol qui disait qu'il pourrait vivre aussi longtemps qu'il voudrait». Un des amis de Descartes, l'abbé Picot, paraît avoir été persuadé des connaissances gérontologiques du philosophe «qu'il auroit juré qu'il luy auroit été impossible de mourir comme il fit à cinquante quatre ans; et que sans une cause étrangère et violente (comme celle qui dérégla sa machine en Suède), il auroit vécu cinq cens ans, après avoir trouvé l'art de vivre plusieurs siècles». (Baillet, op. cit., II, p. 452; A.T., vol. XI, p. 671).
Bien entendu, on ne peut croire à de pareilles exagérations. Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que celles-ci traduisent en l'amplifiant seulement, une certaine vérité historique. Les entretiens de la reine Christine avec le philosophe français concernaient entre autres sujets celui de la prolongation de la vie, et on comprend que la souveraine suédoise put ainsi s'exprimer à propos de la fin de Descartes: «Ses oracles l'ont bien trompé», (Lettre à Saumaise; A. T., vol. V, p. 461) ou encore, dans une pensée d'ordre plus général: «...les philosophes étaient de mauvais garants de leur magnifiques promesses»(Christine de Suède, Pensées, Stockholm, 1906). Ce à quoi on n'a pas manqué de rétorquer que Descartes a «déréglé sa machine» précisément parce qu'il dut enfreindre ses propres règles de vie et, en se pliant aux désirs de la reine de Suède, s'exposer, lui si frileux et si peu matinal, aux rigueurs des petites heures dans Stockholm enneigé. On a prétendu que Descartes aurait mis fin à ses jours en voulant se traiter lui-même selon les principes de son système médical, notamment en refusant la saignée.»Mirko Drazen Grmek, «Les idées de Descartes sur le prolongement de la vie et le mécanisme du vieillissement». (Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1968, volume 21, 4, p. 285-302)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1968_num_21_4_2566
Bien entendu, on ne peut croire à de pareilles exagérations. Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que celles-ci traduisent en l'amplifiant seulement, une certaine vérité historique. Les entretiens de la reine Christine avec le philosophe français concernaient entre autres sujets celui de la prolongation de la vie, et on comprend que la souveraine suédoise put ainsi s'exprimer à propos de la fin de Descartes: «Ses oracles l'ont bien trompé», (Lettre à Saumaise; A. T., vol. V, p. 461) ou encore, dans une pensée d'ordre plus général: «...les philosophes étaient de mauvais garants de leur magnifiques promesses»(Christine de Suède, Pensées, Stockholm, 1906). Ce à quoi on n'a pas manqué de rétorquer que Descartes a «déréglé sa machine» précisément parce qu'il dut enfreindre ses propres règles de vie et, en se pliant aux désirs de la reine de Suède, s'exposer, lui si frileux et si peu matinal, aux rigueurs des petites heures dans Stockholm enneigé. On a prétendu que Descartes aurait mis fin à ses jours en voulant se traiter lui-même selon les principes de son système médical, notamment en refusant la saignée.»Mirko Drazen Grmek, «Les idées de Descartes sur le prolongement de la vie et le mécanisme du vieillissement». (Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1968, volume 21, 4, p. 285-302)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1968_num_21_4_2566
Au sujet du prolongement de la vie, grand optimisme anima Descartes:
«... même l'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rend communément les hommes plus sages et habiles qu'ils ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher... On se pourrait exempter d'une infinité de maladies tant du corps que de l'esprit, et même aussi peut-être de l'affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de connaissance de leurs causes et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus. Or, ayant dessein d'employer toute ma vie à la recherche d'une science si nécessaire, et ayant rencontré un chemin qui me semble tel qu'on doit infailliblement la trouver en le suivant, si ce n'est qu'on en soit empêché ou par la brièveté de la vie ou par le défaut des expériences...» (Discours de la méthode, VI° partie, 2)
Dans sa correspondance avec Huygens, il avoue qu'il veut consacrer tout son temps à étudier les possibilités du prolongement de sa vie et de la vie des hommes sages par des saines habitudes de vie:
«Les poils blancs qui se hastent de me venir m'avertissent que je ne dois plus estudier à autre chose qu'aux moyens de les retarder. C'est maintenant à quoy je m'occupe, et je tasche à suppléer par industrie le défaut des expériences qui me manquent, à quoy j'ay tant de besoin de tout mon temps qu j'ay pris résolution de l'y employer tout, et que j'ay mesme relegué mon Monde bien loin d'icy, affin de n'estre point tenté d'achever à le mettre au net.» (5 octobre 1637)
