«Une intention saturante et lancinante par les redites et par ces heures qui se développent à partir d'elles-mêmes dans un mouvement qui s'apparente au phénomène de la spirale, règne sur la méditation de ce poème [...]. Enfin dans les deux derniers quatrains, les mots «torture» [...] redits et redits et projetant d'un quatrains vers l'autre , la saturation réciproque de l'objet et d'une idée contraignante de Mort.» (M. Guiomar, Principes d'une esthétique de la Mort, José Corti, 1988, p. 210)
HEURES MORNES
Hélas, quel soir! ce soir de maussade veillée.
Je hais, je ne sais plus; je veux, je ne sais pas;
Ah mon âme, vers un néant, s'en est allée,
Vers un néant, très loin je ne sais où, la-bas?
Il bat des tas de glas au-dessus de ma tête,
Le vent, il corne à mort, et les cierges bénits
Qu'on allumait, pendant la peur de la tempête,
Les bons cierges se sont éteints et sont finis.
Cela se perd, cela s'en va,cela se disloque,
Cela se plaint en moi, si monotonement,
Et cela semble un cri d'oiseau, qui s'effiloque.
Qui s'effiloque au vent d'hiver, lointainement.
Oh ces longues heures après ces longues heures,
Et sans trêve, toujours, et sans savoir pourquoi;
Et sans savoir pourquoi ces angoisses majeures;
Oh ces longues heures d'heures à travers moi!
Une torture ?- Oh vous qui les savez si mornes
Ces nuits mornes, et qui dansez, au vent du Nord,
Ruts d'ouragan, sur les marais et les viornes
Et les étangs et les chemins et sur la mort:
Une torture en moi frappe et me lacère ?
Une torture à pleins éclairs, comme des faulx
Et des sabres, par à travers de ma misère;
Une torture, à coups de clous et de marteaux?