«Je n'ay jamais eu tant de soin de me conserver que maintenant, et au lieu que je pensois autresfois que la mort ne me pût oster que trente ou quarante ans tout au plus, elle ne sçauroit désormais me surprendre, qu'elle ne m'oste l'expérience de plus d'un siècle: car il me semble voir très évidemment, que si nous nous gardions seulement de certaines fautes que nous avons coustume de commettre au régime de nostre vie nous pourrions sans autres inventions parvenir à une vieillesse beaucoup pus longue et plus heureuse que nous ne faisons; mais pource que j'ay besoin de beaucoup de temps et d'expériences pour examiner tout ce qui sert à ce sujet, je travaille maintenant à composer un abrégé de Médecine, que je tire en partie des livres, et en partie de mes raisonnements, duquel j'espère me pouvoir servir par provision à obtenir quelque delay de la nature, et ainsi poursuivre mieux cy-après en mon dessein» (25 janvier 1638)
Depuis le décès de sa fille Francine en 1640, Descartes a perdu son assurance d'autrefois:
«La conservation de la santé a esté de tout temps le principal but de mes études, et je ne doute point qu'il n'y ait moyen d'acquérir beaucoup de connaissances touchant la Médecine, qui ont esté ignorées jusqu'à présent. Mais le trtaité des animaux* que je médite, et que je n'ay encore sceu achever, n'étant qu'une entrée pour parvenir à ces connoissances, je n'ay garde de me vanter de les avoir; et tout ce que j'en puisse dire à présent est que je suis de l'opinion de Tibère, qui voulait que ceux qui ont atteint l'âge de trente ans, eussent assez d'expériences des choses qui leur peuvent nuire ou profiter, pour estre eux-mesmes leurs médecins. En effet, il me semble qu'il n'y a personne, qui ait un peu d'esprit, qui le puisse mieux remarquer ce qui est utile à sa santé, pourvu qu'il y veuille un peu prendre garde, que les plus sçavans docteurs ne luy sçauroient enseigner...» (Lettre au marquis de Newcastle, octobre 1645)
«... je vous diray en confidence, que la notion telle quelle de la Physique, que j'ay tasché d'acquérir, m'a grandement servy pour établir des fondements certains en Morale; et que je me suis plus aisément satisfait en ce point qu'en plusieurs autres touchant la Médecine, ausquels j'ay néanmoins employé beaucoup plus de temps. De façon qu'au lieu de trouver les moyens de conserver la vie, j'en ay trouvé un autre, bien plus aisé et plus sûr, qui est de ne pas craindre la mort..» (Lettre à Chanut, le 15 juin 1646)
Le 16 avril 1648, au cours d'un entretien avec François Burman, Descartes aborde le problème de la longévité. Les humains ont à apprendre beaucoup des animaux qui agissent par instinct et selon leur nature. Ceci vaut non seulement pour les hommes en bonne santé, mais aussi pour les personnes malades:
«Maintenant que la vie humaine pût être prolongée si nous connaissons l'art de la médecine il n'en faut pas douter; car puisque nous pouvons développer et prolonger la vie des plantes, etc., connaissant l'art de la culture, pourquoi donc n'en serait-il pas de même pour l'homme? Mais la meilleure manière de prolonger la vie et le méthode à suivre pour garder un bon régime c'est de vivre comme les bêtes et entre autres de manger ce qui nous plaît, flatte notre goût, et seulement tant que cela nous plaît. [...] même si nous sommes malades, la nature reste néanmoins la même, la nature qui semble justement jeter l'homme dans les maladies pour pouvoir se tirer d'autant mieux d,affaire et qui semble se jouer des obstacles, pourvu que nous lui obéissions. Et peut-être, si les médecins permettaient aux hommes les mets er les boissons qu'ils désirent souvent quand ils sont malades, les rendraient souvent mieux à la santé que par leurs médicaments rebutants, comme le prouve l'expérience elle-même; en effet, dans de tels cas, la nature poursuit elle-même sa restauration, et elle s'y entend bien mieux, étant parfaitement consciente d'elle-même, qu'un médecin extérieur.» (traduit du latin, Oeuvres et lettres, Paris, Gallimard, 1953, p. 1401-1402)
«... même l'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rend communément les hommes plus sages et habiles qu'ils ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher... On se pourrait exempter d'une infinité de maladies tant du corps que de l'esprit, et même aussi peut-être de l'affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de connaissance de leurs causes et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus. Or, ayant dessein d'employer toute ma vie à la recherche d'une science si nécessaire, et ayant rencontré un chemin qui me semble tel qu'on doit infailliblement la trouver en le suivant, si ce n'est qu'on en soit empêché ou par la brièveté de la vie ou par le défaut des expériences...» (Discours de la méthode, VI° partie, 2)
Dans sa correspondance avec Huygens, il avoue qu'il veut consacrer tout son temps à étudier les possibilités du prolongement de sa vie et de la vie des hommes sages par des saines habitudes de vie:
«Les poils blancs qui se hastent de me venir m'avertissent que je ne dois plus estudier à autre chose qu'aux moyens de les retarder. C'est maintenant à quoy je m'occupe, et je tasche à suppléer par industrie le défaut des expériences qui me manquent, à quoy j'ay tant de besoin de tout mon temps qu j'ay pris résolution de l'y employer tout, et que j'ay mesme relegué mon Monde bien loin d'icy, affin de n'estre point tenté d'achever à le mettre au net.» (5 octobre 1637)
«Je n'ay jamais eu tant de soin de me conserver que maintenant, et au lieu que je pensois autresfois que la mort ne me pût oster que trente ou quarante ans tout au plus, elle ne sçauroit désormais me surprendre, qu'elle ne m'oste l'expérience de plus d'un siècle: car il me semble voir très évidemment, que si nous nous gardions seulement de certaines fautes que nous avons coustume de commettre au régime de nostre vie nous pourrions sans autres inventions parvenir à une vieillesse beaucoup pus longue et plus heureuse que nous ne faisons; mais pource que j'ay besoin de beaucoup de temps et d'expériences pour examiner tout ce qui sert à ce sujet, je travaille maintenant à composer un abrégé de Médecine, que je tire en partie des livres, et en partie de mes raisonnements, duquel j'espère me pouvoir servir par provision à obtenir quelque delay de la nature, et ainsi poursuivre mieux cy-après en mon dessein» (25 janvier 1638)
Depuis le décès de sa fille Francine en 1640, Descartes a perdu son assurance d'autrefois:
«La conservation de la santé a esté de tout temps le principal but de mes études, et je ne doute point qu'il n'y ait moyen d'acquérir beaucoup de connaissances touchant la Médecine, qui ont esté ignorées jusqu'à présent. Mais le trtaité des animaux* que je médite, et que je n'ay encore sceu achever, n'étant qu'une entrée pour parvenir à ces connoissances, je n'ay garde de me vanter de les avoir; et tout ce que j'en puisse dire à présent est que je suis de l'opinion de Tibère, qui voulait que ceux qui ont atteint l'âge de trente ans, eussent assez d'expériences des choses qui leur peuvent nuire ou profiter, pour estre eux-mesmes leurs médecins. En effet, il me semble qu'il n'y a personne, qui ait un peu d'esprit, qui le puisse mieux remarquer ce qui est utile à sa santé, pourvu qu'il y veuille un peu prendre garde, que les plus sçavans docteurs ne luy sçauroient enseigner...» (Lettre au marquis de Newcastle, octobre 1645)
«... je vous diray en confidence, que la notion telle quelle de la Physique, que j'ay tasché d'acquérir, m'a grandement servy pour établir des fondements certains en Morale; et que je me suis plus aisément satisfait en ce point qu'en plusieurs autres touchant la Médecine, ausquels j'ay néanmoins employé beaucoup plus de temps. De façon qu'au lieu de trouver les moyens de conserver la vie, j'en ay trouvé un autre, bien plus aisé et plus sûr, qui est de ne pas craindre la mort..» (Lettre à Chanut, le 15 juin 1646)
Le 16 avril 1648, au cours d'un entretien avec François Burman, Descartes aborde le problème de la longévité. Les humains ont à apprendre beaucoup des animaux qui agissent par instinct et selon leur nature. Ceci vaut non seulement pour les hommes en bonne santé, mais aussi pour les personnes malades:
«Maintenant que la vie humaine pût être prolongée si nous connaissons l'art de la médecine il n'en faut pas douter; car puisque nous pouvons développer et prolonger la vie des plantes, etc., connaissant l'art de la culture, pourquoi donc n'en serait-il pas de même pour l'homme? Mais la meilleure manière de prolonger la vie et le méthode à suivre pour garder un bon régime c'est de vivre comme les bêtes et entre autres de manger ce qui nous plaît, flatte notre goût, et seulement tant que cela nous plaît. [...] même si nous sommes malades, la nature reste néanmoins la même, la nature qui semble justement jeter l'homme dans les maladies pour pouvoir se tirer d'autant mieux d,affaire et qui semble se jouer des obstacles, pourvu que nous lui obéissions. Et peut-être, si les médecins permettaient aux hommes les mets er les boissons qu'ils désirent souvent quand ils sont malades, les rendraient souvent mieux à la santé que par leurs médicaments rebutants, comme le prouve l'expérience elle-même; en effet, dans de tels cas, la nature poursuit elle-même sa restauration, et elle s'y entend bien mieux, étant parfaitement consciente d'elle-même, qu'un médecin extérieur.» (traduit du latin, Oeuvres et lettres, Paris, Gallimard, 1953, p. 1401-1402)